Lionel Dax – Vénitienne I – Juillet 2009
Personnages :
Contexte :
Ces trois personnes se retrouvent après un concert de jazz en été à Venise dans lequel jouait
Veronica au piano.
Luca était venu écouter le trio jazz de Veronica avec une de ses meilleures amies, Francesca, originaire de la même ville qu’elle, Scorzé, située à quinze kilomètres de Venise. Après le concert, ils marchent le long des ruelles jusqu’à trouver un bar de nuit donnant sur un canal discret dans le quartier de Canaregio. Les filles parlent ensemble de leurs amours respectives, des soucis et des fantasmes, toutes les deux habitées par l’amour. Elles font mine que Luca n’est pas là, pour rendre leur conversation plus piquante. Ils prennent alors une bouteille de prosecco, ce vin pétillant de Vénétie ; et ils s’installent sur une table au bord du canal.
Veronica décide d’emblée de poursuivre la discussion en incluant Luca et en proposant que chacun expose ses peines d’amour. Francesca ne semble pas prête à la suivre, ne connaissant Luca que depuis peu. Mais Luca lui répond très vite que s’il y a jeu, il faudrait qu’il soit plus équilibré et plus gai, donc qu’il serait bon aussi de parler de ses grandes joies d’amour afin que le sujet de la soirée soit moins porté sur une vision négative de l’amour.
Luca commence à raconter une grande joie d’amour, sa rencontre et l’amour pour une jeune violoniste parisienne, Cécilia, alors qu’il vivait avec une autre femme. Il parle de sa rencontre, des premiers instants dans une soirée à parler de littérature. Veronica, à l’humeur moqueuse, lance : « C’est du Woody Allen ». Luca revoit très vite Cécilia dans un café, un soir. C’est un amour vif, fa presto. Elle lui prend le genou sous la table et le guide sur son sexe. Elle se caresse. On s’embrasse. C’est une chaleur subite, une montée du désir incontrôlable. Il la suit dans la nuit, jusqu’à chez elle. Nus tout de suite, elle saute sur Luca, danse amoureuse, virevolte érotique, long baiser de Luca sur le sexe de Cécilia, plaisir de son sexe mouillé, vivant comme une huître. Nuit amoureuse, toute la nuit avec caresses, fougue et silence. Mais, Cécilia ne supportait pas que Luca vive avec une autre femme. Luca part vivre à Florence, et, à son retour, Cécilia a trouvé un autre homme et a fui Paris. Il raconte que cet amour continue encore pour lui, malgré les vicissitudes et les choix amoureux différents qu’ils ont fait dans leur vie. Six mois après cette passion sexuelle et amoureuse, Luca recroise par hasard Cécilia. Ils se revoient, tombent à nouveau amoureux. Cécilia propose à Luca de venir chez elle passer la nuit. Et Luca, qui devait rejoindre son amie, lui dit « Non ». Blessure amoureuse des deux côtés. Malgré sa peine du « Non », cet amour reste une histoire qui dure dans le temps ; Luca revoit de temps en temps Cécilia, espérant à nouveau, une troisième chance amoureuse. Les joies ici sont plus grandes que les peines.
Ensuite, vient le tour de Francesca, amoureuse depuis très longtemps d’un Allemand, vivant à Tübingen, Giovanni. Cet homme exubérant et facétieux était son meilleur ami. Elle était tout pour lui, mère, confidente, amie très chère, mais Giovanni vivait déjà avec une autre femme. Il disait continuellement à Francesca qu’il était amoureux d’elle et il savait qu’elle était folle amoureuse de lui. Alors ils ont fait l’amour et c’était un court bonheur pour Francesca, car trois mois après, il lui annonce qu’il doit réfléchir, faire le point tout seul, qu’il ne peut pas s’engager avec elle. Tout cela est dur pour Francesca qui ne voit pas d’autres hommes lui convenir, même si elle continue à avoir des aventures sexuelles avec d’autres hommes. Giovanni est son Parangon, sa mesure des hommes ; et elle n’a encore à ce jour pas trouvé mieux. Giovanni ces jours-ci revient à la charge et veut la revoir et vivre à nouveau sa passion avec elle. Elle ne sait plus quoi croire. Cette histoire d’amour n’en finit pas. Dans ses relations, elle dit être toujours en place de seconde femme comme dans le cas de Giovanni. Pour elle, cette histoire qui dure dans le temps est plus une source de peines que de joies, même si elle espère une fin heureuse.
À ce moment-là, Veronica qui avait lancé l’idée des peines d’amour, dit vouloir parler d’une grande joie amoureuse, sa rencontre avec Paolo, un musicien de jazz, un grand et beau jeune homme. Son cœur bat à grande vitesse dès qu’elle le voit, elle lui propose une cigarette ; ils se revoient pour un concert plus tard et ils s’embrassent, instants de grâce pour Veronica, la plus grande joie d’amour, le cœur complètement emballé, corps contre corps, bouche contre bouche, le plaisir de sa langue, de sa musique dans la langue, rythme lent, rythme rapide, souplesse de l’improvisation. Au bout d’un mois, Paolo lui demande de coucher avec elle. Veronica refuse, elle ne se sentait pas prête et de ce fait Paolo la quitte. Veronica va revoir demain Paolo pour la première fois depuis trois ans à un festival de jazz. Elle n’est plus amoureuse de lui, mais laisse ouverte une possibilité du temps à l’amour.
