>IRONIE numéro 28, Février 1998
	Supplément du numéro 28, Suite I

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VANITÉ

Ce pli, Ironie, "est doué d'un excellent esprit, et comme il a une grande connaissance des affaires du monde, il les représente avec un jugement très parfait, et une naïveté infiniment agréable, il assaisonne toujours les choses sérieuses de quelque raillerie; et par diverses inventions il écrit la vérité de l'Histoire de ce temps".

L'art de la provocitation ressemble à de l'escrime avec ses multiples combinaisons de combat. En attente, en pleine concentration, éveil, puis preste d'un coup, acerbe, incisif : les épées percent, tranchent, lacèrent. C'est le jeu drôle, vivifiant, du réflexe ... D'abord, on essaye de blesser le partenaire qui réagit violemment, tient son épée plus puissamment. Volonté de ne pas mourir ! L'art de la pointe, une longue histoire?: le fleuret-aphorisme, l'épée-épigramme, le sabre-satire s'insinuent déran-geants, insaisissables, vicieux. Mon épée se charge des pensées des autres guerriers; d'un geste, je cite, désir de susciter ...

"Et je me mis à saper la vertu à grands coups d'ironie, à grands coups de philosophie, à grands coups de blague. Je me moquai, avec désinvolture, des pauvres bêtes qui se laissent vieillir sans avoir rien connu de bon, de doux, de tendre ou de galant, sans avoir jamais savouré le délicieux plaisir des baisers dérobés, profonds, ardents, et cela parce qu'elles ont épousé une bonne cruche de mari dont la réserve conjugale les laisse aller jusqu'à la mort dans l'ignorance de toute sensualité raffinée et de tout sentiment élégant."

Face à l'immobilisme rétractif, voici une maïeutique chatoyante qui use de la sati(y)re morale, religieuse, politique, littéraire. Un, Voltaire?: "Une satire doit être piquante et gaie". Ce genre libre s'accommode des délires et s'élabore autour du rire. Deux, Nietzsche : "Plus que la colère, le rire tue". Auriez-vous oublié que nous sommes en guerre ? La satire - satura satyre, farces facéties, ruse du mélange - jalonne l'ascension de votre "Facetus". Trois, Vous?: rendre son immobilité future mobile est l'un des plaisirs de la mobilité présente.

*"Les livres ne sont point choses absolument mortes : en eux est une puissance de vie aussi prolifique que le fut l'âme dont ils sont issus; que dis-je, ils conservent comme en un flacon l'extrait le plus pur et toute l'efficace de cette intelligence vivante qui leur donna naissance. Je les sais aussi vifs, aussi puissamment féconds que les dents du Dragon de la fable : avec un champ ainsi tout ensemencé peut-être en jailliront des guerriers en armes.
Toutefois réfléchissons aussi que si l'on opère sans circonspection, autant presque, tuer un Homme que tuer un bon Livre ! Qui tue un Homme tue une créature de raison à l'Image de Dieu; mais celui-là qui détruit un bon Livre tue la raison elle-même, tue l'Image et comme le regard de Dieu. Plus d'un homme vit qui n'est que fardeau pour la Terre; mais un bon Livre est le sang vital d'un esprit supérieur, précieux trésor embaumé et gardé à dessein, en vue d'une vie qui dépasse la vie."

*"Est-il festin plus délicieux pour un honnête homme qu'un savant cabinet où l'entendement se délasse, la mémoire s'enrichit, la volonté s'alimente, le cœur se grandit et l'esprit se satisfait ? Pour lui, il n'est meilleur ni sensible privilège qu'un livre neuf chaque jour.
Les pyramides d'Egypte sont en ruines, les tours de Babylone se sont écroulées, le Colisée romain est détruit, le palais doré de Néron est anéanti, toutes les merveilles du monde ont disparu et il ne reste que les immortels écrits des sages qui florissaient autrefois et des grands hommes qui célébrèrent le grand plaisir de la lecture! Digne occupation de personnes dignes de ce nom et, si elles ne le sont pas, elle les fait ! La richesse vaut peu sans le savoir et, d'ordinaire, les deux sont brouillés : ceux qui on le plus savent le moins et les plus savants sont les moins riches car l'ignorance conduit toujours des moutons à Toison d'Or. (...)

