IRONIE numéro 63 (Avril 2001)
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> IRONIE numéro 63, Avril 2001
Page d'accueil


« L'ironie peut être bienveillante, aimable, sceptique, rude, mordante, acerbe,
irritée, haineuse, malicieuse, venimeuse et cruelle. Les Français manient l'ironie
plus légèrement et plus agréablement que les autres peuples ;
ils vont jusqu'à l'atténuer en un élégant persiflage. »

«Ironie», in Nouveau Larousse illustré, 1897-1904


Vieux refrains

« J'ai souvent considéré, non sans grand étonnement, d'où procède une erreur que l'on peut croire être propre et naturelle aux vieillards, parce qu'elle se voit communément chez ceux-ci : c'est que presque tous louent le temps passé et blâment le présent, en méprisant nos actions et nos manières de faire, et tout ce qu'ils ne faisaient point dans leur jeunesse. Ils affirment aussi que toute bonne coutume et toute bonne manière de vivre, toute vertu, et en somme toute chose, vont toujours de mal en pis.
Et vraiment cela semble chose fort éloignée de la raison, et surprenante, que l'âge mûr, qui, par une longue expérience, a l'habitude de rendre, quant au reste, le jugement des hommes plus parfait, le corrompt tellement sur ce point qu'il ne s'aperçoit pas que si le monde allait toujours en empirant et que les pères fussent en général toujours meilleurs que les enfants, il y a longtemps que nous serions arrivés à cet ultime degré du mal qui ne peut plus empirer. Et pourtant nous voyons que ce défaut a toujours été particulier à la vieillesse, non seulement de notre temps, mais aussi dans le passé ; cela est manifeste et connu par les écrits de nombreux auteurs très anciens et principalement des comiques, qui expriment mieux que les autres l'image de la vie humaine. (...) Aussi doit-il nous être permis de suivre la coutume de notre temps, sans être calomniés par ces vieillards. Qu'ils cessent donc de blâmer notre époque comme pleine de vices, parce qu'en les retranchant, ils retrancheraient aussi les vertus. »

Baldassar Castiglione - Le Livre du Courtisan (1528)


Gagné par l'ironie

« Gagné par l'ironie, touché par les splendeurs,
ma vision s'affine, je purifie mes couleurs,
elles sont entières et personnelles. »

James Ensor, 1932


Rire du Ciel

« Paradis peint où sont harpes et luths,
Et un enfer où damnés sont boullus :
L'un me fait pour, l'autre joie et liesse. »

François Villon, Ballade pour prier Notre dame

« Devant le Paradis du Tintoret, quelque chose chez les modernes flanche. Quoi ?... Dites, quoi ?... Nous allons voir. Nous allons voir... Est-ce beau ? Est-ce vivant ?... Et en même temps, est-ce transfiguré, triomphant, miraculeux, dans un monde autre et cependant tout réel. Le miracle y est, l'eau changée en vin, le monde changé en peinture. On est saoul. On est heureux. Moi, c'est comme un vent de couleurs qui m'emporte, une musique que je reçois au visage, tout mon métier qui me coule dans le sang... Ah ! ils en avaient un sacré métier, ces bougres-là. Nous ne sommes rien, écoutez un peu, de vieilles bêtes, rien. Nous ne sommes même plus fichus de comprendre... Dire que j'ai voulu brûler tout ça, dans le temps. Par manie d'originalité, d'inventer... Quand on ne sait pas, on croit que ce sont ceux qui savent qui vous obstruent... Alors qu'au contraire, si on les fréquente, au lieu de vous encombrer, ils vous prennent par la main, et vous font gentiment, à côté d'eux, balbutier votre petite histoire. Et en face, cette esquisse du Paradis. Ce paradis. Allez, pour peindre cette rose de joie, tourbillonnante, il faut avoir beaucoup souffert... Voyez son ciel... Ses bons dieux tournent, tournent. Ils n'ont pas le paradis calme. C'est une tempête, ce repos. Ils continuent l'élan qui, comme lui, les a dévorés, toute leur vie. Ils en jouissent maintenant, après en avoir tant souffert. J'aime ça... »

Cézanne, Conversations avec Cézanne


Jacopo Tintoretto, Le Paradis

Jacopo Tintoretto, Le Paradis, Paris, musée du Louvre

« Puisque Dieu m'a donné un cour joyeux, il me pardonnera de l'avoir servi joyeusement »

Joseph Haydn

« C'est une esquisse, ô mes yeux, plus qu'un tableau. »

« Que la lumière soit le rire du ciel émanant de la joie des esprits célestes, les hommes l'indiquent, eux qui se réjouissent constamment de l'esprit et rient avec leur visage, eux qui resplendissent assurément à l'intérieur et s'ouvrent par l'esprit, eux qui semblent resplendir aussi par leur visage et plus encore par leurs yeux qui sont essentiellement célestes, chaque œil accomplissant, sous l'influence du rire, un mouvement circulaire à la ressemblance du ciel. »

Marsile Ficin, Quid sit Lumen (1476)

« Un paradis du Tintoret... une idée insensée réalisée avec le plus beau des génies. Une légèreté du pinceau, un esprit, une richesse dans l'expression que pour admirer et s'en réjouir il nous faudrait posséder le tableau lui-même. »

