"Chaque fois, et c'est très fréquent, qu'un mot, ou qu'une phrase, a deux sens possibles, il faudra reconnaître et maintenir les deux; car la phrase doit être comprise comme entièrement véridique aux deux sens. Cela signifie également, pour l'ensemble du discours : la totalité des sens possibles est sa seule vérité.
Pour donner un exemple très général de cet effet, toutes les épigraphes des chapitres doivent d'abord être évidemment comprises comme ironiquement dirigées contre l'auteur. Mais il faudra aussi sentir que ce n'est pas une ironie simple : doivent-elles être en fin de compte ressenties comme véritablement ironiques ? Il faudra laisser intact ce doute.
Différents vocabulaires (militaire, juridique) sont employés normalement selon certains sujets évoqués, de même que s'y mélangent les tons des citations de très diverses époques. Le traducteur ne doit pas être incapable, ni s'étonner, de reconnaître dans le langage de l'auteur, en quelques rares occasions, un mot familier, ou même argotique. Il a été délibérément employé, comme le sel, justement pour faire ressortir la saveur des autres. De même l'ironie, parfois, est intimement mélangée avec le ton lyrique, sans lui enlever son sérieux positif."
"L'ironie est le grain de sel nécessaire
pour que la nourriture qu'on vous sert
soit mangeable."
Je préfère la transe action aux transactions
"Dans la capitale thaïlandaise, parmi ceux qui ont emprunté massivement, un nombre impressionnant se donnent la mort. Il ne se passe pas une semaine sans que la presse locale n'évoque quelques suicides spectaculaires d'hommes d'affaires. (...) "Les problèmes économiques entraîneront plus de dépressions et sans doute plus de suicides l'an prochain." confirme le directeur du département psychiatrique du ministère de la Santé."
Le bistrot de la Poste et le troquet des Sports sont passés de mode : ils ont été remplacés par des chaînes de resto-ration. Voici Flunch ou Batifol, à moins que vous ne préfériez Oh ! Poivrier ou Léon de Bruxelles. Si ça ne vous convient pas, entrez chez Hippopotamus, Lina's Sandwiches, Pomme de Pain, Tex-Mex, Bistrot Romain. Et pour finir, choisissez entre Burger King, Pizza Hut, Free Time, Quick, Les Amandiers, Flo Prestige, Hollywood Canteen, et bien évidemment : Mac Donald's. Fini l'improvisation, place à la concentre-ration.
De l'épicerie, on est passé à la supérette, puis au supermarché pour finalement connaître l'hypermarché et tout naturellement, le centre commercial, véritable ville dans la ville. Le manège à jojo, le tourniquet du square n'amusent plus : Aquaboulevard, Center Park, Parc Astérix, Futuroscope, EuroDisney, voilà les nouvelles attractions. Même cinoche pour l'industrie du rêve : Ciné-Cité et Mégarama offrent dix ou quinze salles d'un coup.
Nous évoluons dans l'ère du grand, du super, de l'hyper, du méga et du giga ! De la démesure, du superlatif, du maous et de l'immense ... Nom d'un chien, il nous faut de l'échelle avec de la distance entre les barreaux : nous allons mesurer du gros !
Fin 96, Sligos mange Marben puis, début 97, se fait avaler par Axime : l'une des plus puissantes sociétés de services françaises voit ainsi le jour : ATOS. Peu de temps après, la Société Générale se paie le Crédit du Nord ! C'est ensuite au tour des AGF qui, l'UAP à peine bouffée, lorgne déjà le GAN. Entre temps, le Crédit Suisse et Winterthur ont fusionné pour donner naissance au numéro 3 mondial de la gestion d'actifs. Le 2 septembre, Promodès (Continent, Champion, ...) lance une OPA de 28 milliards de francs sur Rallye (Casino, Go Sport, ...); l'enjeu est simple : devenir le leader de la distribution alimentaire en Europe ! Puis voilà le tour de la Caisse d'Epargne qui annonce son intention de rachat du CIC. Le 20 septembre, la course continue : Coopers & Lybrand, numéro 4 du secteur de l'audit, décide de s'associer avec Price Waterhouse, numéro 6, devançant ainsi Arthur Andersen, actuel numéro 1. Le 2 octobre : OPA géante dans les télécoms américaines : WorldCom propose 30 milliards de dollars pour racheter MCI. Le 22 septembre, François Pinault lance une OPA de 28 milliards de francs sur Worms & Cie ... et cetera... et cetera...
Partout, les géants se groupent pour former des consortiums, des trusts, des empires et des monopoles. Il faut peser, avoir du poids, toujours davantage de poids. Les mariages et les alliances vont bon train.
On parle de globalisation, de mondialisation. La firme doit manger
avant d'être mangée ! Une espèce de boulimie agite les multinationales
: La concentration est le maître mot ...
