IRONIE numéro 139 - Juin 2009

Manuel de business à l’usage des théâtreux
et autres intermittents du spectacle

Une soirée passée avec des amis de lycée ayant fait le choix de s’orienter
vers le monde de la culture m’a donné l’idée de rédiger un manuel à leur intention.

En les écoutant, je me suis rendue compte que le milieu du théâtre véhicule de nombreux a priori sur celui du business, auquel il est grand temps de tordre le cou.

En effet, les cinéastes et autres théâtreux ayant un accès facilité aux medias, ce sont eux qui mettent en scène le milieu de l’entreprise, sans faire appel à un spécialiste-consultant, comme ils le feraient pour un film policier. Du coup, ils dépeignent généralement un univers stéréotypé, dans lequel la fonction représentée est systématiquement le « comptable », si possible un « comptable » vêtu de gris, maigrelet et au physique ridicule. Aux côtés du « comptable », on trouvera en général une « secrétaire » et le « patron » de l’entreprise. Les déboires prévisibles du comptable psychorigide, mesquin, et frigide suffiront largement pour alimenter un long, (très long ?) métrage de Francis Weber avec Daniel Auteuil par exemple.

Le cas échéant, les cinéastes et autres théâtreux pourront accoucher d’une série télé type « Caméra Café », dans laquelle des personnages graveleux évoluent dans une PME provinciale digne des grandes heures du journal « Jours De France », et facile à appréhender, d’autant qu’on n’est jamais loin de la porte des toilettes, ce qui peut donner lieu à des gags de pets, le tout en rafales.

Les cinéastes et autres théâtreux sont évidemment bien plus crédibles quand ils dépeignent leur propre milieu, ce qui donne lieu à moult films sans fin, ou l’on entend gloser sur les affres de la création et l’amour impossible des poétesses free-lance sous tranxène et des scénaristes indépendants pervers et pourtant narcissiques.

Pourtant, le monde du business n’est pas aussi terne qu’il n’y parait.

Le business est irrationnel

On le décrit toujours le monde des affaires comme un univers totalement rationnel, au contraire du monde de l’art, qui serait peuplé d’artistes avec un grand A.

Pourtant, les cours de bourse sont étant totalement décorrélés des fondamentaux de l’entreprise, aucune des actions menées par les protagonistes n’a le moindre impact sur la valeur de l’action et donc sur la pérennité de  l’entreprise. Au contraire, ces indicateurs fluctuent à la manière d’atomes affolés dans un accélérateur de particules, dans le plus total aléas. Un chocapic coincé dans la dent du DAF lors de la conférence aux analystes, un gargouillis de trop, et c’est la chute, la moitié de la valorisation part en fumée sans aucune raison valable.

Dans cet univers totalement incertain, différents oracles permettent de se rassurer. Ainsi, des projets de grande ampleur sont souvent lancés sur la foi de publications comme la Harvard Business Review, ou d’instituts comme le Boston Consulting Group, qui, à l’instar de la pythie de Delphes, sniffent un peu trop d’herbe séchée et recommandent en général de transférer le service reprographie en Inde de façon à économiser des coûts. Comme la pythie, ces oracles parlent souvent dans une nov-langue étrange, et il faut décrypter leur message, ce qui aboutit parfois à délocaliser la cantine en Pologne aussi, par erreur d’interprétation.

Le business est peuplé de grands artistes

On décrit toujours les salariés de grandes entreprises comme des personnes ayant fait le choix de la stabilité matérielle, de la raison, à l’opposé d’une carrière artistique.

