IRONIE numéro 17 (Avril 1997)
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> IRONIE numéro 17, Avril 1997

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IRONIE VITALE

"Ut a dubitatione philosophia sic ab ironia vita digna, quae humana vocetur incipit. (Tout comme la philosophie commence par le doute, de même une vie digne, celle que nous qualifions d'humaine, commence par
l'ironie."

Soeren Kierkegaard, Le Concept d'ironie constamment rapporté à Socrate

 

ENIVREZ-VOUS

"Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : "Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.""

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose

 

"MORT AUX VACHES"
Allégorie du gaspillage

Les hommes mangeaient des vaches. Celles-ci broutaient et ruminaient de l'herbe. Les pays riches, afin de produire plus rapidement des vaches à manger, leur donnèrent des farines animales fortes en calories pour pâtée quotidienne. Elles engraissaient vite. Dix ans après (temps d'incubation), une épidémie apparut, Encéphalopathie Spongiforme Bovine ou Maladie de Creutzfeldt Jakob. Elle tua des hommes. On remarqua que cette nouvelle maladie provenait des vaches enfarinées que les hommes avaient mal nourries. Alors, les hommes politiques avec Europe sur son taureau lubrique partirent à l'assaut du mal, en proférant de vives voix : "Mort aux vaches". Au bout d'un an, 1 139 000 bêtes furent abattues sans se soucier de l'élimination des carcasses qui s'entassaient dans des chambres froides, caveaux frigorifiques d'une ère inspirée par l'espoir de la cryogénisation.

Le trop, le vite, le fric conduisent à l'épuration des choses et des êtres.

Taureau Hindou de la Vache Sacrée

 


Les hommes ont des maîtresses, les femmes des maîtres

Adrien Pwatt

 

LA POLLUTION INFORMATIONNELLE

"En trente ans, le monde a produit plus d'informations qu'au cours des cinq mille précédentes années ... Un seul exemplaire de l'édition dominicale du New York Times contient plus d'informations que pouvait en acquérir, durant toute sa vie, un Européen au XVIIème siècle. Chaque jour environ 20 millions de mots d'information technique sont imprimés sur divers supports (revues, livres, rapports, disquettes, cédéroms). Un lecteur capable de lire 1000 mots par minute, huit heures par jour, mettrait un mois et demi pour lire la production d'une seule journée; et, au bout de cette période, il aurait accumulé un retard de cinq ans et demi de lecture ...

Le projet humaniste de tout lire, tout savoir, est devenu illusoire et vain. Un nouveau Pic de La Mirandole mourrait asphyxié sous le poids des informations disponibles. Longtemps rare et onéreuse, l'information est devenue pullulante et prolifique; avec l'air et l'eau, elle est devenue l'élément le plus abondant de la planète. De moins en moins chère au fur et à mesure que son débit augmente, mais - tout comme l'air et l'eau - de plus en plus polluée, contaminée."

Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique (Avril 1997)

 

AVOIR FAIM

"Laisser avec la faim
Il faut laisser les gens avec le nectar sur les lèvres. Le désir est la mesure de l'estime. Jusque dans la soif du corps, c'est une finesse de bon goût que de la provoquer, et de ne la contenter jamais entièrement. Le bon est doublement bon lorsqu'il y en a peu. Le rabais est grand à la seconde fois. La jouissance trop pleine est dangereuse, car elle est cause que l'on méprise la plus haute perfection. L'unique règle de plaire est de trouver un appétit que l'on a laissé affamé. S'il le faut provoquer, que ce soit plutôt par l'impatience du désir, que par le dégoût de la jouissance."

Graciàn, Art de la prudence

 

NOUVELE ÉCONOMIQUE DU MOIS

Commercialisation de la première culotte anti-moustique

 

NOUVELLE POLITIQUE DU MOIS

Création en Afghanistan du premier ministère des vices et de la Vertu

 

JEU

"fais la branche fais la planche
je sauterai par-dessus
ou marcherai entre les jambes
d'un seul rire écartelé"

Tristan Tzara, Parler seul

 


ON NE CHANGE PAS UN VIN QUI GAGNE

 

H/S
Hegel & Schlegel s'engueulent ...

"Schlegel predig gegen Hegel, / Schlegel prêche contre Hegel,
Für den Teufel schiebt er Kegel. / Il a fait le jeu du diable.

Hegel spottet über Schlegel, / Hegel se moque de Schlegel,
Sagt, er schwatz' ohn'alle Regel. / Dit qu'il papote sans aucune règle."

August Wilhelm Schlegel

 

Georg Wilhelm Friedrich Hegel : Ave individualiste lunatique ... !

Friedrich Schlegel : Ave généraliste hypocrite ! ...

 

H : Vadre Retro Ironias - Vous les ironistes, "pécheurs impénitents et endurcis" du subjectivisme chaotique, vous incarnez "le mal déclaré en tant que singularité absolue du soi". Le mal, le mal vous habille ...

