IRONIE numéro 57 (Octobre 2000)
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> IRONIE numéro 57, Octobre 2000

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Supplément du numéro 57,
COMME UN RÊVE DE PIERRE.


WWW.PUBLI-INFORMATION.COM

Ah ça y est, ça y est je suis connecté... On the Web ! première vague sur www.partouze.com : éclaboussures garanties, des embruns pleins les yeux, une main sur la souris, l'autre sur la chauve-souris... Action ! Je prends mon travail très hacker ! Du JPEG et du GIF à gogo, je zappe sur www.pedo.com, hot hot, hop hop ! Puis sur www.zoo.com, cradoc ! Entendre la coquine couiner sous l'étreinte de l'orang-outan ? clic : mp3 ! e-business solution... Merde, de la pub : je clique, ça me fait des points... Avec mille points, je vais chez Pizza Hut gratos, trop cool ! Putain, je bande plus, qu'est-ce que je fais ? www.jetset.com ou www.get27.com ? Pas le temps, mon GSM bipe ! Quoi ? une alerte : Netcom est à 15 euros, je vends, vite sur www.netflouze.com : la bourse on line ! Putain, une pub ! Je clique, 10 points... Merde le site est HS ! Heureusement j'ai mon wap, hop ! Ah ça y est, je vois le carnet d'ordre, je vois une contre-partie à 15,15 : je clique... Chut ! Silence : brève rencontre électronique de l'offre et de la demande, fugitive étreinte entre un acheteur et un vendeur, ils ne se se sont jamais vu, et pourtant ils font un deal... Ah ! comme c'est beau : bingo ! La transaction est exécuté, j'ai gagné 110 euros, je prends ma calculette électronique, ça fait 721 francs... Merde ça bipe ! Qu'est-ce que c'est ? C'est vercingetorix qui veut ouvrir un chat pour discuter... Pseudo, incognito, mais illico...Clic ! ça y est, on dialogue... " Vite, vite, va sur www.voatoo.com, y'a une fille à poil ! " Je switche de window, un coup de Netscape et j'y suis ! Pas mal, elle a mis une web-cam dans son salon, façon contre-plongée, grand angle, zoom ! complètement exhibi la môme... Ça y est, mes doigts et mon doigt ne font plus qu'un ! Merde, le débit est pas bon, la transmission est décalée, l'image est saccadée, le plaisir est dégradé : virtuelle la gonzesse, elle est out mon champ de vision ! down mon joystick... Game over, les gars... Quoi, une sonnerie ? J'ai reçu un e-mail... J'ouvre ma boîte aux lettres : un ack pour mon ordre de bourse... Y'a un autre message : une pub pour www.god.com... Dieu ou vibro ? bénis ou pénis ? clic ! 20 points ! pub ! link... www.ourah.com ! Shopping on line, easy Market, achat à distance, livraison à domicile... Rayon jaja : Château Boistrop, ok, in my virtual caddy... On passe à la caisse : card number ? Random ! Freedom ! Quoi, qu'est-ce que c'est ? Encore un mail... Messagerie ! Open, clic : vero31@apoil.com ! Open, clic : " JF31, bi, photos, code=baisemoi... " Putain, je fonçe sur www.a2.com ! user : paul25, password : frustros... Merde, ça bipe : switch, chat, dialog box... Vercingetorix : " tu veux pas faire une partie de fly simulator sur www.games.com ? " Fais chier : close, out, exit, disconnect ! switch, keyboard : " vero31 ", enter ! HTML, page Web, photos ! J'entre le code : fuckme... Download, les gars, download ! C'est vachement long, le net est over full... Putain, un bandeau publicitaire : je clique, 20 points... Merde, ça m'a ouvert une autre fenêtre... Merde, merde, merde, j'ai plein de fenêtres partout ! Elle est où la e-salope ? Perdue dans mon dédale-windows... Bitmap ! Full screen... Ah ! ça y est... Je vois son cyber-con numérique ! Pixels roses, rouges, violets... Wouah ! Yaou ! Yahoo ? Browser... Big ? Affirmatif... Putain, une pub au mileu de sa chatte... Peu importe, je clique : 30 points ! Eh, c'est quoi ça ? ça m'a ouvert un lien sur un site de boules... www.anal-logic.com : des fions, des culs, des fesses, pleins de petits trous partout ! Tibilip ! Tibilip... Ça c'est un mail : je reviens sur la messagerie : putain un mailing de la part de www.file-moi-ton-cv.com... Non, je veux pas bosser, pas de curriculum, rien ! Attends, j'vais les soigner ces encroûtés ! je clique sur www.spam.com, je tape l'adresse cible, le nombre de mails que je veux envoyer, et je pilonne leur site ! Allez hop... Send ! Tchao, by by, bon voyage, good luck, à bientôt les amis... Purée, je suis paumé avec tout ça, elle est où Véro ? Close, close, close... Merde, j'ai closé Véro ! Tant pis pour elle, on est free on the Web, j'en trouverai bien une autre... Putain, je sais plus quoi faire, le Web est triste hélas, et j'ai vu tous les sites... Allez tiens, je vais aller sur www.je-me-fais-chier.com : " bienvenue, vous êtes le 2.945.863.110 ième visiteur... " Dommage, y'a pas de pub, il est mal fait leur site... Je l'ajoute quand même à mes bookmarks, elle est trop chiante à taper cette URL... Tiens, y'a un lien vers www.ironie.com, c'est de l'e-ronie ou du cochon ? Allez, j'ai rien à perdre : clic... Putain, j'y crois pas... c'est trop cool ! Vachement bien, trop sympa ce site, vraiment top, ah si, vraiment, avec sincérité, la vérité vraie ! Eh les gars, je suis sous le charme, je change, je suis un autre, je m'émancipe, je revis ! Fini la branlette cathodique, has been les parties de Space Invador avec Charlemagne, clear les porno-rendez-vous avec Véro, erase la spéculation on the Web, terminé la déprime Internet... Maintenant, je suis « ironie » ! Avec moi les gars, play again ! Vite je bookmarke ce site... Rapide, je vais sur www.spam.com pour broadcaster la bonne nouvelle toute la Sainte caste internaute ! Je ne peux pas garder ça pour moi, la découverte est trop considérable ! Destination : " everybody, everywhere "... Subject : www.ironie.com... Message : " sans plus attendre " ! Clic... ça y est les voilà prévenus, ils vont tous savoir ! Dans quelques minutes, la Terre entière se connectera sur ce site merveilleux, la bonne parole, la rédemption, la conversion : une nouvelle religion est née ! Prosélytes de tous les pays, ayez la foi éternelle : Dieu est sur le Web, je vous ai donné l'adresse ! Rangez-la dans vos bookmarks ! Forwardez ce mail à tous vos amis ! Communiez ! Communiez ! Eh, c'est quoi ce machin ? Une pub sonore : putain, je clique, 100 points ! ça y est, j'ai une pizza gratos... Allez tous au diable ! Devil for ever ! Connexion closed...

