IRONIE numéro 133 - Octobre 2008

Le Buveur d’Annibale Carracci

Fig. 1 - La boucherie (Oxford)

Fig. 1La boucherie (Oxford)

Au début du XXe siècle, un certain nombre d’études portant sur une redéfinition du Maniérisme et du Baroque a amené une réflexion sur les Carracci dont la production se situe à la charnière des deux mouvements. Toujours porteuses de l’acception bellorienne, ces études tentent de plus en plus de redistribuer à chaque membre de la famille sa propre production. La paternité de l’invention que représente la peinture de genre est reconnue à Annibale mais ces œuvres restent très peu étudiées. En 1913, lorsque Gabriel Rouchès aborde la « question du réalisme chez Annibal Carrache »1, c’est au sein des œuvres religieuses des trois artistes qu’il le décèle. En 1934, Roberto Longhi s’intéresse tout particulièrement à l’art des Carracci ; il le présente comme un « retour à la nature », un art « tendant à enjamber le cadavre du maniérisme et à communiquer directement, par l’ouverture, non d’un livre, mais d’une fenêtre, avec le spectacle changeant des circonstances de la nature »2. Longhi anticipe ainsi les importantes publications de Denis Mahon3 des années 1940 où ce dernier oppose le naturalisme d’Annibale Carracci et l’artificialité du maniérisme.

Dans cette lignée, la critique actuelle oppose, à une tradition raffinée du maniérisme qui s’épuise, incarnée par Bartolomeo Passerotti, le retour à l’étude directe de la nature des trois Carracci. L’exposition bolonaise de 1956 consacrée aux trois Carracci permit la redécouverte définitive de l’artiste.

Une certaine brutalité

Fig. 3 - Le buveur (Zurich)

Fig. 3Le buveur (Zurich)

Dans un article paru à l’occasion, Francesco Arcangeli s’attache à analyser la Boucherie d’Oxford (fig. 1) et le Buveur de Zurich (fig. 3), les jugeant d’« une certaine brutalité à la fois riche et vive, un ‘populaire’ chargé, […] un de ces ‘divertissements’, […] occupation d’esprits mixtes, ou capricieux, comme ceux des Flamands, ou des Campi ; ou, précisément, de Passerotti »4 . Quelques années plus tard, Gian Carlo Cavalli écrit : « Ces premières peintures, des années 1583 et 1584 […] dont la touche grumeleuse et agressive trouve des précédents dans la mise en place d’une réalité particulière et spécieuse du maniériste bolonais Bartolomeo Passerotti, et une sorte de parallèle avec les Crémonais Campi, vers lesquels les Carracci se sont certainement aussi tournés à leurs débuts »5. Comme l’avait fait Arcangeli, Cavalli établit un lien entre, à la fois, Annibale, Bartolomeo Passerotti et les Campi par le biais de la Boucherie et du Buveur. Mais si chez le premier ce rapprochement est fait par un commun « esprit mixte ou capricieux » produisant des « divertissements » chez tous ces peintres, chez le second c’est davantage par la « touche grumeleuse et agressive » et la « mise en place d’une réalité particulière » qu’Annibale Carracci se rapproche de Passerotti et des Campi. Des arguments qui posent les jalons d’une comparaison entre Passerotti, Annibale et la famille des Crémonais, sans préciser cependant pourquoi, comment et lequel des frères Campi fut le plus prégnant au sein de cette relation culturelle et artistique. À la même époque, Luigi Salerno insiste à l’inverse sur la différence, l’opposition séparant Carracci et Passerotti : « à Bologne, [Carracci] s’était consacré à une peinture populaire sans maître, instinctive, forte, colorée, opposée à l’aristocratique culture maniériste »6.

Dans les années 1970, le nombre d’études dédiées à la personnalité et à l’œuvre d’Annibale Carracci croît : en 1971, Donald Posner publie une monographie, qui fait encore référence, intitulée Annibale Carracci : A Study in the Reform of Italian Painting Around 15907 tandis qu’Anton W. Boschloo trois ans plus tard consacre un ouvrage important à Annibale Carracci in Bologna8. Dans ce processus de redécouverte, l’article de John Rupert Martin9 dédié à une des Boucheries d’Annibale ouvre une brèche dans la lecture qu’il en est habituellement fait ; en rappelant comment cette œuvre a longtemps été considérée à tort comme un « caprice d’artiste, pour se dégourdir les doigts »10, l’auteur tisse des liens entre ce tableau et d’autres œuvres religieuses de l’artiste mais, surtout, montre la présence au sein de cette composition de motifs directement empruntés aux grands maîtres de la Renaissance. Malgré cette démonstration toute la production de genre du Bolonais restera appréhendée comme un « divertissement », une « occupation de l’esprit capricieux » du plus jeune des Carracci. Posner écrit ainsi : « il est important de se rappeler que […] ni Annibale ni ses commanditaires n’auraient pu penser qu’une telle œuvre soit plus qu’un amusement pictural ou une "curiosité" »11 alors que Boschloo compare ces tableaux de genre à « des produits triviaux d’une amusante activité de loisirs »12.

