IRONIE numéro 5 - Supplément "Chiapas"
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> Supplément du numéro 5,
La chiasse au Chiapas est ouverte
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Tache d'encre
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DECORUM ODEON


Voix zone 2

"Le décor : une table, un écran.
Les personnages sont habillés de façon un peu fantastique, maquillés de manière très pittoresque, drôles, un peu symboliques pour être des personnages de rêve, pas trop - Eclairage un peu rêveur sauf aussi par moment de précision. Les personnages sont des bourgeois et quelques révolutionnaires faisant rêver les bourgeois

 


Voix zone 1

"Malraux rentre au Panthéon et voici que ceux qui pensent ici à l'Odéon se positionnent comme des néo-Malraux. Tous des agents culturels ayant un zeste d'engagement pour ne pas être périmés. Vous êtes des repentis ayant du remords. Faisons valser les tables rondes :
Esprit de Marcos es-tu là ? Esprit de Marcos es-tu là ?

 


Zone 3 ou 4

Apparition de Marcos. 1 coup retentit. Applaudissements. Bravo Brava.

 


Voix zone 1

"Es-tu un révolutionnaire ?"

 


Zone 3

2 coups suivis de 3 coups.

 


Voix zone 1

"Est-ce que tu t'amuses là-bas ?"

 


Zone 3

1 coup

 


Zones 1, 2, 3

Jet de papiers imprimés ... et en choeur désordonné nous crions :
"Vive l'écrit, la résistance par le rire et l'orgasme, Viva Marcos !!!"
Bruits d'orgasmes animés par un chef d'orchestre situé en zone 2
"La révolution ludique éclatera d'un orgasme"

 


Zone 2

"NOUS NE SOMMES PAS DES REVOLUTIONNAIRES MAIS DES REVOLTES"

 


Voix zone 1

"Voici Jean Genet : allons l'interviewer :
Est-ce que vous pouvez dire quelle serait votre révolution politique ?

J.Genet : Non, parce que je ne tiens pas tellement à ce qu'il y ait une révolution. Si je suis sincère, je n'y tiens pas. La situation actuelle, les régimes actuels me permettent la révolte, mais la révolution ne me permettrait probablement pas la révolte, c'est-à-dire la révolte individuelle. Mais ce régime me permet la révolte individuelle. Je peux être contre lui. Mais, s'il s'agissait d'une véritable révolution, je ne pourrais peut-être pas être contre. Il y aurait adhésion et l'homme que je suis n'est pas un homme d'adhésion, c'est un homme de révolte. Mon point de vue est très égoïste. Je voudrais que le monde, mais faites bien attention à la façon dont je le dis, je voudrais que le monde ne change pas pour me permettre d'être contre le monde. Il faut être très prudent quand on se sert du mot révolutionnaire. Il faut l'utiliser à bon escient surtout. Il est difficile. Je me demande si le concept révolutionnaire peut-être séparé du concept de la violence ?"

 


Voix zone 3
Mauvais Public

"La qualité du spectateur m'a toujours paru des plus humiliantes.
C'est pourquoi, lorsque je suis au théâtre, je m'efforce par tous les moyens, d'attirer l'attention des acteurs.
D'abord, j'arrive en retard. Conduit à ma place par une ouvreuse, je fais exprès de ne pas trouver tout de suite dans ma poche la monnaie du pourboire. De la sorte, je reste debout le plus longtemps possible, espérant recevoir, sur le pourtour de ma haute silhouette, un reflet de la rampe, au-dessus du troupeau des autres spectateurs, déjà bien sagement assis à leur place.
Plus tard, je m'ébroue, j'ai une violente quinte de toux que mes voisins furieux sortent de leur torpeur et, à voix basse, me prient de me montrer plus discret. Je leur réponds avec hauteur, ils répliquent avec insolence. Je prends mal la chose, on sent avec terreur le moment où, dans une gorge encore déchirée par la suffocation, mes paroles véhémentes vont quitter le chuchotement et laisser échapper un éclat de voix."

