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Pub
es-tu ?
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Lutte contre le tabagisme : « fumer tue ! » Et puis, l’autre jour, dans le métro, sur les affiches, des graffitis : « Puber tue... » et encore : « La pub nuit gravement à votre santé et à votre entourage » Bravo ! Beau geste, ami, inconnu, toi qui courageusement... Je te félicite ! Mais il faut bien dire que, c’est inutile, dérisoire, ridicule, sans conséquence... Non, vraiment, sans conséquence, car c’est autorisé, aujourd’hui d’uriner à droite à gauche, on peut dire ce qu’on veut, se balader à poil, forniquer en public, crier haut et fort, tout et son contraire, c’est sans conséquence ! On a tout vu, tout entendu, on ne s’étonnera plus de rien, et d’ailleurs, si ceci est lu, c’est comme si ça ne l’était pas, c’est sans conséquence... Alors, tu aurais pu foutre ce papier à la corbeille, mais pas avant de l’avoir lu, car voilà, toi aussi, tu es curieux ! Oui, curieux, comme tout le monde, alors les pubs on les regarde sans les voir, mais on les voit quand même, parce qu’on est curieux, les publicitaires savent ça très bien...
De la pub ? Everyday, everywhere ! Magazines, télé, métro, Internet... Plus une naissance sans son sponsor, mentor, déconne pas, c’est sérieux ! Hier, on parlait d’images subliminales : scandale ! On matraquait le quidam à l’insu de son plein gré... Interdit ! Aujourd’hui, beaucoup mieux, la pub est partout, mais personne ne la voit plus : c’est justement le principe de l’image subliminale... Pas de scandale, autorisé... En intraveineuse, dose homéopathique, sans s’en apercevoir : Machiavel n’a qu’à bien se tenir... Après avoir lu ta revue, tu ne te souviens plus des marques de réclame : et pourtant tout est dans ta tête ! Ces femmes superbes, tordues dans des positions lascives, nues pour mieux te faire l’article... Tu es excité et tu ne sais même pas pourquoi ? Pauvre con ! Vite, branlette... Non attends ! Retiens-toi... Tu n’as pas le choix, tu n’as pas de tunes...
En tous les cas, sûrement pas suffisamment pour te payer tout ce qu’on te propose : bagnole toute neuve (top frime), gonzesse qui va avec (top baise), vacances de rêves (top paradise), téléphone portable qui fait tout (top high tech), ADSL/1024 (top speed), téléviseur écran plat (top pub)... J’en passe et des meilleures, tous les jours on t’invente des trucs, qui servent à rien, mais qui te font quand même envie ! Tu sais pas pourquoi t’en as envie ? Moi non plus, les as du marketing le savent, eux, ils t’ont étudié, l’artiste, tu es dans leur ordinateur, tu n’en sortiras plus... En tous cas, plus comme avant : tu seras transformé ! Tu étais un naze parmi tant d’autres, sans besoin particulier, sans désir outrancier, alors on t’a relooké un peu...
Maintenant tu es jaloux de tout ce que possède ton voisin, tu aimes bien avoir le dernier cri, tu n’as plus peur d’acheter à crédit, tu es même devenu un peu fashion victim, pas vrai ? Ne mens pas à ton pote ! Tu en a pris, hein ? Tu es foutu... Tu ne pourras plus t’en passer, il t’en faudra toujours davantage, jamais assez, boulimique, appétit insatiable, la bouffe ! Le dimanche à la grande messe d’Ikea, le samedi chez Conforama ou à la Samaritaine, le soir tu commanderas sur Internet ce que tu n’auras pas pu t’offrir dans la journée, tu rôderas chez les concessionnaires, les agences de voyage, tu supplieras Cetelem, Sofinco, et consorts... Par tous les moyens tu essaieras de dépenser ton fric et celui qu’on t’aura gentiment prêté, tu te soulageras dans les supermarchés, les boutiques, les échoppes, partout où tu pourras enfiler ta carte bleue dans une fente ! Mais même après ce marathon épuisant, tu auras encore envie, incontinent (l’achat gagnant) personnage, parce que tu ne pourras jamais satisfaire cette envie sans fin, sans cesse renouvelée par la pub, jamais consommer tout ce qu’on t’aura fait avaler, tu en deviendras malade !
Alors, tu vas crever... « Puber peut entraîner une mort lente et douloureuse ! » L’estomac toujours rempli de désirs, gavé comme une oie, la panse pleine d’envies, sans cesse en train de bouffer un petit quelque chose... Et ton intestin, chaque jour plus encombré, ton trou du cul rikiki n’arrivant pas à évacuer toute cette purée publicitaire ! Tu renifleras les chattes des filles trop belles pour que tu puisses les baiser, les bagnoles trop grosses pour ton portefeuille de smicard, tu vas devenir aigri et frustré, toute cette vilaine nourriture que tu ne pourras pas digérer va s’accumuler dans ton bide, macérer et pourrir ton boyau dont le volume n’en finira plus d’augmenter, l’envie de te soulager te tordra les tripes, mais la crotte, devenue si grosse, spectaculaire, énorme, gargantuesque, ne sortira pas...
Tu te souviens du film « La Grande Bouffe », 1973, Marco Ferreri, tu te rappelles cette scène magnifique avec Michel... Piccoli, au piano, assis tout d’abord, puis debout, le fion en pétarade sur un air de Chopin, des coups de mitraillettes au milieu des croches, la face congestionnée par l’effort, le couloir à lentilles plein à ras bord, tu le revois, fiévreux, l’occlusion sur le visage, s’approcher du perron, terrassé par l’effort prodigieux, et enfin, les bras en croix sur le parapet, crucifié dans sa merde, pétant à n’en plus finir, une énorme tâche marron au milieu du froc, avant de se retourner une dernière fois, et dans une marre de pisse, s’avachir définitivement, le ciment soudé à la bétonnière, mort d’overdose alimentaire, comme toi, bientôt, tu crèveras aussi, sans avoir pu caguer tous les slogans que tu connais par cœur, alors que tu serais bien en peine de réciter deux vers des poésies que tu savais, jadis, sur le bout des doigts : « Twix, deux doigts coupe-faim, c’est l’heure de la pause Kit-Kat, un Mars et ça repart, un Lion, pour rugir de plaisir, Bounty, un goût de paradis... » N’oublie pas, bon copain : puber tue ! Et c’est sans conséquence...
H.Rouxel
Note du webmaster : les images utilisées sur cette page sont tirées du film franco-italien La Grande Bouffe, réalisé par Marco Ferreri en 1973, avec Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi, Michel Piccoli, Philippe Noiret, Andréa Ferréol...
Note 2 du webmaster : citation de Philippe Noiret lors de la présentation di film, à Cannes, sous les huées : "Nous tendions un miroir aux gens et ils n'ont pas aimé se voir dedans. C'est révélateur d'une grande connerie".
Note 3 du webmaster : c'est un peu paradoxale de notre part de mettre en ligne ce texte et que notre système de statistiques affiche depuis quelques temps des fenêtres publicitaires...