Lorsque Posner traite en chapitres séparés les phases principales de l’évolution artistique du peintre et les différents thèmes que ce dernier aborde, c’est pour mieux démontrer la multiplicité et la haute qualité des œuvres du jeune peintre. Dans un chapitre intitulé « Les origines de la peinture de la vie basse en Italie », qui s’intéresse notamment à « La Boucherie et autres œuvres de genre d’Annibale »13, Posner fait un point efficace sur le sujet : il est le premier à introduire véritablement l’idée de genre pour l’œuvre d’Annibale, mais c’est sans pourtant interroger l’expression « œuvres de genre ». Le spécialiste se contente de définir cette peinture comme des représentations de « scènes réalistes de la vie quotidienne et du travail des paysans ou de la population urbaine »14. Dans son ouvrage, Anton W. Boschloo reprend cette idée en traitant de l’intérêt du peintre pour l’existence de l’« homme commun »15 rendu par « la simplicité du dessin et la représentation réaliste [qui] accable le spectateur. Il est soudain mis en présence, par le peintre, d’un fragment de la réalité »16. Ce dernier va plus loin, en écrivant : « Il est de mon intention d’étudier davantage dans l’art d’Annibale le ‘robuste esprit réaliste’ de la fin du XVIe siècle »17.

En complet décalage avec cette lecture, Barry Wind propose une interprétation davantage symbolique du genre chez Annibale Carracci, en publiant en 1976 un article consacré toujours à cette même Boucherie mais qui ouvre une autre voie d’interprétation pour le genre. Son étude situe ce tableau dans une tradition figurative nord italienne comique et le définit comme appartenant à « un type spécial de genre comique »18. Dans la même mouvance interprétative qui refuse d’appréhender les scènes de genre d’Annibale comme de simples scènes de la vie quotidienne, Roberto Zapperi, dans son Annibale Carracci. Portrait de l’artiste en jeune homme, propose en 1989 une nouvelle lecture de ces oeuvres de genre en liant analyse plastique des œuvres et réflexions historiques et anthropologiques.

Fig. 2 - Le mangeur de haricots

Fig. 2Le mangeur de haricots

Ces deux nouvelles approches de la scène de genre sont essentielles : en inscrivant le genre pratiqué par le jeune Bolonais au sein d’une tradition artistique donnée, elles nous ont guidé dans notre démarche interprétative alliant approches historique et anthropologique. Zapperi écrit : « Toute véritable expérience artistique passe par ce rapport avec la tradition qui, loin d’être pure répétition, exige la confrontation permanente avec le " vivant ". Cette imitation de la réalité est à son tour médiatisée par la reconstruction attentive que la pose des modèles permet de réaliser en atelier. On voit donc que nous nous trouvons ici au début d’une recherche capitale qui ne déplace l’accent de la tradition artistique sur l’imitation du « vivant » que pour parvenir à une nouvelle synthèse »19. En ayant en tête les peintures de genre d’Annibale Carracci, ces quelques lignes révolutionnent totalement l’approche qui leur était réservée traditionnellement. Alors qu’en 1986 une grande exposition, Nell’età di Correggio e dei Carracci, abordait la « réforme » des Carracci et présentait l’originalité de l’enseignement prodigué au sein de leur Accademia, récemment une importante exposition a été entièrement consacrée à Annibale Carracci. Inauguré et montré à Bologne puis installé et achevé à Rome, ce regroupement de tableaux démontre la qualité et la diversité de la première période d’activité du peintre : la période bolonaise. La Boucherie, le Buveur et le Mangeur de haricots (fig. 2) présentés à cette occasion sont aussi les objets d’étude de certains textes du catalogue. Daniele Benati qui y signe le chapitre intitulé Il laboratorio del « vivo » – l’atelier du « vivant », omet volontairement les expressions peinture de genre ou scène de genre pour aborder ces tableaux, préférant les décrire comme des images du « geste du tout quotidien et même banal »20.

Gestualité du buveur

Fig. 5Le buveur (Cleveland) À VENIR

Fig. 6Le buveur (Londres) À VENIR

Fig. 7Le buveur (Coll. Part.) À VENIR

Le vin a une place toute particulière dans les représentations peintes d’Annibale Carracci21. Le liquide représenté par l’artiste bolonais s’offre lumineux, clair et transparent, comme débarrassé de toute connotation avilissante que cette boisson porte dans les tableaux d’autres artistes qui lui sont contemporains. Il est consommable par tous comme s’il était une boisson neutre sans pouvoir enivrant. Présent sur toutes les tables au Cinquecento – de celle du paysan à celle du prince22 - le vin est consommé par les deux sexes. Il se boit seul mais plus volontiers en compagnie, avec modération ou jusqu’à l’ivresse ; c’est la boisson unificatrice par excellence. Le Buveur qu’Annibale réalise à Bologne sensiblement à la même époque, connu par des versions soit autographes (fig. 3 et fig. 4) soit de son entourage (fig. 5) suscitent encore bien des interrogations23. Des exemplaires largement postérieurs24 existent aussi, comme la version de la Galerie Harari & Johns Ltd de Londres25 (fig. 6) et celle de la collection Mrs Robert van Buren Emmons de Hamble26 (fig. 7). Le sujet représenté est étonnant et unique. Le jeune peintre crée l’original de cette composition dans les années 1580 et ne reprendra plus jamais la structure singulière de son œuvre : un personnage buvant est traité en tant que sujet autonome, représenté en demi-figure, il se détache sur un fond neutre et sombre. Les diverses copies et variations de cette composition attestent de la popularité de l’œuvre originale. Le modèle initial27 serait un exercice pictural à replacer dans le contexte de l’Accademia dei Carracci et non pas l’ébauche préparatoire d’une peinture de genre, jamais réalisée ou actuellement perdue28. Les autres versions variablement attribuées à Carracci s’inscriraient dans ce contexte, ce qui pourrait expliquer la rapidité avec laquelle chacune fut exécutée. Cette hypothèse peu fondée s’oriente trop vers l’idée, très répandue chez les spécialistes du peintre bolonais, qu’Annibale Carracci, avant son arrivée à Rome, peignait des sujets de genre pour s’amuser et sans prétention aucune. Or, qu’il s’agisse du choix du sujet, du format et des objectifs plastiques ou artistiques, rien n’est, bien sûr, le fruit du hasard.