Pourtant, la totale décorrélation de l’entreprise avec le monde réel induit chez eux des comportements schizophrènes assez proches du « travail de l’acteur ». On observe ces comportement d’une part chez le management, qui veut éviter des mouvements de panique qui pourraient faire mauvais effet sur les analystes, (on ne sait jamais !), et d’autre part chez les salariés, qui veulent  continuer à faire bonne figure et à toucher leur chèque. Tous effectuent donc un travail proche de l’Actor’s Studio, les uns en assurant leurs subordonnées de leur engagement à long terme, et les autres en garantissant la main sur le cœur leur motivation et leur foi en les valeurs de l’entreprise, « honesty », « integrity », etc…

Mais contrairement aux acteurs de théâtre qui peuvent redevenir eux-mêmes lorsque la représentation de deux heures est terminée, nos acteurs-business sont condamnés à tenir leur rôle 221 jours par an, 8 à 10 heures par jour ! Laminées les Adjani-Pacino-De Niro et leurs transes de « pénétration par le rôle » ! Fastoche de prendre 20 kilos pour jouer Raging Bull pendant 3 mois à côté de ça…

Le business est peuplé de fous et de drogués

Jouer un rôle à temps plein, ça tape sur le système et ça peut être dangereux. On observe souvent des cas intermédiaires de cadres qui pratiquent des sports violents comme le squash, le rafting, le canyonning, ou qui conduisent des Porsches à fond la caisse pour se défouler et éviter d’être pris en flagrant délit en train d’étrangler leurs subordonnés. Le sexe extrême pratiqué dans des saunas équipés d’accessoires en cuir lévitan (sling, menottes etc…) fait partie de la même mouvance.

L’utilisation intensive des mots du business peut aussi produire l’effet d’une drogue dure : on voit souvent de petits cadres répéter comme des mantras les mots « offshoring, productivité, deadline, time-boxing, stretch etc.. ». Inutile de se défoncer avec de vraies drogues comme dans les milieux artistiques, la novlangue-business c’est beaucoup plus efficace !

A force de ne pas être naturel, nos acteurs-business pètent souvent une durite. Isabelle Adjani peut témoigner. 220 jours de comportements « values », d’exemplarité, de ponctualité et de « role modelling », et le 221e jour, on devient « Postal » (comme disent les américains qui sont experts en tueries dans les bureaux de poste), on sort la kalachnikov et on tue tout le monde dans une tour de la Défense, si possible à l’étage de la DRH juste quand la nouvelle moquette vient d’être posée pour y faire des grosses tâches. Ou bien on saute par la fenêtre qui ne s’ouvre pas et on se fait une bosse.

Le business est poétique

On pense à tort que le business est un univers dont la langue est froide, concise et pragmatique, et ne sert qu’à décrire des faits. C’est inexact.

Dans le business, le verbe est au commencement puisque les faits ne servent à rien.

Dans le business, la langue est en constante évolution, elle mute, presque comme dans la poésie de Jean Tardieu.

Elle sert à vernir des notions éculées pour leur donner l’allure de concepts fumants « Nous allons mettre en place une procédure d’in-sourcing » plutôt que « J’ai acheté un lot d’esclave au marchés, on les mettra dans la cuisine».

Elle sert à faire croire que l’on fait des choses qui servent à quelqu’un. « Notre approche sera pragmatique et basée sur des analyses de terrain».

Elle sert à donner envie aux gens de faire quelque chose en leur faisant croire que ce quelque chose sert à quelqu’un alors que l’année dernière ils ont fait exactement l’inverse et que ça n’a servi à personne. « Transformer ce n’est pas seulement décider d’un programme, c’est aussi décider d’une stratégie de transformation, un momentum souvent sous estimé, voire ignoré, le chaînon manquant entre la conception de la stratégie globale de l’entreprise et sa mise en œuvre ».

Comme le dernier exemple le montre de façon éclatante, la langue du business est toute en émotion et fait appel aux grands auteurs (ici Darwin).

