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Supplément du numéro 57, COMME UN RÊVE DE PIERRE. |
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IRONIE numéro 57, Octobre 2000 |
« L'observateur est un prince qui jouit partout de son incognito »
Charles Baudelaire
« Si
le flâneur devient ainsi contre son gré un détective, cette
transformation
vient pour lui à propos socialement, car elle justifie son oisiveté.
Son indolence n'est qu'apparente.
Derrière elle se cache la vigilance d'un observateur
qui ne quitte pas le malfaiteur des yeux.
Le détective voit ainsi s'offrir à son amour-propre d'assez vastes
domaines.
Il élabore des formes de réaction qui conviennent au rythme,
au tempo de la grande ville. Il saisit les choses au vol ;
il peut ainsi rêver qu'il est proche de l'artiste.
Chacun loue le crayon preste du dessinateur.
Balzac considère que l'essence de l'artiste, d'une manière générale,
réside dans la rapidité de la saisie. »
Walter Benjamin
C'est une flânerie au Père Lachaise, une promenade très libre cet été, avec Munro Galloway, artiste new-yorkais de passage à Paris. Nous avons slalomé autour des caveaux comme un jeu. Nous cherchions une idée de la beauté dans ce lac de pierres. Je me suis étendu sur une tombe chauffée, comme un lézard. Il a pris quelques photos, les fleurs sales du temps...
« La
tombe considérée comme la chambre secrète
où Eros et Sexus vident leur vieille querelle »
Walter Benjamin
« Nous
aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux. »
Charles Baudelaire
« Heure
frivole
Et qu'il faut saisir,
Passion folle
Qui n'est qu'un désir,
Et qui s'envole
Après le plaisir ! »
Gérard de Nerval
« Et
le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir. »
Charles Baudelaire
Le dix-neuvième siècle a trop souvent été perçu comme un siècle noir. Pourtant, cette pensée de la mort évoque une révolte contre l'inévitable fin. Enlevée la couche cendrée des vers lyriques, se soulève l'if de l'ironie. L'érotisme aussi se love tel un ver rieur au cur du trou pompeux.
« Je
t'adore à l'égal de la voûte nocturne,
O vase de tristesse, ô grande taciturne,
Et t'aime d'autant plus, belle, que tu me fuis,
Et que tu me parais, ornement de mes nuits,
Plus ironiquement accumuler les lieues
Qui séparent mes bras des immensités bleues.
Je
m'avance à l'attaque, et je grimpe aux assauts,
Comme après un cadavre un chur de vermisseaux,
Et je chéris, ô bête implacable et cruelle !
Jusqu'à cette froideur par où tu m'es plus belle ! »
« Ne
suis-je pas un faux accord
Dans la divine symphonie,
Grâce à la vorace Ironie
Qui me secoue et qui me mord ?
Elle
est dans ma voix, la criarde !
C'est tout mon sang, ce poison noir !
Je suis le sinistre miroir
Où la mégère se regarde ! »
« C'est
que la Mort, planant comme un soleil nouveau,
Fera s'épanouir les fleurs de leur cerveau ! »
Charles Baudelaire
« Quand
un homme se met au lit, presque tous ses amis ont un désir secret
de le voir mourir ; les uns pour constater qu'il avait une santé inférieure
à la leur ; les autres dans l'espoir désintéressé
d'étudier une agonie. »
Charles Baudelaire
« Il
paraissait dormir avec les yeux ouverts :
il s'est éteint tout doucement, sans agonie, ni souffrance ;
je le tenais embrassé depuis une heure, voulant recueillir son dernier
soupir. »
Mme Aupick après la mort de Baudelaire
« Il
y a une indécence dans la mort, différente sans doute de ce que
l'activité sexuelle a d'incongru. La mort est associée aux larmes,
et parfois le désir sexuel l'est au rire.
Mais le rire n'est pas pour autant qu'il semble un contraire des larmes :
l'objet du rire et l'objet des larmes se rapportent toujours à quelque
sorte
de violence, interrompant le cours régulier, le cours habituel des choses. »
Georges Bataille
« O
Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos cours que tu connais sont remplis de rayons !
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! "
Charles Baudelaire