L’intérêt d’Annibale Carracci, inventeur du modèle, et de ses élèves ou suiveurs, peintres des copies et des variations semble être le même : travailler à partir d’un motif simple, d’un geste et d’objets familiers, pour rendre des effets picturaux complexes qui, par leur présence même, investissent la représentation d’un sens plus profond justifiant son existence. L’image29 (fig. 3) est celle d’un jeune homme vêtu d’une chemise blanche, tenant de la main droite une carafe à demi pleine d’une boisson – plus ou moins claire, plus ou moins mordorée ou rouge selon les versions – et de la gauche son verre totalement vidé. La tête rejetée en arrière et le bras tenant le verre très haut, le personnage semble concentré à l’extrême dans la volonté de récupérer l’ultime goutte du breuvage contenu dans son verre. Mais en y regardant de plus près, il semble aussi comme perdu dans la contemplation d’une réalité vue au travers de la concavité transparente du verre, comme absorbé dans ses pensées. Le peintre en représentant l’aliment, en l’occurrence le vin, transforme la « gestualité » de la bouche en une aventure du regard. Car si l’artiste travaille sur les transparences, l’opacité, les effets de lumière et la précision des gestes, la bouche entrouverte, la présence du vin en carafe et son absence dans le verre – mais que l’on suppose ingéré – forment un fil conducteur tissé à l’intention du regard du spectateur.

La transparence du verre et de la carafe s’oppose à l’opacité de la chemise du personnage et au fond noir de la représentation. Un fond neutre qui contraste avec la transitivité30 du sujet représenté : un homme en train de boire. Un jeu des matières travaille l’ensemble de la composition avec d’une part le tissu assez épais et rugueux de la chemise claire et de l’autre, la surface lisse, fine et transparente de la carafe. Les reflets lumineux des fenêtres sur le verre, la carafe et la peau du personnage forment l’essentiel de la représentation. Ils réfléchissent la scène et l’inscrivent dans un lieu - une pièce sombre percée d’ouvertures - et dans un moment bref et fugace. La carafe transparente s’assombrit par la présence du vin et devient un lieu de mystère malgré le fait que le vin soit lumineux. La boisson, dès lors, s’associe à la clarté et à la brillance de la carafe, à celles du verre et du jour. Ainsi, étonnamment, le caractère concret de l’acte de boire est rendu dans une atmosphère presque onirique, faite de vides et de pleins, de transparences et d’opacités, de mystères et de clartés.

Le Buveur d’Annibale Carracci : un éloge du vin

Fig. 4 - Le buveur (Oxford)

Fig.4Le buveur (Oxford)

Dans sa composition, Annibale Carracci associe à l’action de boire – l’absorption d’une substance liquide – un autre acte : la présentation de la part du buveur, et cela au tout premier plan, de la boisson qu’il est en train d’avaler. En associant ces deux gestes, le peintre trace une trajectoire imaginaire entre l’aliment liquide et la bouche du personnage, et intègre ainsi le sens du goût dans l’art visuel. Deux éléments nodaux se détachent donc de cette représentation. Le premier est situé au niveau du visage du protagoniste saisi en plein acte d’absorption alimentaire. Il semble complètement absorbé dans ses pensées, dans une vision intérieure ou dans celle d’une réalité déformée par le filtre optique incarné par son verre. Un absorbement31 du buveur lié à l’absorption du vin, et qui ferme la représentation au regard du spectateur puisque ce dernier n’est pas lui-même regardé. Le second motif nodal est la carafe contenant le vin. La présence du vin, en avant plan de l’image, substance porteuse de toute une mythologie, d’un contenu symbolique et source d’un large imaginaire, n’est pas anodine. Le vin contenu dans la carafe c’est celui qui répand force et pouvoir dans les cœurs ; c’est le vin de l’imaginaire populaire, lié à la force vitale qu’il réchauffe, entretient et renouvelle.