­ Maintenant, je peux dire que tu es un savant.
­ Non, pas savant, simplement désireux de savoir.
­ Mais comment donc en es-tu arrivé en ce lieu ? - Je vins pour prendre mon envol. Alors que j'aurais pu m'élever au plus haut sur les ailes de mon esprit, l'envieuse pauvreté me tenait cloué au sol.
­ Si je comprends bien, tu ne comptes pas demeurer ici ?
­ En aucune façon, car on n'échange pas un atome de liberté pour tout l'or du monde. Au contraire, dès que j'aurai trié le précis du précieux, et l'indispensable de tout ce sable doré, je m'envolerai.
­ Crois-tu le pouvoir ?
­ Tant que je le voudrai.
­ Pourrais-tu nous libérer ?
­ Pour peu que vous le vouliez.
­ Comment pourrions-nous ne pas vouloir ?
­ Je ne sais, mais tel est le charme qui possède les mortels qui se trouvent avec plaisir dans leurs chaînes et leurs prisons, et ils s'y retrouvent d'autant mieux qu'ils y sont plus perdus. Cette prison, bien qu'elle ne soit qu'un mirage, est l'une de celles qui les retient d'autant plus prisonniers qu'ils en sont plus passionnés."

Mon nom et ma fonction ne vous diront rien. Détective au service du temps, farfouilleur de preuves, touilleur de faits, magicien du soi-disant vrai, chercheur en falsification, en somme, selon un terme usité, un historien. Peu importe. La seule chose qui compte, c'est le temps, notre humilité et notre façon d'en jouir. Pour mon enquête, j'ai plongé dans l'entonnoir des sources, remonté le courant comme le font les saumons afin de finir leur rôle sans savoir. Je me suis interrogé toute ma vie sur un tournant du temps?: comment a-t-on pu arriver à la perte du manichéisme?? Et comment le discours général du bien nous a-t-il toujours plus enfoncé dans l'empire du mal ? Mon travail aura été de comprendre, avec ce qui nous reste de sources disponibles, depuis quand a débuté ce dysfonctionnement du discours et ce basculement. Depuis la fin de l'empire américain d'occident en 2496, les choses, les visages et les comportements ont changé. Les strates du temps donnent du fil à retordre.

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Comment comprendre les révolutions ou les guerres, ces pics du temps ? Les révolutions ou les révoltes signifient qu'une partie de la population concernée a conscience, à un moment T, qu'il va y avoir du changement, et de ce fait, qu'il faut le contrer (révoltes avortées de 1968 et de 2033) ou l'avaliser (révolutions de 1789 et de 2496). Les guerres, par contre, par leur régularité, ont perdu leur statut d'événement marquant; elles recouvrent le globe comme une peau d'hérisson.

"La diffusion d'un écran publicitaire pour une marque de jus de fruits a été suspendue en Nouvelle-Zélande après la mort de trois personnes. Le spot, réalisé avec trucages, montre deux gloires du rugby local plongeant d'une chute d'eau vertigineuse et émergeant, sains et saufs, munis d'une précieuse canette. En une semaine, trois casse-cou sont morts d'avoir voulu imiter leurs idoles."

"Queste dell'Aretin son le posture / Voici de l'Arétin les postures,
Qual per capriccio, o per la sua fantasia, / Lequel, par caprice ou par fantaisie,
Ad ogni donna egli voleva pria / Voulait de toute femme voir la nature,
Ch'altro far, vedergli le nature; / Avant de faire autre chose;
E con le braccia poi se gli paria / Puis avec les bras, à son gré,
Ben strette, le prendea nelle cinture / Bien serré(e)s, il les attrapait à la ceinture,
E'l cotal gli metteva nelle potte / Et de cette manière assaillait leur chatte
Per stamparvi de cazzi molte flotte / Pour vous graver une flopée de bites."

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