Le business est désintéressé

Une fois encore, les salariés de grandes entreprises sont perçus comme des natures matérialistes attirés par les salaires importants que l’on peut y toucher. C’est totalement erroné. Grâce à l’introduction du management par objectifs et de l’individualisation des rémunérations, le salarié se retrouve totalement isolé face à l’institution qui fixe à loisir des objectifs dont l’atteinte est difficile à mesurer, et qui de toutes les façons seront modifiés plusieurs fois par an. A la fin de l’année, une énième réorganisation, ou fusion-acquisition, ou externalisation aura intégralement changé le périmètre du projet, les grands chefs auront changé aussi dans un jeu de bonneteau dont ils sont familiers, et notre brave salarié n’aura plus que ses yeux pour pleurer. « J’ai travaillé toute l’année comme un chien pour mettre en place notre nouvelle offre Médaillon de langouste plane, Monsieur Pinchon IIIrd peut en témoigner ! ». « Ouais mais on a vendu la filiale langouste à un fond du Bahrein, Pinchon on lui a fait un joli balluchon avec ses stock options, et plus personne se souvient de tes médaillons, ni de ta tête d’ailleurs. T’as qu’a te recaser à la repro. ». L’année d’après ça pourra donner à peu près ça : « Oui mais j’ai travaillé toute l’année comme un chien pour mettre en place le boudinage automatisé des documents couleurs, Monsieur Emile peut en témoigner ! ». « Monsieur Emile il s’appelle Monsieur Andrej maintenant, la repro a été délocalisée en Pologne, t’es qui toi ? ».

Au final la notion d’augmentation salariale finit par disparaitre, chacun intégrant les réflexes d’économie et de modération prônée par l’entreprise. «Je vais me faire raboter les jambes comme ça ca sera moins désagréable dans l’avion en classé éco quand j’irai manger à notre cantine de Bengalore » « Je vais pas demander d’augmentation cette année, la GOP est mauvaise avec la crise, cela pourrait passer pour un manque d’humilité, qui pourtant est une des valeurs fondatrice de notre digne entreprise, soyons raisonnables d’ailleurs je vais me faire amputer des deux jambes je prendrai moins de place dans mon bureau ca économisera les mètres carrés. »

Le business est collectiviste

On oppose toujours le monde du théâtre, de la troupe, monde collectif, de jeu, d’équipe, à un monde de salariés totalement individualistes et mercenaires, à l’affût de la moindre opportunité pour se faire promouvoir et écraser les autres. En réalité les promotions n’existent plus pour cause de contrôle de la masse salariale (repeat after me). Et le monde du business est tellement changeant que se fier aux organigrammes est inutile puisqu’ils n’ont aucune signification. La plupart des entreprises du CAC 40 n’en éditent plus d’ailleurs.

En conséquence, les salariés se raccrochent pour survivre à des réseaux souterrains d’entraide, impossibles à décrypter de l’extérieur, et qui s’apparentent à des modes de vie tribaux.

« Tiens je vais appeler Gominez, le responsable de la base de données clients, on est entrés dans la boite il y a 11 ans, quand Langoustia Incorporated s’est fait racheter par Mangeouille Limited, juste avant l’absorption par la division Processed Food de We Feed the World, ça crée des liens ! Toutes les données dont j’ai besoin ont été effacées sur le serveur depuis la migration au moment de la réorganisation. Je suis sûre qu’il a gardé les bons fichiers dans son disque dur de l’époque, ou même sur une disquette 3 pouces, il ne jette jamais rien».

« Holala le SAP c’est vraiment pénible à faire marcher je vais appeler Huftier, le gars qui te bricole un logiciel qui marche avec une boite d’allumette et deux trombones, il est au sous-sol de la tour, personne ne le connait mais c’est un bidouilleur de génie, il va me greffer une moulinette la dessus en deux coups de cuillère à pot et ça me fera mon reporting. Huftier, je l’ai connu il y a 11 ans, il venait de chez Mangeouille Limited, au début on l’a regardé avec méfiance, pas de chez Langoustia, et puis finalement il nous a développés tellement de trucs ! Tiens regarde dans mon bureau j’ai même une imprimante pour moi tout seul, il l’a faite avec des aiguilles à chignon et une caissette de céleri rémoulade ! Fou, non ?  Ha la réseau c’est très important dans la vie, crois-moi si t’en as pas t’es mort ».