Platina dans son De honesta voluptate et valetudine le définit comme « grandement nutritif et restauratif, et nourrist legierement, conforte la chaleur naturelle, lesprit et eschauffe tout le corps, lesquelles choses font beaucoup au nourrissement »32. Un siècle plus tard, médecins et les diététiciens le prescrivent aux vieillards et aux malades comme l’atteste le texte, daté de 1570, de Domenico Romoli, intitulé La Singolare Dottrina di Domenico Romoli :

« Le Vin est manger, boire, et médecine, parce que bu modérément il égaye le cœur, éteint les infirmités, et les blessures, garde la bonne santé, et la chaleur naturelle par la conformation qu’il a avec la complexion humaine, où il génère du sang très pur […]. Il convient à tous les hommes de l’utiliser, à tous les âges, temps & dans toutes les régions […]. Il convient particulièrement bien aux vieux, parce que la chaleur du Vin répugne à leur froideur. Il convient aussi aux jeunes, parce que de sa nature il est nourriture, & médecine ».33

Mais au-delà de toutes les représentations qu’incarne le vin : principe de vie34, élément salutaire et nutritif reconstituant, ou remède contre la maladie et pour combattre l’anémie, ce qui nous importe ici c’est de saisir les liens que l’artiste a établi entre les différents éléments clés de sa composition : le vin et sa carafe, le verre porté à la bouche, l’absorption du vin et celle du personnage, et cela, afin que le regard du spectateur devienne moyen d’ingestion de la peinture.

Notre lecture part de l’absorption du personnage qu’il s’agisse de celle du vin ou de l’état dans lequel il se trouve, cet « abandon de soi » face au spectateur qui se manifeste par l’indifférence du buveur à toute chose, à tout regard étranger. Alors que pour son Mangeur de haricots, Annibale sollicite la participation du spectateur pour faire fonctionner sa composition, pour le Buveur, il modifie le rapport entre la scène représentée et le spectateur.

Dans le cas de son Mangeur de haricots, les réactions émotionnelles du personnage attablé sont difficiles à interpréter ; le rire est absent, la gourmandise se meut en gloutonnerie et le plaisir alimentaire semble laisser place à la nécessité de se nourrir. Avec le Buveur, le peintre franchit une nouvelle étape, le personnage absorbé dans l’acte de boire, semble méditer sur le vin qu’il sent couler dans sa gorge et ne manifeste aucune émotion. La tête en arrière, le regard du buveur perdu dans le vide n’est plus, pour le spectateur, cette prise directe qui lui permet d’entrer dans la représentation, de saisir puis ressentir le sentiment du personnage représenté. Annibale Carracci, dans un souci de vraisemblance et d’efficacité, représente l’absorbement de son personnage.

Comme le feront certains peintres français au début des années 1750, il utilise le procédé simple mais convainquant de montrer tout ce qui n’absorbe pas le buveur pour mieux montrer son sujet d’absorbement. Dans le cas de cette composition, sur un fond neutre et sombre, représentation du rien environnant, le personnage ne regarde ni le spectateur ni l’aliment déjà absorbé. Le spectateur est comme nié, c’est-à-dire qu’afin de paraître absorbé, le personnage doit avoir l’air d’oublier la présence du spectateur. Ici, comme cela sera le cas chez Chardin35, « cette nécessité [de paraître absorbé] demeure le plus souvent implicite : il suffit encore de paraître purement ignorer l’existence du spectateur et de représenter avec fidélité des activités ou des états d’absorbement ordinaires »36. Si chez le peintre français, l’état d’absorbement ordinaire passe par des objets absorbants ordinaires, comme le livre37, l’activité d’absorbement du buveur se fait plus ambigüe puisque le vin, ici, objet absorbant ordinaire, a disparu ; c’est l’absorption alimentaire qui, selon nous, provoque l’état d’absorbement du personnage. Les objets dont le buveur est doté s’utilisent dans cette activité absorbante : un verre limpide et transparent, du vin clair et lumineux, qui nous semble, d’ailleurs, être le moyen le plus efficace pour se mettre et se maintenir en état d’absorbement, entre enivrement et concentration. L’état d’absorbement du personnage, qui créé aussi son état d’absence, est contrebalancé par la présence de la carafe de vin. Le spectateur semble nié par le buveur tout en étant invité à boire et à partager le vin du tout premier plan. Le contact entre le buveur et le spectateur se fait par le biais du vin en carafe. Annibale Carracci offre au spectateur le vin, objet alimentaire absorbant ordinaire de son personnage déjà en état d’absorbement.

À moins que l’élément clé de la lecture proposée par cette composition soit, non pas le vin en carafe, mais le vin absorbé qui semble être la cause de l’absorbement du personnage. Un liquide qui a déjà disparu du verre puisqu’il glisse dans la gorge du buveur alors qu’il en reste dans la carafe représentée au premier plan. Une carafe encore bien pleine mais dont le bouchon a disparu. Cette ouverture n’est pas anodine, elle permettra au liquide de s’échapper du contenant lorsque le buveur se resservira, elle permet l’échappement des arômes et des senteurs du vin. Dans la littérature du XVIe siècle, il n’est pas rare de voir comparé le récit d’une histoire à un flacon qui se débouche avec convoitise, qui se lit comme on boit, lentement, en l’avalant et l’assimilant. La boisson s’impose comme métaphore de l’acte même de lecture. Et en écrivant ces lignes, nous songeons bien sûr aux textes de François Rabelais où « […] le vin de l’œuvre ne coule pas par intermittences, c’est un vin irrépressible et qui ne peut tarir »38. Reste à savoir si « le vin de l’œuvre » – substance même de la représentation et non plus substance liquide représentée – du peintre bolonais possède le même pouvoir que celui qui provoque l’imagination du lecteur rabelaisien.

