IRONIE numéro 21 (Juin 1997)
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> IRONIE numéro 21, Juin 1997

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"Notre savoir est fragment" / "Ex parte enim "

1 Cor. 13, 9

 

L'ÉCOLE DES FANS

Un phénomène de dépersonnalisation touche les jeunes écrivains. Une nouvelle école des fans est en phase de s'implanter pour ligoter, ligaturer les esprits critiques. Le syndrome des sectes affecte le milieu littéraire.
Ces jeunes écrivains ou universitaires s'agrippent à un "repère"; déclinons pour les non-lacaniens : repaire, re-père, re-paire ... L'infantilisme de cette jeune génération de suiveurs est flagrante. Leur combat reste horizontal, alors que le nôtre est vertical ! Nous préférons la transgression et de nouvelles perspectives de pensées à l'imitation molle des pères manants ! La littérature est malade de ses liens de filiation, de ses filières. Pour rire, on devrait construire un système de parenté de la vie intellectuelle ! On verrait avec éclat que certains jeunes (investissements rentables) jouent les potiches à côté des maîtres dans les tables rondes et les colloques et agissent comme les véritables agents publicitaires de leurs aînés.
Ironie, par contre, navigue et pique et picore où elle veut, quand elle veut; elle vole où bon lui semble, où le plaisir du jeu l'accompagne ! ...

La Rédaction

 

ZAGUE-ZAGUE

"Comtesse, empoigne-le par le milieu ... là ! là ... à merveille !
Promène ta main d'un bout à l'autre, et serre-le moi bien fort,
de peur qu'il n'échappe ... Fais zague-zague ... Ah ..."

Alexandre-Joseph Le Riche de La Popelinière,
Tableau des mœurs du temps

 

FREETOWN
Un coup d'Etat violent a eu lieu à Freetown
666

"Des intégristes Grecs orthodoxes soutiennent que les accords de Schengen (sur la libre circulation en Europe) contiennent dans leurs codes informatiques "le chiffre de la bête", le 666, symbole de l'Antéchrist stigmatisé dans l'Apocalypse de Saint-Jean."

Le Monde, 13/06/1997

 

L'IRONIE ÉROTIQUE

"L'esprit qui aime n'est pas fanatique, il est spirituel, politique, il sollicite l'amour et sa quête est une ironie érotique."

Thomas Mann, Considérations d'un apolitique

 


Dutroux Alapetite, il y a du pédophile ...
TF1 et Arthur ont fêté la musique lors d'un karaoké géant au Parc-des-Princes

 

69

Guy de Maupassant, Poèmes érotiques

 

L'IRONIE SELON VOLTAIRE

Conversation de Lucien, Erasme et Rabelais
dans les Champs Elysées

Lucien fit, il y a quelque temps, connaissance avec Erasme, malgré sa répugnance pour tout ce qui venait des frontières de l'Allemagne. Il ne croyait pas qu'un Grec dût s'abaisser à parler avec un Batave; mais ce Batave lui ayant paru un mort de bonne compagnie, ils eurent ensemble cet entretien.

Lucien
Vous avez donc fait dans un pays barbare le même métier que je faisait dans le pays le plus poli de la terre; vous vous êtes moqué de tout ?

Erasme
Hélas ! Je l'aurais bien voulu; c'eût été une grande consolation pour un pauvre théologien tel que je l'étais; mais je ne pouvais prendre les mêmes libertés que vous avez prises.

Lucien
Cela m'étonne; les hommes aiment assez qu'on leur montre leurs sottises en général, pourvu qu'on ne désigne personne en particulier; chacun applique alors à son voisin ses propres ridicules, et tous les hommes rient aux dépens les uns des autres. N'en était-il donc pas de même chez vos contemporains ?

Erasme
Il y avait une énorme différence entre les gens ridicules de votre temps et ceux du mien : vous n'aviez affaire qu'à des dieux qu'on jouait sur le théâtre, et à des philosophes qui avaient encore moins de crédit que les dieux; mais, moi, j'étais entouré de fanatiques, et j'avais besoin d'une grande circonspection pour n'être pas brûlé par les uns ou assassiné par les autres.

Lucien
Comment pouviez-vous rire dans cette alternative ?

Erasme
Aussi je ne riais guère; et je passai pour être beaucoup plus plaisant que je ne l'étais; on me crut fort gai et fort ingénieux, parce qu'alors tout le monde était triste. On s'occupait profondément d'idées creuses qui rendaient les hommes atrabilaires. Celui qui pensait qu'un corps peut être en deux endroits à la fois était prêt d'égorger celui qui expliquait la même chose d'une manière différente. Il y avait bien pis : un homme de mon état qui n'eût point pris de parti entre ces deux factions eût passé pour un monstre.

Lucien
Voilà d'étranges hommes que les barbares avec qui vous viviez ! De mon temps, les Gètes et les Massagètes étaient plus doux et plus raisonnables; et quelle était donc votre profession dans l'horrible pays que vous habitiez ?

Erasme
J'étais moine hollandais.

Lucien
Moine ! quelle est cette profession-là ?

Erasme
C'est celle de n'en avoir aucune, de s'engager par un serment inviolable à être inutile au genre humain, à être absurde et esclave, et à vivre aux dépens d'autrui.

Lucien
Voilà un bien vilain métier ! Comment avec tant d'esprit aviez-vous pu embrasser un état qui déshonore la nature humaine ? Passe encore pour vivre aux dépens d'autrui, mais faire vœu de n'avoir pas le sens commun et de perdre sa liberté !

Erasme
C'est qu'étant fort jeune, et n'ayant ni parents ni amis, je me laissai séduire par des gueux qui cherchaient à augmenter le nombre de leurs semblables.

Lucien
Quoi ! il y avait beaucoup d'hommes de cet espèce ?

Erasme
Ils étaient en Europe environ six à sept cent mille.

Lucien
Juste ciel ! le monde est donc devenu bien sot et bien barbare depuis que je l'ai quitté ! Horace l'avait bien dit que tout irait en empirant !
Progeniem vitiosiorem. (Liv. III, od. VI, 5 dern.)

Erasme
Ce qui me console, c'est que tous les hommes, dans le siècle où j'ai vécu, étaient montés au dernier échelon de la folie; il faudra bien qu'ils en descendent, et qu'il y en ait quelques-uns parmi eux qui retrouvent enfin un peu de raison.

Lucien
C'est de quoi je doute fort. Dites-moi, je vous prie, quelles étaient les principales folies de votre temps.

Erasme
Tenez, en voici une liste que je porte toujours avec moi; lisez.

Lucien
Elle est bien longue.
(Lucien lit, et éclate de rire; Rabelais survient.)
(La suite au prochain numéro)

Voltaire, Les Nouveaux Mélanges, 1765

 

DANSE DE L'INCONSTANCE

"C'est une folie extrême
D'être fidèle en amour.
Il faut aimer qui nous aime,
Et changer de jour en jour.
Qui un seul but se propose
Ne fait jamais grande chose."

Joachim Bernier de la Brousse


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