IRONIE numéro 27 - Supplément Tardieu, l'Ironie en marge
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> Supplément du numéro 27,
Tardieu, l'Ironie en marge
Page d'accueil


DIALOGUE IMAGINAIRE
TARDIEU/JOYCE

Sous le signe du "Jardin des Délices" de Jérôme Bosch
Sur les quais de la Liffey, à Dublin, dans un pub

Tardieu, énigmatique : "Entendez les borborygmes de cette figure à pattes, dégorgeant, par un immense naseau ouvert et ensanglanté, une autre figure hébétée qui la regarde !"

Joyce, provocateur : "Les dieux sont micrénuscules. Les cœurs timides des mots sont tous en exeomnosomme. Mon dieu ! Lammas Alleluiah, comment est-ce arrivé ? Pardieu t'as pas entendu ce pet ? (...) O Seigneur, déverse sur nous tes misères mais laisse-nous entrelacer nos arts d'un sourire discret !"

Tardieu, lyrique : "O gland à tête de mort greffé, par un gilet de prépuce à boutons, sur une paire de couilles géantes, aux godillots de soldats; à ses côtés un gracieux vagin de demoiselle, déboutonné sur deux grands yeux verticaux et terminé par un bec de canard, danse avec ses jambes élancées dont les pieds sont aussi des becs et des yeux."

Joyce, joyeux : "Ha he hi ho hu. Mummum. (...) Purfaite littérautre ! Culossal, Epouriffant ! Bien parlé !"

Tardieu, amusé : "Imaginez un gros gras gland, bênet au col étranglé par un prépuce épais, plissé et boutonné sur le devant, faisant office de gilet. Branché sur cette tête obtuse (deux petits trous pour les yeux), le corps est tout entier formé par deux énormes couilles velues, supportées par de très courtes jambes aux souliers cloutés de fantassin. Auprès de lui son épouse, une sorte de cane, danse une danse élégiaque, inquiétante. Mince tout du long, son corps est décousu de longues ouvertures verticales, qui sont des vulves en chapelet, cependant que ses jambes fines se terminent par un œil en bec de canard."

Joyce, cru : "Système push-push, qq: quiescence, pp: avec couplage d'intervulve extrovertie. Le plus sûr chemin du monde. (...) Qui c'est ? Qui c'est ce type aux mamelles papales ? (...) Une plaisanterie jugulée ?"

Tardieu, licencieux : "Vaginez un gros gras gland benêt, col strangulé par un gibus prépais, plissoutonné devant. Branché sur cet obtus (percé de deux pitrous), cela se meut sur de courtes jambules aux groussiers de flantassin. Auprès de lui sa pouse, cane galante, danse sur ses deux jamblisses. Tout le long de ce cou de corps s'ouvrent des valvules qui sont des vaginules verticales et ses jambines se termoussent en becs d'ocules."

Joyce, irrévérencieux : "Dieu bénisse ton gingembre, titubeur (...) repliant ses ails en viol, afin que maintenant tout rustre soit obligé de la lever s'il lui tire la jambe et la met à plat sur les fesses ! (...) Ne vois-tu pas le chemin qu'ils ont tracé, nos aïeux qui errent aux Cieux, nos frères en tribu par le nom (...) parapédopromenant à paupiette. (...) Je pige. C'est peut-être là une présence terrestre. Etait-ce un gémissement ?"

Tardieu, ironique : "Vaginos gambenêt frigilus plissou. Boptu pitrou jambeglousse flanssin. Pousalance jamblance. Couvules vaginicules jambules."

Joyce, sarcastique : "C'est très monstrérieux. (...) Quelle étrange sorte d'homme. Il est évident que c'est lui mon ancêtre. (...) Nom d'un foutre, cette petite image s'applique bien à ce truc à feu qu'on appelle le feu-au-phalle. Fesse à l'aise ! C'est pour moi ! (...) Chantez bien et trinquez! Chin Chin! Chin Chin!"

Tardieu, l'âme soûle : "Vagibên pressou ptutrou jamboussin. Pousalance cougin-gambules."
Joyce, alambiqué : "(...) j'embre! Encore! Gingembre! Cicébon! Zanzibar! Trinque you et tchin! on n'avait jamais oisé sheksprimer d'une telle plume sur un parchemin. (...) il gribouillait, grattait, griffonnait, et écribouillait d'innommables effronteries sur tous ceux qu'il avait rencontrés."

Tardieu, rieur : "VAFREPTUSSOU POUSAGIMBULES."

Joyce, blagueur : "Gog, Magog et consorts autour d'un grog. Pour continuer cette célébration jusqu'à l'extermination des Mille et Hun instants! D'aucuns cancannent en chœur, d'autres quinquinent en quille. Ils lui carillonnent la panse et le vident par l'anse. Engourdi mais ferme cet Olipriape! (...) Avec leurs exhublagues sourcilleuses (...) Bladyughfoul-moecklenburgwhurawhorascortastrumpapornanneykocksapastippatappatu-pperstrippuckputtanach, eh ? C'est tout à fait ça."

Tardieu, grand seigneur : "Quiguévivre ? Quicycle vimor monstrullule désagence ? Identitude jouvière parfétourien."

Joyce, radical : "Stop mon yeux. (...) Applaudissamainencore !"

Textes utilisés :

Jean Tardieu : "La vérité sur les monstres" in Les tours de Trébizonde, Gallimard, 1983.

James Joyce : Finnegans wake (première édition 1939), traduction française, Gallimard, 1982.

 

EXHUBLAGUE 1
Sur la musique

Gounod voulait laver Maria
Et Verdi lui ôter l'eau !

