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> IRONIE numéro
20, Juin 1997
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"Le monde
va au chaos, c'est entendu et c'est visible, et je crois que tout le monde
est d'accord là-dessus,
mais il n'y va pas d'une manière propre et normale,
il y a eu la guerre, une autre guerre point,
et par-dessus et à côté de la guerre l'anarchie, et il
va aussi à l'anarchie,
mais ce n'est rien et l'histoire a déjà vu ça, bien
qu'elle l'ait mal vu et qu'elle n'ait jamais rien vu de ce qu'il aurait fallu
voir dans tout ça;
la guerre, l'anarchie et le chaos sont la façade propre, et encore
honorable des choses que toute histoire pourrait se vanter d'expliquer, quoiqu'elle
n'ait jamais rien su arrêter de toutes les saletés, non pas
consécutives ou corollaires, mais provocatrices de la guerre, de l'anarchie
et du chaos, et ce n'est pas son affaire, dit-on, à toute cette histoire-là !
Erreur.
Le propre de l'histoire, si elle avait su dire son mot, aurait été,
non pas d'expliquer ou de raconter, mais d'accuser et de dévoiler
certaines saletés, parce que la guerre, l'anarchie et le chaos ne
sont qu'un bouillon de culture propre à retremper, à couvrir
de poux, à souiller et à infecter notre sacro-sainte humanité.
Ça va mal parce que la conscience est infecte, et elle est infecte parce
qu'elle est infectée.
Ça va mal parce qu'au fond de la sienne l'homme ne veut pas que ça
aille bien, et il n'a jamais voulu que ça aille bien.
Oh, la société peut se couvrir de religion, d'institutions,
de commandements, de règlements et de police,
c'est une façade bonne à endormir les gogos et sous le couvert
de laquelle ne reposent plus comme ils s'endorment que quelques très
rares suprêmes gogos,
mais en réalité c'est une pute qui ne veut pas croquer le marmot
et à qui il faut faire croquer le marmot une fois, une bonne fois,
et que ce soit la bonne cette fois.
En attendant de croquer le marmot la société vient de faire
croquer 13 millions d'assassinés,
car 13 millions d'hommes tués en pure perte ne peuvent pas être
autre chose que de resplendissants, de notoires, de glorieux assassinés,
sans compter les 50 millions de mutilés, de trépanés,
de traumatisés, de commotionnés, d'idiotisés et de syphilisés,
histoire d'ouvrir de nouveaux marchés de pénicilline et autres
denrées. (...)
J'ai donc à dire à la société qu'elle est une
pute, et une pute salement armée."
A QUI VEUT JOUIR
D'AILE, IL LUI FAUT LEVER LA CUISSE
Scène première
M. Lesoûl, il prend un papier et lit les noms des spectateurs : Messieurs, je veux être sûr qu'il ne manque personne. C'est pour cela que j'ai fait l'appel. Nous pouvons commencer le cours. Prenez vos cahiers d'anatomie humaine et de botanique. Nous allons étudier aujourd'hui les villosités subculaires. Voici quel sera le plan que nous suivrons :
On entend
un hurlement
Qu'est-ce ? Ah ? je vois. C'est un de mes ftus qui se plaint. Lequel
est-ce ? Voyons les étiquettes : Barbapoux. Ce n'est pas cela. Il
a infecté tout son bocal, le sagouin. Voilà de l'alcool perdu,
lequel est entré par endosmose dans les tissus dudit Barbapoux. (Il
le retire du bocal et le jette).
Nouveau hurlement
Ah ! c'est Priou qui se trouve mal dans son bocal. Le malheureux alcoolisé manque
d'alcool. Il expire comme une huître à sec sur la grève.
Vite, portons-lui secours.
Il verse plusieurs bidons dans le bocal
Priou : J'ai soif !
M. Lesoûl : Voilà, mon cher petit. Tu bois trop, tu vas
te rendre malade.
Voix, sortant d'un autre bocal : A boire !
M. Lesoûl verse
Tous les ftus : A boire !
M. Lesoûl : Voilà ! voilà ! boum !
Il verse
Choeur des ftus :
A boire ! A boire encore ! / La soif nous dévore
Consume nos tissus. / Soignez-nous tous d'après notre nature.
Donnez du pain au pauvre, et contre la froidure
Une feuille de vigne aux pékins qui sont nus,
Donnez l'alcohol aux ftus.
Quelques ftus :
Buvons/Sans
cesse !/Chassons/Tristesse/Soucis,/D'humide/Liquide/Emplis !
Choeur :
A boire ! A boire ! A boire ! A boire ! / Il est notoire
Que les ftus, dans leurs bocaux plongés,
Dans l'alcohol doivent être immergés ! / A boire ! A boire !
M. Lesoûl : Voilà ! voilà ! vous me gaspillez
mon alcool. Quelle soif !