Jean Tardieu

 


Voix zone 1

Jean Genet continue à propos du théâtre et de la révolte :
"J'ai été deux fois au théâtre de l'Odéon quand il était occupé, et la première fois, il y avait une espèce de violence mais souvent incantatoire. Voyez : la salle est ici; les révolutionnaires, les types, les étudiants étaient là sur la scène. Ils avaient reconstitué, à peu près, l'architecture d'un tribunal ordinaire, c'est-à-dire une grande table avec derrière ou devant le porte parole de l'Idée et des deux côtés, différents groupes qui contestaient ou acceptaient l'Idée du porte-parole. En face, il y avait le public qui était dans les loges et dans les fauteuils et qui acceptait, plus ou moins, qui était rebelle ou ... etc. La deuxième fois que j'ai été à l'Odéon au mois de mai 68, toute cette violence avait disparu; c'est-à-dire les mots qui étaient prononcés sur la scène étaient reçus par le public, et ces mots qui étaient quelquefois des mots d'ordre étaient renvoyés comme un écho de la scène au public, du public à la scène ... Finalement les étudiants ont occupé un théâtre. Qu'est-ce qu'un théâtre ? D'abord qu'est-ce que c'est que le pouvoir ? Il me semble que le pouvoir ne peut se passer de théâtralité. Jamais. Le pouvoir se met à l'abri d'une théâtralité. En Chine, en Russie, en Angleterre, en France, partout, c'est la théâtralité qui domine. Il y a un endroit au monde où la théâtralité ne cache aucun pouvoir, c'est le théâtre. Quand l'acteur se fait tuer, eh bien ! il se relève, il vient saluer et il recommence le lendemain à se faire tuer, à saluer, etc. C'est absolument sans danger. En mai 68, les étudiants ont occupé un théâtre, c'est-à-dire un lieu d'où est chassé tout pouvoir, où la théâtralité seule, subsiste sans danger. S'ils avaient occupé le palais de Justice, c'était le début d'une révolution. Mais ils ne l'ont pas fait."

 


Zone 2

"Arrêtez, arrêtez, arrêtez ...
Vous êtes tous en état d'hypnose. Le réveil est dangereux ...
Réveillez-vous, réveillez-vous, réveillez-vous ...
Vous Public, ne regardez plus la scène qui est filmée, surveillée : voyez ces caméras partout. Vous voici en face de la logique de la séparation très bien orchestrée par la médialogie. Regardez votre voisin et parlez avec lui. Pensez ! Voyez, on vous offre sur un plateau du théâtre, du cinéma, de la télévision, des débats animés plein vos yeux. Ouvrez vos mirettes ...
Ce soir vous êtes à la télévision. Ceci est une émission d'Arte ou de TF1, non un lieu de parole, d'échange. Regardez autour de vous et parlez - voilà une pratique vivifiante quand ceux qui sont sur scène ne vous écoutent pas et se moquent de vous en vous manipulant. Ne pensez pas par procuration ! La révolte est dans la salle, la "révolution" préfère la scène. Ceux qui ont pris la scène ce soir ne sont ni des révoltés, ni des révolutionnaires, juste des usurpateurs. Vous êtes en état d'hypnose : Parlez ou Quittez la salle ..."

 


Voix zone 1

"Il n'existe plus d'agora, de communauté générale; ni même de communautés restreintes à des corps intermédiaires ou à des institutions autonomes, à des salons ou des cafés, aux travailleurs d'une seule entreprise; nulle place où le débat sur les vérités qui concernent ceux qui sont là puisse s'affranchir durablement de l'écrasante présence du discours médiatique, et des différentes forces organisées pour le relayer."

Guy Debord

 


Tremblement de terre
Indes Galantes de Rameau, Livret de Louis Fuzelier

"Choeur :
Dans les abîmes de la terre
Les vents se déclarent la guerre
L'air s'obscurcit, le tremblement redouble, le volcan s'allume et
jette par tourbillons du feu et de la fumée.

Choeur :
Les rochers embrasés s'élancent dans les airs,
Et portent jusqu'aux cieux les flammes des enfers.
L'épouvante saisit les Péruviens, l'assemblée se disperse."

 

Tache d'encre
Cette soirée du 11 novembre 1996 au théâtre de l'Odéon recèlera d'autres surprises, d'autres textes dits au hasard, libres, vertigineux.
L'idée était de se servir d'un théâtre ouvert pour déstabila iser le consensus mortel qui nous entraîne inévitablement vers l'uniformisation.
Les textes de Genet ont été recueillis par VaniRechaliev, les autres par Yvain Logres.

 

Tache d'encre
"Chacun peut retrouver sa lucidité, malgré l'envoûtement qui le tient"

Adam de la Halle


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