 

EXHUBLAGUE 2

Aristide Briand racontait que, lors du procès où il était accusé par une jeune fille d'un viol en pleine moisson, un paysan témoin de la scène, interrogé à la barre par le Président, avait répondu :

 

L'IRONIE CACHÉE
LES DIDASCALIES

L'ironie de Jean Tardieu navigue incognito, tantôt sinueuse, tantôt burlesque, avant tout musicale, en marge. Au sein de son orchestre de tons, l'ironie tient une place majeure. Elle jouerait le rôle du violon, à la manière de Vivaldi, piquant, vif, léger, incisif. Voici comment Jean Tardieu présente quelques textes sur le langage :
"De même qu'au théâtre, un petit orchestre obscur souligne, par intervalles, et prolonge le drame qui se précise au-dessus de lui, ainsi ces pages, de tons variés, tantôt "vers mesurés", tantôt "non mesurés", tantôt lyriques et tantôt ironiques, composent quelques divertissements musicaux à la surface d'un problème." "Musique de scène pour une thèse" - Margeries

Ce texte écrit à l'âge de 22 ans pose les jalons de l'ironie selon Monsieur Jean. Il précise que son travail d'écrivain est directement lié à l'univers musical : petit orchestre obscur, intervalles, tons variés, la mesure, lyriques, ironiques, composition, divertissement musical ... L'ironie serait une intention sonore de l'auteur pour donner du corps au texte, du son aux mots. Ainsi son "ironie" serait l'accent aigu du comme ceci et son "lyrisme" l'accent grave du comme cela !

C'est au théâtre que sa gamme ironique va prendre de l'ampleur, se fortifier au sein de son œuvre. Qui se douterait que le terme "ironie" est l'un des plus employés par Jean Tardieu dans ses pièces ?

"Et ces fameuses didascalies, c'était des petites indications alors ironiques." Causeries devant la fenêtre

En effet, les didascalies développent la mesure ironique du parlé et du chanté. Jean Tardieu s'écarte du ton sur ton, en jouant sur la palette infinie de l'ironie qui va du rire au cynisme, de la joie à la colère etc... Il l'utilise par petites touches, de façon impressionniste, accentuant un moment ou un caractère dans les intimes tableaux de son théâtre de chambre ! Son ironie d'abord sonore, musicale, devient visible sur scène, picturale. Et son statut mobile et impertinent a plus de portée que le simple humour dont on a souvent affublé son style, évitant de voir son propre rire, son auto-ironie :

"Plus sommaire et plus frustre que le compositeur, le poète doit inventer son code de signes, ce que j'ai fait d'abord dans des textes dont le caractère d'"humour" (je n'aime pas non plus ce terme dont on a trop abusé) me permettait de rire de moi-même et de ma soif de musique (je n'arrive pas à me désaltérer). C'était en jouant à la fois sur les annotations théâtrales et musicales ..." "Crescendo, diminuendo, etc." - Obscurité du jour

Il fait de son ironie musicale, théâtrale, une variation sur le même thème dont voici quelques exemples : "avec un mélange d'ironie et de mépris", "avec une ironie amère", "avec un humour cynique", "avec ironie", "ironique", "avec une légère ironie", "avec une ironie à peine sensible", "avec une pointe d'ironie", "un peu pincé, mais ironique", "riant", etc ...

L'ironie secrète de son "petit orchestre obscur" serait la clef de son œuvre, le fleuve caché et la part de l'ombre de Jean Tardieu.

Lionel Dax

 

EXHUBLAGUE 3

- "Arrête ton char, René,
Eponge Francis !"
- Sur le tard, Dieu dit à ces gens,
mi-froid, mi-chaud : "J'en ris" !

 

EXHUBLAGUE 4
Charade

"Mon second est toujours produit par mon premier
Qui fait le prix de mon entier"

Victor Hugo, Trois cahiers de Vers Français

Réponse : Chanson

 

INTERPELLATIONS

Le parisien, "Accent parigot. Véhémence et certitude agressive. Avec gestes"
- "Qui c'est qu'est là/quand j'y suis pas ?"
Le marseillais, "Accent méridional"
- Eh! c'est moi pardi!
mais à mesure que je te vois, je t'oublie ...
Le fonctionnaire, "Péremptoire et imbécile, bureaucratique et pompeux"
- "Permettez! Comment ? Permettez!
Permettez que je me présente :
Je suis Untel, fils d'Untel !"
L'ange
- Tout doux vous, "Allez voir là-bas si j'y suis : vous trouverez à qui parler"
Le citoyen arrive, "Doctoral, précis et sec, mais accommodant"
- Moi, "je ne suis pas très difficile/quoiqu'il arrive je suis content"
Le parisien, "Accent parigot"
- Tant mieux ... "Moi quand j'y suis pus/Y a pus personne !"
Le marseillais, "Accent méridional"
- "A mesure que je vis/je dévie je dévie"
Surviennent bras dessus bras dessous un oracle et une sorcière
L'oracle, "D'abord hésitant à travers la fumée prophétique. Puis affirmatif, rythmé, farouche, le pied frappant du sol"
- "Non ce n'est pas d'hier/c'est plutôt pour demain"
La sorcière, "A voix basse, avec un air épouvanté, à l'oreille de tous"
- "Vous qui venez me consulter,/méfiance, méfiance !
on ne sait ce qui peut arriver"

Tous se regardent et commencent à s'affoler. Ils lèvent le nez au ciel et tous murmurent :
- "Gontran es-tu là ?"
"Pas de réponse
Des pas s'en vont comme les nuages"

Extraits de Monsieur Monsieur


Retour en tete de page