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La chiasse au Chiapas est ouverte
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Le jour La nuit Le jour
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DECORUM ODEON
"Le décor
: une table, un écran.
Les personnages sont habillés de façon un peu fantastique, maquillés
de manière très pittoresque, drôles, un peu symboliques
pour être des personnages de rêve, pas trop - Eclairage un peu
rêveur sauf aussi par moment de précision. Les personnages sont
des bourgeois et quelques révolutionnaires faisant rêver les
bourgeois
"Malraux
rentre au Panthéon et voici que ceux qui pensent ici à l'Odéon
se positionnent comme des néo-Malraux. Tous des agents culturels ayant
un zeste d'engagement pour ne pas être périmés. Vous êtes
des repentis ayant du remords. Faisons valser les tables rondes :
Esprit de Marcos es-tu là ? Esprit de Marcos es-tu là ?
1 coup : oui
2 coups : non
3 coups : par delà le oui et le non"
Apparition de Marcos. 1 coup retentit. Applaudissements. Bravo Brava.
"Es-tu un révolutionnaire ?"
2 coups suivis de 3 coups.
"Est-ce que tu t'amuses là-bas ?"
1 coup
Jet de papiers
imprimés ... et en choeur désordonné nous crions :
"Vive l'écrit, la résistance par le rire et l'orgasme,
Viva Marcos !!!"
Bruits d'orgasmes animés par un chef d'orchestre situé en zone
2
"La révolution ludique éclatera d'un orgasme"
"NOUS NE SOMMES PAS DES REVOLUTIONNAIRES MAIS DES REVOLTES"
"Voici Jean
Genet : allons l'interviewer :
Est-ce que vous pouvez dire quelle serait votre révolution politique
?
J.Genet : Non, parce que je ne tiens pas tellement à ce qu'il y ait une révolution. Si je suis sincère, je n'y tiens pas. La situation actuelle, les régimes actuels me permettent la révolte, mais la révolution ne me permettrait probablement pas la révolte, c'est-à-dire la révolte individuelle. Mais ce régime me permet la révolte individuelle. Je peux être contre lui. Mais, s'il s'agissait d'une véritable révolution, je ne pourrais peut-être pas être contre. Il y aurait adhésion et l'homme que je suis n'est pas un homme d'adhésion, c'est un homme de révolte. Mon point de vue est très égoïste. Je voudrais que le monde, mais faites bien attention à la façon dont je le dis, je voudrais que le monde ne change pas pour me permettre d'être contre le monde. Il faut être très prudent quand on se sert du mot révolutionnaire. Il faut l'utiliser à bon escient surtout. Il est difficile. Je me demande si le concept révolutionnaire peut-être séparé du concept de la violence ?"
Mauvais Public
"La qualité
du spectateur m'a toujours paru des plus humiliantes.
C'est pourquoi, lorsque je suis au théâtre, je m'efforce par
tous les moyens, d'attirer l'attention des acteurs.
D'abord, j'arrive en retard. Conduit à ma place par une ouvreuse, je
fais exprès de ne pas trouver tout de suite dans ma poche la monnaie
du pourboire. De la sorte, je reste debout le plus longtemps possible, espérant
recevoir, sur le pourtour de ma haute silhouette, un reflet de la rampe, au-dessus
du troupeau des autres spectateurs, déjà bien sagement assis
à leur place.
Plus tard, je m'ébroue, j'ai une violente quinte de toux que mes voisins
furieux sortent de leur torpeur et, à voix basse, me prient de me montrer
plus discret. Je leur réponds avec hauteur, ils répliquent avec
insolence. Je prends mal la chose, on sent avec terreur le moment où,
dans une gorge encore déchirée par la suffocation, mes paroles
véhémentes vont quitter le chuchotement et laisser échapper
un éclat de voix."