Paradoxalement, cette concentration effrénée s'accompagne d'une
diversité accrue, mais pernicieuse et tout illusoire. Ces dernières
années, la Française des Jeux n'a cessé de proposer un nombre
croissant de jeux différents : Loto, Vatoo, Monopoly, Keno, Millionnaire,
Banco, Tac-O-Tac, Morpion, Solitaire, Bingo, Goal, Black Jack,
Poker Plus, et le tout dernier : Ah!c'trop. Que de choix d'articles,
pour une même boutique ! De la même façon, un groupe comme Kronenbourg
fabrique près de dix-sept marques de bière différentes dont la
plupart portent une étiquette ne permettant pas du premier coup
d'il d'en reconnaître l'origine. Qui peut dire avec exactitude
quel brasseur il enrichit en buvant sa Miitzig ou sa Stella ?
Face au dédale des filiales, le consommateur n'a au bout du compte
qu'un produit dont il ne connaît que l'enveloppe marketing. Lorsque
monsieur Martin ouvrira un crédit à 19 % chez Cetelem, tout porte
à croire qu'il ignorera que cette société est filiale de la Compagnie
Bancaire, qui elle-même appartient au groupe Paribas qui, paraît-il,
pourrait bientôt passer aux mains de la Société Générale ...
Chacun peut donc avoir le sentiment d'être unique en menant une existence différente, c'est-à-dire en consommant - car exister aujourd'hui, cela signifie consommer - différemment. Mais la concentration fait que désormais, très souvent, deux produits apparemment distincts sont en réalité presque identiques car appartenant au même consortium.
C'est ainsi qu'en jouant à Keno ou à Bingo, on ne se distingue pas follement. En ouvrant un compte au Crédit du Nord ou à la Société Générale, on ne fait pas non plus deux choses radicalement différentes. Quant à aller dîner chez Pizza Pino ou Léon de Bruxelles : blanc bonnet, béret jaune, chapeau bleu, casquette grise, et autres couvre-chefs de couleur ...
Quelque fois, quand je me promène dans les couloirs déserts de la Fnac, haut lieu de la culture et de la différence, je me marre doucement pour ne réveiller personne. Je vois des tas de types qui achètent le dernier CD de leur groupe fétiche : ils sont tous habillés complètement différemment et achètent chacun un CD très rare qui correspond exactement à leur identité unique ... Tous différents, mais tous strictement identiques ! Le simple fait qu'ils viennent à la Fnac, lieu de quasi-monopole de la diffusion audio, prouve déjà à quel point leur liberté de choix est exiguë.
Ah ... Le look, le style : chacun essaie de se fabriquer un univers
personnel, un monde à soi et qui ne ressemble qu'à soi. Mais pour
fabriquer, il faut des matériaux, et ceux qui diffusent ces matériaux,
qu'il s'agisse de mobilier, de culture, d'habillement, de restauration,
de tout et de rien, sont peu nombreux : ils seront bientôt un
et un seul, puisqu'ils se concentrent. De sorte que, même si ces
matériaux sont apparemment très différents, ils ne sont au fond
très souvent que le produit d'un fournisseur unique : le groupe
qui est tout au bout d'une chaîne sinueuse et invisible. Par ce
mécanisme, la différence et donc la liberté deviennent illusoires.
La diversité se transforme en uniforme-mité : il y a duperie.
A l'inverse, on peut constater, qu'il existe de nombreux partis
politiques, d'innombrables associations, des sectes à foison,
des religions, des groupuscules, des syndicats, et même des amicales...
Chacun mène sa guerre, mais personne ne fait la même, chacun ayant
le sentiment de faire celle qu'il convient.
Face aux groupes économiques qui se concentrent, l'individu se disloque, se réduit, se décompose, s'éparpille et s'annihile. Là où les uns s'unissent pour régner, les autres se dispersent et subissent. D'un côté le rassemblement des intérêts financiers qui progresse, de l'autre l'isolement humain et l'incapacité d'être en mesure de stopper ou d'infléchir la progression d'intérêts contraires aux libertés individuelles.
Le pouvoir économique, le seul qui gouverne, tout en se concentrant,
inhibe notre identité en nous offrant des choix de plus en plus
factices, virtuels, insignifiants et dérisoires. Ces choix que
nous croyons faire nous donnent le sentiment d'être libres et
de décider, il n'en est rien. Nous devenons les esclaves d'une
réalité économique de plus en plus pressante, alors que tout principe
économique ne devrait être destiné qu'à servir l'épanouissement
personnel de chacun. Les barreaux de l'échelle, très rapprochés
les uns des autres, nous occultent la lumière du jour et nous
font patauger dans un univers de plus en plus
"Prendre des oignons bien frais, une once et demie de racines fraîches de couillons de renard, mais de celles qui ne sont pas flasques; une once de cervelle de passereaux; de l'excellent encens et une demi-once de canelle. Piler l'oignon et les couillons de renard jusqu'à les réduire en une pâte; les passer ensuite au tamis avec les cervelles de passereaux; à la pulpe ainsi obtenue, ajouter la poudre très fine d'encens et de cannelle, et en former une masse avec laquelle on fera des pilules grosses comme un pois chiche chacune; administrées au nombre de sept, en buvant ensuite un verre d'un vin généreux, elles confortent admirablement le coït et les parties génitales."
"Soit brune ou blonde
Faut-il choisir ?
Le Dieu du monde,
C'est le plaisir."
"Le plus grand plaisir qui soit après amour, c'est d'en parler"