Nous savons que François Rabelais39 a placé son œuvre sous le signe du vin. Dès le Pantagruel, la naissance du géant est saluée dans le ciel par le mouvement de trépidation d’astres légèrement ivres.

Quant au Gargantua, son prologue est clair : « Buveurs très illustres, & vous, vérolés très précieux, car à vous, non à autres, sont dédiés mes écrits »40. Avec le Tiers Livre commence le voyage des héros pour visiter l’oracle de la Dive Bouteille qui se finira dans le Cinquième Livre. Le chapitre XLIV de ce livre intitulé Comment la pontife Bacbuc présenta Panurge devant la Dive Bouteille inclut un morceau d’anthologie dédié à la bouteille41.

« Ô Bouteille
Pleine toute
De mystères,
D’une oreille
Je t’écoute :
Ne diffères,
Et le mot profères
Auquel pend mon cœur.
En la tant divine liqueur,
Qui est dedans tes flans reclose,
Bachus, que fut d’Inde vainqueur,
Tient toute vérité enclose.
Vin tant divin, loin de toi est forclose
Toute mensonge & toute tromperie.
En joie soit l’âme de Noé close,
Lequel de toi nous fit la temperie.
Sonne le beau mot, je t’en prie,
Qui me doit ôter de misère.
Ainsi ne se perde une goutte
De toi, soit blanche, ou soit vermeille.
Ô Bouteille
Pleine toute
De mistères
D’une oreille
Je t’écoute :
Ne diffères »

Dans ce poème, l’introduction du réseau nouveau de correspondances que fait Rabelais au système de signes anciens inhérents au symbolisme du vin d’origine médiéval ne manque pas d’intérêt, elle peut nous aider à comprendre l’importance que le peintre bolonais réserve à la carafe de vin dans sa composition. Comme l’écrit Roland Antonioli, le symbolisme du vin de Rabelais « s’oriente autour de trois grands domaines imaginaires. Le vin est symbole de force et de vie, il est aussi symbole de sincérité et révélateur de la vérité cachée, il est enfin symbole de la fécondité inépuisable de l’œuvre »42. Le vin contenu dans la carafe ouverte représenté au premier plan du Buveur de Carracci, c’est ce vin qui répand dans les cœurs, force et pouvoir car le vin est lié, dans l’imaginaire populaire, à la force vitale qu’il entretient et renouvelle. C’est du même vin dont il s’agit dans le premier chapitre du Tiers Livre de Rabelais où l’auteur aborde Bacchus en tant que Dieu de la végétation et du renouvellement de la vie. L’éloge qu’il fait du vin est celui du retour de l’abondance matérielle et de la prospérité. Aussi est-ce un vin lumineux, qui fait reluire l’âme et le corps, et qui s’associe à tout ce qui est clair et brillant, l’éclat des écus au soleil43, la douce lumière et le carillon matinal des flacons et des verres44.

Dans l’œuvre peinte, la luminosité et la clarté du vin – parce que certainement coupé45 – illustrent cette idée, deux caractéristiques qui s’associent à la transparence de la carafe et du verre vidé. Mais en partie assombrie par le vin, la carafe est aussi lieu de mystère car le vin lui-même a aussi ses mystères. Des mystères liés à Bacchus qui, selon Plutarque, sous le nom de Sérapis46, est une des formes de Pluton, le Dieu souterrain. « Ainsi le vin, qui naît sous la terre et qui remonte au jour pour redescendre, loin de la lumière, dans l’obscurité de la cave, peut-il développer un second symbolisme, nocturne, celui de Bacchus Liber, qui révèle la vérité cachée »47.

Le vin en tant que « symbole de sincérité et révélateur de la vérité cachée » dévoile les pensées intimes de chacun. Au réconfort physique et moral que procure la boisson se mêle celui de la vérité pourchassée. C’est dans la bouteille que se trouve la source de l’éloquence et de la sagesse. Erasme met souvent en scène, dans ses Colloques48, des convives qui jouent, au début du banquet, avec les idées et les mots, comme les buveurs rabelaisiens, illustrant eux-mêmes l’adage qu’ils ne manquent pas de citer, in vino veritas. La liberté des propos de table permet de jouer avec les idées les plus graves dans un esprit de libre recherche et en dehors de tout préjugé car du vin pris avec modération proviennent sagesse et vérité.