Jean Genet
continue à propos du théâtre et de la révolte :
"J'ai été deux fois au théâtre de l'Odéon
quand il était occupé, et la première fois, il y avait
une espèce de violence mais souvent incantatoire. Voyez : la salle
est ici; les révolutionnaires, les types, les étudiants étaient
là sur la scène. Ils avaient reconstitué, à peu
près, l'architecture d'un tribunal ordinaire, c'est-à-dire une
grande table avec derrière ou devant le porte parole de l'Idée
et des deux côtés, différents groupes qui contestaient
ou acceptaient l'Idée du porte-parole. En face, il y avait le public
qui était dans les loges et dans les fauteuils et qui acceptait, plus
ou moins, qui était rebelle ou ... etc. La deuxième fois que
j'ai été à l'Odéon au mois de mai 68, toute cette
violence avait disparu; c'est-à-dire les mots qui étaient prononcés
sur la scène étaient reçus par le public, et ces mots
qui étaient quelquefois des mots d'ordre étaient renvoyés
comme un écho de la scène au public, du public à la scène
... Finalement les étudiants ont occupé un théâtre.
Qu'est-ce qu'un théâtre ? D'abord qu'est-ce que c'est que le
pouvoir ? Il me semble que le pouvoir ne peut se passer de théâtralité.
Jamais. Le pouvoir se met à l'abri d'une théâtralité.
En Chine, en Russie, en Angleterre, en France, partout, c'est la théâtralité
qui domine. Il y a un endroit au monde où la théâtralité
ne cache aucun pouvoir, c'est le théâtre. Quand l'acteur se fait
tuer, eh bien ! il se relève, il vient saluer et il recommence le lendemain
à se faire tuer, à saluer, etc. C'est absolument sans danger.
En mai 68, les étudiants ont occupé un théâtre,
c'est-à-dire un lieu d'où est chassé tout pouvoir, où
la théâtralité seule, subsiste sans danger. S'ils avaient
occupé le palais de Justice, c'était le début d'une révolution.
Mais ils ne l'ont pas fait."
"Arrêtez,
arrêtez, arrêtez ...
Vous êtes tous en état d'hypnose. Le réveil est dangereux
...
Réveillez-vous, réveillez-vous, réveillez-vous ...
Vous Public, ne regardez plus la scène qui est filmée, surveillée
: voyez ces caméras partout. Vous voici en face de la logique de la
séparation très bien orchestrée par la médialogie.
Regardez votre voisin et parlez avec lui. Pensez ! Voyez, on vous offre sur
un plateau du théâtre, du cinéma, de la télévision,
des débats animés plein vos yeux. Ouvrez vos mirettes ...
Ce soir vous êtes à la télévision. Ceci est une
émission d'Arte ou de TF1, non un lieu de parole, d'échange.
Regardez autour de vous et parlez - voilà une pratique vivifiante quand
ceux qui sont sur scène ne vous écoutent pas et se moquent de
vous en vous manipulant. Ne pensez pas par procuration ! La révolte
est dans la salle, la "révolution" préfère
la scène. Ceux qui ont pris la scène ce soir ne sont ni des
révoltés, ni des révolutionnaires, juste des usurpateurs.
Vous êtes en état d'hypnose : Parlez ou Quittez la salle ..."
"Il n'existe plus d'agora, de communauté générale; ni même de communautés restreintes à des corps intermédiaires ou à des institutions autonomes, à des salons ou des cafés, aux travailleurs d'une seule entreprise; nulle place où le débat sur les vérités qui concernent ceux qui sont là puisse s'affranchir durablement de l'écrasante présence du discours médiatique, et des différentes forces organisées pour le relayer."
Indes Galantes de Rameau, Livret de Louis Fuzelier
"Choeur
:
Dans les abîmes de la terre
Les vents se déclarent la guerre
L'air s'obscurcit, le tremblement redouble, le volcan s'allume et
jette par tourbillons du feu et de la fumée.
Choeur :
Les rochers embrasés s'élancent dans les airs,
Et portent jusqu'aux cieux les flammes des enfers.
L'épouvante saisit les Péruviens, l'assemblée se disperse."
Cette soirée du 11 novembre 1996 au théâtre de l'Odéon
recèlera d'autres surprises, d'autres textes dits au hasard, libres,
vertigineux.
L'idée était de se servir d'un théâtre ouvert pour
déstabila iser le consensus mortel qui nous entraîne inévitablement
vers l'uniformisation.
Les textes de Genet ont été recueillis par VaniRechaliev,
les autres par Yvain Logres.
"Chacun peut retrouver sa lucidité, malgré l'envoûtement
qui le tient"