Johann Wolfgang von Goethe

« Ce monde, qui croupist ainsi dedans soymesme, (...)
Mon esprit au contraire hors du monde m'emporte,
Et me faict approcher des Cieux en telle sorte
Que j'en fay desormais l'amour à leur beauté.
La chair sent le doux fruict des voluptez presentes »

Jean de Sponde, Stances de la mort (1588)

« Voilà du Ciel la puissante harmonie,/Qui les esprits divins ensemble lie »

Louise Labé, Sonnets (1555)

Paolo Véronèse, Le Paradis

Paolo Véronèse, Le Paradis, Lille, musée des Beaux-Arts

« « Au Père, au Fils, au saint Esprit »,
commença, « gloire ! », tout le paradis,
et la douceur de ce chant m'enivrait.
Ce que je voyais me semblait un rire
de l'univers ; et mon ivresse
entrait par l'ouïe et par la vue.
O joie ! ô ineffable allégresse !

‘Al Padre, al Figlio, a lo Spirito Santo’,
comminciò, ‘gloria !’, tutto ‘l paradiso
si che m'inebrïava il dolce canto.
Giò ch'io vedeva mi sembiava un riso
de l'universo ; per che mia ebbrezza
intrava par l'udire e per lo viso.
Oh gioia ! oh ineffabile allegrezza ! »

 

Dante, Paradiso (Canto XXVII)

« le visage peint de rire,
Béatrice se tut en regardant

col volto di riso dipinto,
si tacque Bëatrice, riguardando »

 

Dante, Paradiso (Canto XXIX)

« C'est au son du chant des joyeuses divinités que les sphères mènent les chours astraux qui produisent ainsi une merveilleuse harmonie en des mouvement très ordonnés et variés. Devant le rire des astres, principalement manifesté par leurs rayons, tout ce qui est sous le ciel et au dessus de la terre sourit ; devant les ténèbres, comme devant la tristesse, tout s'afflige, car nous avons coutume de nous réjouir avec ceux qui rient et de nous attrister avec ceux qui pleurent. "
" Qu'est-ce que la lumière en Dieu ? L'immense exubérance de sa bonté et de sa vérité. Qu'est-elle dans les anges ? La certitude de l'intelligence émanant de Dieu et la joie débordante de sa volonté. Qu'est-elle dans les corps célestes ? L'abondance de la vie dans les anges, le déploiement de la puissance dans le ciel. Rire du ciel. »

Marsile Ficin, Quid sit Lumen (1476)


L'imprévu et la surprise ont autant d'efficace à l'amour qu'à la guerre


« Entre le suicide et l'ironie, j'ai choisi l'ironie »

Philippe Soupault


« Le germe de l'art de penser est dans nos sensations »

Etienne Bonnot de Condillac (1746)

Amis

« S'étant pris de dispute, après querelle de jeu, et fort excités par le boire, deux ivrognes se défièrent et s'insultèrent, s'appelant couards et foireux, et faisant si bien chacun le matamore, que saoulés de paroles en surplus que de vin, l'un osa dire à l'autre que, pour capon châtré il le tiendrait s'il ne se voulait battre avec lui sur-le-champ, au couteau, après qu'on les eut liés tous deux par l'avant du bras gauche, et l'autre fut assez fol pour relever ce défi. D'autres ivrognes, qui s'amusaient de l'idée, les attachèrent l'un à l'autre, avec courroies et ceintures, main contre coude, et bien serré. Après quoi, on leur mit à chacun grand couteau de boucanier au poing droit, et on les laissa aller. Et ils se lardèrent de tant de coups, dont ils ne pouvaient parer aucun, qu'ils eurent tôt fait de choir ensemble en une grosse mare de sang, en laquelle ils barbottèrent en se piquant toujours furieusement, tant le visage que les tripes, et, quand l'un, étant mort, en vint à ne point plus remuer que soliveau, l'autre, qui n'était guère en meilleur état, trouva encore le moyen d'ouvrir le ventre du trépassé sur un pied et demi de longueur, si bien que toutes les entrailles s'échappèrent avec grosse puanteur et désordre, après quoi il rendit l'âme à son tour, le nez dans le cul de son ami, car il me fut dit, par la suite, qu'ils avaient été, jusque-là, les meilleurs amis qui fussent au monde. »

Cahiers de Le Golif dit Borgnefesse, capitaine de la flibuste

Avertissement

« Le dur traitement qu'endurent ici un grand nombre d'écrivains méritoires n'est pas sans objet. Il provient de cette conviction ferme que le seul moyen de garder en circulation la meilleure littérature, ou de " rendre populaire la meilleure poésie ", est de séparer de manière draconienne ce qui est bon de cette énorme masse d'écrits considérés comme valables, qui a surchargé l'enseignement, et qui est condamnable pour avoir répandu cette très pernicieuse idée qu'un bon livre doit être obligatoirement un livre assommant.
Un classique n'est pas classique parce qu'il est conforme à certaines lois de structure, ni parce que qu'il répond à certaines définitions (dont l'auteur classique n'a sans doute jamais entendu parler). Ce qui en fait un classique c'est une certaine fraîcheur éternelle et irrépressible. »

Ezra Pound, A. B. C. de la lecture


« Ironise, afin de m'exciter. Ironise, va ! »

Jean Genet, Les Bonnes (Solange)


Retour en tete de page