Mais les mystères de Bacchus ne se réduisent pas toujours à l’allusion voilée. Le vin jaillit du tonneau de l’œuvre et crée son propre discours. Ce lien entre l’inspiration créatrice et le vin, Rabelais l’invoque rituellement depuis le Prologue de Garguantua quand il rappelle les circonstances dans lesquelles il compose : « Car, à la composition de ce livre seigneurial, je ne perdis ni employai onques plus, ni autre temps que celui qui était établi à prendre ma réfection corporelle, savoir est buvant & mangeant »49. L’exhortation reprend une tradition ancienne, bien connue au XVIe siècle, celle qui fait aussi de Bacchus le Dieu de l’inspiration poétique. L’inspiration créatrice qu’on trouve dans une bonne bouteille marque également le Prologue du Tiers Livre : « Attendez un peu que je hume quelque trait de cette bouteille : c’est mon vrai & seul Helicon, c’est ma fontaine caballine, c’est mon unique enthousiasme. Ici buvant je delibère, je discours, je resous & conclus. Après l’épilogue, je ris, j’écris, je compose, je bois. Ennius buvant écrivait, écrivant buvait. Eschyle buvait composant, buvant composait. Homère jamais n’écrivit à jeun. Caton jamais n’écrivait qu’après boire »50. Ainsi, en représentant une carafe de vin ouverte au tout premier plan de son œuvre, Annibale Carracci évoque la force vitale du liquide et ses pouvoirs pour délier les langues, pour faire jaillir vérité et sagesse.

Annibale Carracci invoque Bacchus en tant que Dieu du mystère mais surtout Dieu de l’inspiration créatrice. La carafe ouverte laisse s’échapper la création artistique, l’histoire qui se déroule sous le regard du spectateur. Le vin absorbé par le buveur n’est pas seulement un aliment, il lui permet aussi de célébrer le culte de Bacchus. Un culte auquel se livre aussi le peintre puisque le vin est source d’inspiration. La carafe de vin est à l’origine de la narration et le boire est acte de convivialité entre le buveur et le spectateur. Le peintre semble avoir délibérément coupé le vin de cette carafe par de l’eau comme s’il désirait pour son buveur un enivrement très lent, une consommation modérée de la boisson alcoolisée afin de lui éviter l’extrémité de l’ivresse déshumanisante. En cela, Annibale Carracci croit à la puissance libératrice du vin pris de façon modérée, aux vertus de la sobriété51 et à la fonction essentiellement nutritive du vin et non aux caractéristiques qui lui sont associées lorsqu’il est pris comme une drogue. Au premier plan, à demi-pleine, la carafe est une invitation du buveur envers le spectateur, du peintre envers celui qui regarde la toile. Le lieu de l’échange se situe donc autour du vin, sous le signe de la carafe. Une carafe de vin qui devient le point central autour duquel la communauté s’organise, le centre de convivialité duquel jaillit le récit, l’historia, la narration représentée. La phrase : « Le paradigme convivial esquisse un programme qui est clair : il soustrait le livre au maléfique de la lecture solitaire et silencieuse, il refuse le contact anonyme et distant de l’écrit »52 formulée par Michel Jeanneret à propos du Prologue du Tiers Livre de Rabelais semble tout aussi vraie pour l’œuvre de peinture d’Annibale : « Le paradigme convivial esquisse un programme qui est clair : il soustrait le tableau au maléfique de la vision solitaire et silencieuse, il refuse le contact anonyme et distant de la peinture ».

La carafe de vin permet l’entrée du spectateur dans la représentation peinte. Elle rappelle l’ingestion de l’histoire qui lui est racontée car, offerte à la vue du spectateur, elle fait revenir à la mémoire de ce dernier que boire, c’est faire symboliquement l’apprentissage du monde, c’est libérer un appétit, une force de désir, qui dynamise tout. Si pour l’artiste boire et dépeindre est un tout, pour le spectateur boire et regarder l’action représentée coïncident. Du peintre buveur, le phénomène s’étend au tableau comme produit de consommation et au regard comme ingestion.

Valérie Boudier

1 Dans le chapitre II, intitulé « Débuts des Carrache » de son ouvrage (G. ROUCHES, La peinture bolonaise à la fin du XVIe siècle, Paris, 1913, p. 114).

2 « […] il movente dei Carracci fu sin dall’inizio un movente « lombardo », intenso a scavalcare il cadavere del manierismo e a comunicare direttamente, ad apertura, non di libro, ma di finestra, […]. E l’aspetto solito di ogni rivoluzione artistica : quello, insomma, del "ritorno alla natura" » dans Roberto Longhi, (R. LONGHI, « Momenti della pittura bolognese » in Lavori in Valpadana (1934-1964), vol. VI, Florence, (1934) 1973, p. 199).

3 D. MAHON, Studies in Seicento Art and Theory, Londres, 1947.

4 « Una certa brutalità fra ricca e stenta, un ‘popolare’ caricato, e perciò abbastanza esterno, denunciano nel pur interessantissimo quadro uno di quei ‘divertimenti’, già da tempo, nel corso del’500, occupazione di ingegni misti, o capriziosi, come quelli dei fiamminghi, o dei Campi ; o, appunto, del Passerotti » dans Francesco Arcangeli (F. ARCANGELI, « Sugli inizi dei Carracci » in Paragone, n°79, 1956, p. 26).

5 « […] dai primi dipinti, fra l’83 e l’84, come il "Crocifisso" di S. Nicolò (Bologna), la "Macelleria" della Christ Church di Oxford, il "Mangiafagioli" della gal. Colonna (Roma) ; ove la pennellata grumosa ed aggressiva ha i suoi precedenti nel precoce fissaggio d’una realtà particolare e capziosa del manierista bolognese Bartolomeo Passerotti, una specie di parallelo dei cremonesi Campi, cui pure i Carracci certamente guardarono in questi anni d’inizio » dans Gian Carlo Cavalli (G.C. CAVALLI, Maestri della pittura del Seicento emiliano, cat. d’expo., Bologne, 1959, p. 22).