paul25@apoil.com

LE LOUP ET LE CHASSEUR

« Fureur d'accumuler, monstre de qui les yeux
Regardent comme un point tous les bienfaits des dieux,
Te combattrai-je en vain sans cesse, en cet ouvrage ?
Quel temps demandes-tu pour suivre mes leçons ?
L'homme, sourd à ma voix comme à celle du sage,
Ne dira-t-il jamais : « C'est assez, jouissons ? »
– Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre.
Je te rebats ce mot, car il vaut tout un livre :
Jouis. – Je le ferai. – Mais quand donc ? – Dès demain.
Eh ! mon ami, la mort te peut prendre en chemin :
Jouis dès aujourd'hui, redoute un sort semblable
A celui du chasseur et du loup de ma fable.

Le premier, de son arc, avait mis bas un daim.
Un faon de biche passe, et le voilà soudain
Compagnon du défunt : tous deux gisent sur l'herbe.
La proie était honnête, un daim avec un faon ;
Tout modeste chasseur en eût été content :
Cependant un sanglier, monstre énorme et superbe,
Tente encor notre archer friand de tels morceaux.
Autre habitant du styx : la Parque et ses ciseaux
Avec peine y mordaient ; la déesse infernale
Reprit à plusieurs fois l'heure au monstre fatale.
De la force du coup pourtant il s'abattit.
C'était assez de biens. Mais quoi, rien ne remplit
Les vastes appétits d'un faiseur de conquête.
Dans le temps que le porc revient à soi, l'archer
Voit le long d'un sillon une perdrix marcher,
    Surcroît chétif aux autres têtes :
De son arc toutefois il bande les ressorts.
Le sanglier, rappelant les restes de sa vie,
Vient à lui, le découd, meurt vengé sur son corps.
    Et la perdrix le remercie.

Cette part du récit s'adresse au convoiteux :
L'avare aura pour lui le reste de l'exemple.

Un loup vit, en passant, ce spectacle piteux :
« O Fortune ! dit-il, je te promets un temple.
Quatre corps étendus ! que de biens ! mais pourtant
Il faut les ménager, ces rencontres sont rares.
     (Ainsi s'excusent les avares).
J'en aurai, dit le loup, pour un mois, pour autant :
Un, deux, trois, quatre corps, ce sont quatre semaines,
Si je sais compter, toutes pleines.
Commençons dans deux jours ; et mangeons cependant
La corde de cet arc : il faut que l'on l'ait faite
De vrai boyau ; l'odeur me le témoigne assez. »
     En disant ces mots, il se jette
Sur l'arc qui se détend, et fait de la sagette
Un nouveau mort : mon loup a les boyaux percés.

Je reviens à mon texte. Il faut que l'on jouisse ;
Témoin ces deux gloutons punis d'un sort commun :
     La convoitise perdit l'un ;
     L'autre périt par l'avarice. »

 

La Fontaine, Fables

 

99 FRANCS

« De généralisateur sublime, de prophète, de pasteur des idées qu'il était jadis, le Publiciste est maintenant un homme occupé des bâtons flottants de l'Actualité. Si quelque bouton paraît à la surface du corps politique, le Publiciste le gratte, l'étend, le fait saigner et en tire un livre qui, souvent, est une mystification. Le publicisme était un grand miroir concentrique : les publicistes d'aujourd'hui l'ont mis en pièces et en ont tous un morceau qu'ils font briller aux yeux de la foule. »

IRONIE

« Cet Hoax perpétuel contre les hommes et les choses se continue depuis {cinq ans} avec autant de verve que d'effronterie. Il n'épargne ni l'âge, ni le sexe, ni les {démocraties}, ni les femmes, ni les ouvres de talent, ni les hommes de génie ! Il amoindrit le pouvoir, les conspirations, les actes les plus graves ; il ébrécherait le granit, il entame les diamants ! La satire Ménipée serait pâle auprès du livre qu'un homme d'esprit pourrait tirer dans cette production {mensuelle} due à des jeunes gens inconnus. Cette source est si prodigue d'esprit, si vive, si animée, si constamment agressive, que dernièrement les Anglais étaient forcés d'avouer que rien de pareil à la publication de nos petits journaux n'avait jamais existé dans aucun pays, à aucune époque. Tout cela s'invente et s'imprime pour réjouir ce sultan hébété de jouissances appelé PARIS ! Hélas ! la France est colossale jusque dans ses petitesses, jusque dans ses vices, jusque dans ses fautes ! Les étrangers qui admirent nos hommes de talent ne savent pas à quel prix se vend à Paris la gloire, la mode, toute espèce de lustre, même la triste faveur d'occuper le public de soi pendant quelques moments. Relisez ces citations prises au hasard, mais qui sont des chefs-d'ouvre de plaisanterie... et – frémissez ! »

Balzac, Les journalistes


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