Luca, à la fin de ce premier tour de conversation, fait remarquer que ces joies d’amour sont encore vivantes aujourd’hui et qu’il y a une fidélité à ces premiers instants amoureux transformés aujourd’hui en fantasmes, même s’il ne s’agit que d’une seule nuit amoureuse. Veronica va revoir Paolo, Luca a invité Cécilia à venir le rejoindre à Venise et Francesca pense à nouveau céder aux avances de Giovanni.
Luca évoque alors sa rencontre avec Elena qui est devenue sa femme, au théâtre, avec la danse, avec la fête… L’amour sauvage et le « Non » d’Elena au libertinage de Luca. Le temps de latence pour à nouveau reconquérir Elena, et l’amour clandestin dans Paris.
Lionel Dax – Vénitienne II – Juillet 2009
Francesca évoque un amour essentiellement sexuel avec Matteo, amoureux d’elle. Mais elle, elle n’était pas assez attachée à lui. Elle n’entend pas que d’autres hommes peuvent être fous amoureux d’elle, de son corps, de son esprit, de son plaisir d’être au monde, de ses seins, de son visage, de ses cuisses, de ses pieds, de sa bouche. Tout dans son corps dit pourtant l’amour.
Veronica aussi est faite pour l’amour ; ce n’est pas un hasard cette soirée vénitienne. Brune pétillante et superbe, elle hésite à être douce avec les hommes ou cruelle. Luca lui dit que ce n’est pas la question. Elle est parfaite. Elle sait ce qui la fait vibrer, il faut donc écouter cette vibration sans regret. Veronica évoque alors une peine d’amour avec Marco, un hippie à la philosophie libre. Marco ne s’interdit pas de coucher avec les filles qu’il rencontre. Il se sent libre d’aimer plusieurs femmes. Veronica a couché avec lui il y a une semaine et sexuellement ça s’est merveilleusement passé, un sexe heureux. Mais elle a décidé de ne plus couché avec lui. Elle ne veut pas être partagée à égalité avec les autres femmes de Marco. Elle peut tolérer d’être la première et les autres concubines, mais pas cette égalité sexuelle des sentiments. Marco va bientôt partir pour Mexico. C’est une peine pour Veronica qui est un peu tombée amoureuse de ce hippie nonchalant.
Vient alors le temps d’une discussion sur le sexe et l’amour. Luca pense qu’il faut une dimension amoureuse dans le sexe, même s’il ne s’agit que d’une nuit, comme cette nuit vénitienne. Que le jeu puisse continuer entre les hommes et les femmes… Veronica trouve que les hommes ne sont pas à la hauteur des femmes, du désir des femmes, des attentes des femmes, que parfois, c’est un grand ratage. Francesca est plus discrète. Elle est prise dans les filets d’un amour qui l’empêche de sourire aux surprises du temps. Elle ne sait pas. Elle attend un message de Giovanni, un signe amoureux du destin. Luca se souvient d’une pensée de Picasso où il disait qu’il fallait « être gouine » avec les femmes, quitter l’armure de l’homme et se glisser dans l’esprit des femmes, dans le sexe des femmes, mi-homme, mi-femme comme dans la philosophie chinoise.
Il est évident que ce dialogue doit se poursuivre dans l’amour. Louise Labé disait : « le plus grand plaisir après l’amour, c’est d’en parler ». Pour cette soirée vénitienne, refaire vivre un instant l’atmosphère des Bembo, Arétin et Baffo, c’est : le plus grand plaisir après avoir parlé d’amour, c’est de le faire. Luca propose donc de s’échapper un temps de toutes leurs histoires d’amours respectives compliquées, qu’elles suscitent de la joie ou de la peine, et de se faire plaisir à trois, sans lendemain, faire l’amour à trois, caresses sans impératif, amour du dialogue devenu vie, juste poursuivre la douceur des discours amoureux et faire de l’amour un moment riant et heureux.
Ils se lèvent et se dirigent vers le Fondamenta dei Mori, où vit Francesca, à deux pas de l’atelier du Tintoretto. Ils montent à trois les escaliers… La porte s’ouvre, la soirée se termine, la nuit commence.
Lionel Dax, Venise, le 23 juillet 2009
Lionel Dax – Vénitienne III – Juillet 2009
« Ce pays, dans l’état actuel, est peut-être encore le plus gai de l’Europe. La facilité de faire connaissance y est étonnante. On s’assied à côté d’une femme, on se mêle sans façon de la conversation, on répète trois ou quatre fois ce procédé, si l’on se plaît on va chez elle, et en quinze jours, à la première fois qu’on se retrouve en gondole, on la branle. »
Stendhal – Journal, année 1815