6 L. SALERNO, Le XVIIe siècle européen, Rome, 1956, p. 21.

7 D. POSNER, Annibale Carracci : A Study in the Reform of Italian Painting Around 1590, Londres, 1971.

8 A. W. A. BOSCHLOO, Annibale Carracci in Bologna. Visible Reality in Art after the Council of Trent, La Haye, 1974.

9 J. RUPERT MARTIN, « The Butcher’s shop of the Carracci » in The Art Bulletin, 45, 1963, p. 263-266.

10 W. Thoré-Bürger, Trésors d’art en Angleterre, Paris, 1865, p.100, cité par John Rupert Martin, op. cit., p. 265.

11 « […] it is important to remember that […] neither Annibale nor his patrons would have thought such a work to be much more than a pictoral amusement or "oddment" » dans Donald Posner, op. cit., p. 19.

12 « […] as the trivial products of an amusing leisure activity » dans Anton W. A. Boschloo, op. cit., p. 33.

13 « The Origins of Low-life Painting in Italy » et « The Butcher’s Shop and other genre works by Annibale » dans Donald Posner, op. cit., p. 9.

14 « […] realistic scenes of the everyday life and work of peasants or of the urban populace » dans Donald Posner, op. cit., p. 9.

15 « Common man » dans Anton W.A. Boschloo, op. cit., p. 34.

16 « The simplicity of design and the realistic representation overwhelm the spectator. He is suddenly confronted by the painter with a fragment of reality. » dans Anton W. A. Boschloo, op. cit., p. 34.

17 « It is my intention to study further in Annibale’s art the ‘heathy down-to-earth spirit’ at the end of the 16th century […] » dans Anton W. A. Boschloo, op. cit., p. 5.

18 « […] a special kind of comic genre » dans Barry Wind (B. WIND, « Annibale Carracci’s "Scherzo" : the Christ Church Butcher Shop » in The Art Bulletin, LVIII, n°1, 1976, p. 96).

19 R. ZAPPERI, Annibale Carracci ; portrait de l’artiste en jeune homme, Paris, 1989 (1990), p. 73.

20 « […] gesto del tutto quotidiano e anche banale […] » dans Daniele Benati (D. BENATI, « Il laboratorio del "vivo" » in Annibale Carracci, cat. d’expo., Milan, 2006, p. 88).

21 Nous nous limitons à la peinture de genre, la représentation du vin dans les décors profanes réalisés par l’artiste pourrait être l’objet d’un autre travail.

22 Malgré, bien sûr, des qualités très diverses selon les tables.

23 Des interrogations essentiellement liées à l’attribution des diverses versions de cette œuvre. Comme si les nombreuses controverses autour du caractère autographe ou non des œuvres permettaient aux historiens de l’art d’éluder la question principale : quelles interprétations ou quelles lectures peuvent être proposées de cette composition ?

24 Nous reproduisons cinq versions du Buveur (Fig. 3, 4, 5, 6, 7) ; les trois premières semblent appartenir à la catégorie des copies tandis que les deux dernières s’éloignent de la composition initiale et s’apparentent à des variations : avec d’un côté la version de Zurich, celle d’Oxford et celle de Cleveland et de l’autre côté, la version de Londres et celle de la collection de Mrs Robert van Buren Emmons, de Hamble.

25 XVIIe siècle, huile sur toile, 50 x 40 cm, Londres, Galerie Harari & Johns Ltd.

26 XVIIe siècle, huile sur toile, 53 x 41 cm, Hamble, collection de Mrs Robert van Buren Emmons.

27 Selon Donald Posner (1971), la version d’Oxford est une copie d’un artiste tardif tandis que celle de Zurich serait une copie plus spontanée de l’original. Keith Christiansen (1990) attribue la version de Zurich à Ludovico Carracci.

28 Les problèmes d’authenticité et d’attribution ne nous intéressent que très peu ici, en revanche, ce qui nous importe c’est la manière dont ces tableaux sont appréhendés par la critique actuelle.

29 Nous partons pour notre analyse d’une des plus belles, en qualité, des versions du Bevitore : celle (huile sur toile, 61,4 x 44,4 cm) de Zurich, Nathan Fine Art.

30 En tant que « représenter quelque chose », ce terme est emprunté à Louis Marin (L. MARIN, « Le cadre de la représentation et quelques-unes de ses figures » in De la représentation, Paris, (1988) 1994, p. 342-363.

31 Nous empruntons le terme à Michael Fried (M. FRIED, La place du spectateur, Paris, (1980) 1990) même si l’absorbement n’est pas un concept utilisé habituellement pour l’art du XVIe siècle. L’auteur rappelle cependant, à la page 49 de son ouvrage, qu’« incontestablement une tradition de la peinture de l’absorbement a existé, tradition dont l’efflorescence au XVIIe siècle fut suivie d’un déclin relatif presque universel ».