Le business est égalitariste

Dans les films de Francis Veber, Daniel Auteuil, notre comptable laid et mesquin, évolue toujours dans un univers ultra hiérarchisé dans lequel l’assistante joue un rôle fatidique. Dans la vraie vie du business, il n’y a plus d’assistante, ou une pour 200 personnes, et il n’y a plus de chef, car l’organigramme est complètement plat. Officiellement dans le but d’éviter tout mode de fonctionnement bureaucratique et de faire circuler l’information de façon plus fluide. Officieusement, dans le but de contrôler la masse salariale (repeat after me)..

A l’arrivée, une certaine forme de hiérarchie est utile, donc on observe souvent la création de responsables de « Pôles » qui sont des superviseurs payés le même prix que ceux qu’ils encadrent mais dont la légitimité est ténu car semi-officielle, ce qui leur donne bien du fil à retordre « Je suis ton responsable de pôle je peux pas t’augmenter ni te virer et je connais rien à rien d’ailleurs on est entrés ensemble dans la boite il y a 3 jours, mais tu vas m’obéir maintenant ! » « Va te faire foutre ! ».

Par ailleurs, la volonté de casser les silos de l’entreprise et de fonctionner en mode transverse aboutit à la prolifération de fonctions de coordination, les célèbres « coordinateurs transverses », dont la vocation est de faire travailler ensemble des gens qui n’en ont pas envie, qui n’ont aucun intérêt à le faire, avec des objectifs impossibles à mesurer, et pour produire quelque chose qui de toute façon ne sert à rien. La fiche de poste étant on le sent bien, un peu ardue, les coordinateurs transverses se posent souvent en apôtres  propageant la bonne parole d’amour de la Direction Générale, et encaissant les coups avec une abnégation que Jésus ne renierait pas. La multiplication de croissants lors des réunions de coordination transverses est d’ailleurs un phénomène bien connu, surtout au Novotel de la Porte d’Orléans.

Le business aime l’Histoire

Quand on pense business, on pense innovation, modernité, changement, tourné vers l’avenir.

On pense Iphone, Ipod, Itrucs. On se dit que c’est tout de même incroyable tout ce qu’on arrive à fabriquer dans nos sociétés occidentales tout de même pendant que les maliens bouffent leur couscous de mil habillés en pagnes même pas de chez pantashop à quatre pattes dans leur case en bouse séchée.

Le cas échéant on pense manque de mémoire. Une nouvelle fois, c’est erroné ! Le business aussi c’est la référence permanente à la tradition ! Des citations permanentes de Adam Smith-« Main Invisible », du Hobbes-« Homme Loup pour l’Homme » en veux-tu en voilà, du Darwin-« Adaptabilité Maximale » à toutes les pages. Et à l’arrivée, un bon gros tableau de Dickens avec des tas de Oliver Twist noirâtres qui courent les rues des faubourgs des grandes villes.

Le business n’a rien à envier à tous ces théâtreux qui nous les cassent avec leurs grands auteurs, Corneeeeeille, Molièèèère et consorts….. ! Ha non !

Le business n’a rien à voir avec le théâtre 

Et pourtant… combien de fois croise-t-on des troupes d’acteurs dans les locaux des entreprises ? Des clowns censés décoincer des cadres nerveux à l’aide de coussins péteurs et de nez rouges ? De vieux acteurs de théâtre reconvertis en coachs vocaux censés aider des Directeurs Généraux raides à émettre des signaux empathiques ? Des intermittents du spectacle filmant des réunions assommantes puis tentant de  les rendre ludiques en post-production à grand renfort de gif animés ? Des réalisateurs faisant des ménages dans des réunions de kick off, sur le thème de la « coopération dans une troupe » ou de la « gestion des égos » ?

Le théâtre se nourrit du business, il cachetonne dedans. Le business se délecte du théâtre, il se repaît de lui. Ce sont deux organismes en symbiose.

Le théâtre et le business sont totalement consanguins finalement.

Frédérique Bredouille

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Poèmes d’amour

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Viviana Piernagorda – Avril 2009

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