S : Que proposes-tu pour exorciser ma jouissance, l'eau bénite de ta métaphysique ?

H : Cesse de jouer, Satan de Léviathan ... Tu penses atteindre "le raffinement le plus haut de la subjectivité se posant comme l'absolu", seulement tu développes insidieusement une hypocrisie vaniteuse. Et c'est sous cette forme dite ironique que "le mal a prospéré dans notre temps, et cela, grâce à la philosophie, ou plus exactement à une frivolité de la pensée qui a travesti un concept profond en lui donnant cet aspect et qui s'arroge le nom de philosophie de la même manière qu'elle donne au mal le nom de bon".

S : Soit !

H : "Vous admettez une loi en fait, et honnêtement, comme existant en soi et pour soi, je suis moi aussi au niveau et dans le cadre de cette loi, mais je suis encore plus loin, je la déborde et je peux la faire telle ou telle. Ce n'est pas la chose qui est au premier rang mais moi : je suis le maître souverain de la loi et de la chose, dont je joue à mon gré et dans cet état de conscience ironique dans lequel je laisse s'abîmer le plus élevé, je ne jouis que de moi".

S : Oui ... d'ailleurs, je glisse dans ton oreille sérieuse une phrase de mon cru qui te fera bondir : "Je n'éprouvais pas seulement une jouissance, mais je sentais la jouissance et en jouissais". Voilà toute la spirale de l'ironie ...

H : Tu te détournes de mes critiques ... Tu évites la joute ...

S : Je préfère la jute ! Je ne désire pas rentrer dans le caisson de "ton hypertension dialectique" pour attraper "une maladie nerveuse". Toute ta philosophie n'est qu'"une incompréhensibilité abstraite sur un trône au cœur du système emmêlé". Je suis plus sensible aux belles gueules qu'aux bégueules !

H : Malin ... Encore une de tes inconvenances aux règles du dialogue. Tu ponctues tes phrases d'un venin farceur. "L'ironie peut tout faire accroire; mais elle n'est que vanité, hypocrisie et insolence. L'ironie sait qu'elle domine tout; elle ne prend rien au sérieux, elle est un jeu avec toutes les formes."

S : Elle met en forme !

H : Laisse-moi développer mes idées. Comment peux-tu "te montrer fort humilié; très profondément courbé dans la poussière, la poitrine battue, te niant par l'expiation, et le soir bâfrer et t'enivrer et te rouler dans tous les plaisirs" ?

S : L'art du paradoxe, mon cher ... Je suis insaisissable, je nie tout système, toute définition. Je jouis sous de multiples visages, jouant au dévot, au romantique, au libertin, à l'athée, pour brouiller les pistes des imbéciles. Je reconnais en toi "un esprit absolument obtus à ce qui est divin, avec un flux et un afflux infini de la pensée abstraite vide" ... Tu te méprends sur l'essence de l'ironie. Elle ne domine pas, elle résiste ... Elle est moins hypocrite, moins vaniteuse que l'ensemble de tes préjugés moraux et de ta construction philosophique. Tu ne sais pas rire de toi, Hegel ! Alors, qu'un autre te raille, cela t'agace, te glace. Tu te figes dans tes retranchements manichéens.

H : En t'écoutant blasphémer sur le dessein de ma pensée, je sens que tu affirmes une ironie qui atteint "le plus haut degré d'originalité du fait qu'elle ne prend rien au sérieux et qu'elle manie la plaisanterie pour le plaisir de plaisanter, et pour lui seul."

S : Tu te fais, par tes critiques exacerbées, le plus fin défenseur du concept d'ironie ! Le plaisir, l'insolence ... Cela ne te convient pas; alors, va t-en au couvent, to a nunnery, go !

H : Tu n'auras pas le dernier mot !

 

BÉATITUDE

"Les sept parties de béatitude appartenant à la gloire de l'âme glorieuse des bienheureux sont sagesse, amitié, concorde, honneur, puissance, sûreté et joie. Les sept autres parties de béatitude appartenant au corps glorieux sont beauté, agilité, force, liberté, santé, volupté, longévité."

Ars Moriendi, Traité des joies de paradis (1492)

 

À DROITE ET À GAUCHE

Ce que j'aime dans la dissolution, c'est le mot dissolu ...
Revoilà les sourires jubilatoires des débats stériles

A. Pwatt

A droite :
"Elle est raide le jour, raide la nuit, jamais
Ne baisse : nuit et jour elle lève la tête.
Nul garçon, nulle fille n'entend mes prières,
Nul ne vient : que ma droite fasse l'office accoutumé !"

Pacificus Maximus

A gauche :
"Que fais-tu donc ? ta gauche est-elle saine et valide ?
Sers-t'en, alors; pas n'est besoin d'autre putain.
N'achète pas ce que gratis peut te procurer ta gauche."

Ramusius

Citations tirées du Manuel d'Erotologie Classique de F.K. Forberg
Chapitre IV : De la masturbation (manu stuprare)


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