32 B. SACCHI, op. cit., (1505) 1999, p. 196.

33 « Il Vino è mangiare, bere, et medecina, perche bevuto moderatamente rallegra il cuore, fana le infirmità, et le ferite, custodisce la buona sanità, et il calor naturale per la conformatione che ha con la complessione humana, onde genera purissimo sangue […]. Conferisce l’usarlo à tutti gli huomini, à tutte le età, & regioni […]. Conferisce particolarmente molto à vecchi, per che il calor del Vino repugna alla frigidità loro. Conviene anco à i giovani, perche di sua natura è cibo, & medecina » dans Domenico Romoli (D. Romoli, La Singolare dottrina, chap. VII, Venise, 1570, p. 366).

34 Principe présent chez de nombreux auteurs italiens et français à l’instar de François Rabelais : « Il n’est pas un breuvage meilleur pour être en sang transformé, vous espanouir le cerveau, esbaudir les esprits animaux, ouvrir l’appestit, resjouir le palis et mille autres rares davantaiges », cité dans l’ouvrage de Gilles Henry (G. HENRY, La cuisine de Rabelais, Condé-sur-Noireau, 2000, p. 33).

35 Jean-Siméon Chardin (Paris, 1699 - Paris, 1779).

36 M. FRIED, op. cit., p. 62.

37 De fait, Michael Fried cite l’exemple du tableau intitulé Philosophe occupé de sa lecture (huile sur toile, 138 x 105 cm, Paris, Musée du Louvre).

38 M. JEANNERET, Des mets et des mots, Mayenne, 1987, p. 114.

39 Dès 1554, la Pantagrueline Prognostication connaît une traduction hollandaise et impression à Gand, par Jan Cauweel. En 1575, le premier tome des œuvres de Rabelais sera traduit en allemand et publié par Johann Fischart. En revanche, aucune traduction italienne du XVIe siècle n’est attestée, le nom de l’auteur était connu dans la péninsule ; de fait, le littérateur Jacopo Corbinelli, florentin qui vécût vingt-cinq ans à la cour de Catherine de Médicis, cite Rabelais dans une lettre de 1568 adressée à Vincenzo Pinelli. De plus, selon Lazare Sainéan (L. SAINEAN, L’influence et la réputation de Rabelais, Paris, 1930, p. 120), Giovanni Botero, dans son Delle Relazioni universali paru en 1595 à Vicenza, dénonce les écrits de Rabelais et de Marot.

40 F. RABELAIS, Gargantua, Prologue de l’auteur, (1535) 1996, Paris, p. 15.

41 L’impression du texte en forme de bouteille date de l’édition de 1565. Elle est ainsi reproduite dans les œuvres complètes de François Rabelais (F. RABELAIS, Le Cinquième Livre, chap. XLIV in Œuvres complètes, vol. V, Paris, (1564) 1999, p. 195).

42 R. ANTONIOLI, « L’éloge du vin dans l’œuvre de Rabelais » in L’imaginaire du vin, Marseille, 1989, p. 133.

43 « C’est belle chose voir la clarté du (vin & écus) soleil » dans François Rabelais (F. RABELAIS, Prologue du Tiers Livre in Œuvres complètes, vol. V, Paris, (1546) 1999, p. 15).

44 « […] au matin, faisaient devant lui sonner des verres avec un couteau, ou des flacons avec leur toupon, ou des pintes avec leur couvercle » dans François Rabelais (F. RABELAIS, Gargantua, chap. VII, in Œuvres complètes, vol. II, (1535) 1999, p. 45).

45 D’innombrables textes attestent cette pratique en Italie et l’opposent à l’habitude allemande ou polonaise de boire son vin pur comme l’affirme Jean-Louis Flandrin dans un texte fameux (J.-L. FLANDRIN, « Boissons et manières de boire en Europe du XVIe au XVIIIe siècle » in L’imaginaire du vin, Marseille, 1989, p. 312).

46 La figure de Sarapis apparaît au IIIe siècle. Selon une légende rapportée par Plutarque, c’est Ptolémée Ier qui institue le culte de cette divinité. Ptolémée Ier en fait une figure mixte regroupant une symbolique égyptienne aux fonctions des dieux grecs : Zeus, Dionysos et Asclépios.

47 R. ANTONIOLI, op. cit., p. 135.

48 Erasme écrit ses Familiarium Colloquiorum Formulae entre 1518 et 1533. Le vin est particulièrement présent dans le Banquet profane (Convivium profanum), le Banquet des conteurs (Convivium fabulosum) et le Banquet disparate (Convivium varium).

49 F. RABELAIS, Prologue de Gargantua, op. cit., p. 19.

50 F. RABELAIS, Prologue du Tiers Livre, op. cit., p. 22.

51 Rien d’étonnant à cela car au XVIe siècle, les Italiens, les Français et les Espagnols étaient réputés pour leur sobriété. Au contraire, les Allemands, les Polonais, les Russes passaient pour des ivrognes. « Ce qui faisait la réputation d’ivrognerie d’un peuple, c’était d’abord et essentiellement sa propension à s’enivrer et son indulgence envers les gens ivres » écrit Jean-Louis Flandrin, op. cit., p. 310.

52 M. JEANNERET, « Rabelais et Folengo » in Littérature et gastronomie, XXIII, Paris - Seattle - Tuebingen, 1985, p. 130.

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