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L'ironie politique et médiatique utilisée à tout bout de champ frise la médiocrité, la mesquinerie, la jalousie et l'arrogance. Rien de tout cela ne nous anime. Tous devraient relire Montaigne, et sentir l'inanité de leurs attaques, la pollution de l'ironie qu'ils glissent dans leur langage publicitaire. Notre ironie variable, élancée élève, érotique résiste !
"La moquerie est l'une des plus agréables et des plus dangereuses qualités de l'esprit : elle plaît toujours, quand elle est délicate; mais on craint toujours aussi ceux qui s'en servent trop souvent. La moquerie peut néanmoins être permise, quand elle n'est mêlée d'aucune malignité, et quand on y fait entrer les personnes mêmes dont on parle. Il est malaisé d'avoir un esprit de raillerie sans affecter d'être plaisant, ou sans aimer à se moquer; il faut une grande justesse pour railler longtemps, sans tomber dans l'une ou l'autre de ces extrémités. La raillerie est un air de gaieté qui remplit l'imagination, et qui lui fait voir en ridicule les objets qui se présentent; l'humeur y mêle plus ou moins de douceur ou d'âpreté : il y a une manière de railler, délicate et flatteuse, qui touche seulement les défauts que les personnes dont on parle veulent bien avouer, qui sait déguiser les louanges qu'on leur donne sous des apparences de blâme, et qui découvre ce qu'elles ont d'aimable, en feignant de vouloir le cacher.
"La poitrine ample, revêtue
d'une chair unie, polie, et relevée en ces deux bosses blanches et dures,
qu'on appelle tétons, ces mamelles, aussi bien que le ventre, sont d'une
figure ronde : les côtés mollets; le dos plat et élevé,
les bras longs, les mains potelées, les doigts allongés par des
jointures mignonnes et polies; les flancs et les cuisses dodues; la jambe charnue
: les extrémités en forme orbiculaire : enfin, sans parler d'un
certain bijou naturel, dont la conquête cause dans notre sexe tant d'agitation,
et souvent tant de sang, tous les membres de la femme sont pleins de suc. (...)
Dans les uvres, ou pour parler vulgaire, dans les nécessités
de la nature, la femme n'a jamais besoin de toucher aux organes excrémentaires
et purgatifs de la machine; au lieu que l'homme a coutume d'y porter la main.
Enfin, dans le beau sexe, la nature a disposé merveilleusement à
la bienséance l'organe, le canal de la génération : ce
n'est point un instrument, une arme à ressort laquelle, posée
au-dehors, tantôt avance, tantôt recule; passant de temps en temps
de la petitesse et de l'humiliation à l'arrogance et à la fierté
: l'Outil Féminin est beaucoup plus honnête; il demeure en-dedans,
tout son logis n'est qu'un enfoncement; il est confiné là comme
dans un endroit plus caché et plus sûr."
Plus de chaînes, mais encore
de l'esclavage. La souffrance morale a remplacé la douleur physique.
Et si elle n'existe pas, le combat vers la liberté est déjà
perdu. Car il s'agit d'une lutte farouche : la première victoire est
la prise de conscience.
Quand je me réveille le matin, dans mon confort aseptisé auquel
il ne manque rien de la panoplie de l'homme heureux de cette fin de vingtième
siècle (boulot, frigo, magnéto, bagnole, amour, amitié,
santé, avenir, et encore bien d'autres gâteries), j'éprouve
inévitablement en ingurgitant ma ration matinale de nicotino-caféïne,
une petite bouffée d'angoisse façon juste avant chiasse terrible.
Le temps passe, et ce n'est pas le mien...
C'est le temps d'un autre qui s'est substitué à moi, insidieusement.
Dodo, métro, boulot, restos, anniversaires, courses au supermarché,
bouffer, aller chier, s'enlever la crasse, faire la bouffe, repasser les chemises,
faire pisser le chien, ne pas oublier de vider la poubelle, lessive, vaisselle,
passer l'aspire-chaque-heure, torcher les mômes, aller laver la voiture,
et même rigoler un peu. Hygiène. Surtout rigoler un peu. C'est
ce tout petit peu qui fait toute la différence : le petit verre de trop
qui fait qu'on n'est même plus capable de se rendre compte qu'on est ivre.
Ivre de vitesse, saoul d'être lancé, comme les autres, sur les rails de la grande légumineuse, tirés par la toute puissante lobomotrice : tous dans le même train-train ! destination ? soixante printemps ! "Ah tiens, déjà ? Merde, c'est passé vite, grand Dieu comme le temps file ! Quand j'avais seize ans, je voulais être un artiste, faire du théâtre..."
Du théâtre ? Pas possible ! Pas du drame, au moins : juste une petite bouffonnerie... Avec un dernier acte genre existentiel : "Tout pour exister, exister pour rien...". Toujours pris que nous sommes dans cette valse-tourbillon qui nous fait croire qu'on vit, alors que nous ne faisons que ramper ! Larbins, sbires, grouillots, lampistes, voilà nos véritables identités. Nous n'avons finalement de temps que celui suffisant pour constater que nous n'en avons absolument pas. Pas le temps de s'épanouir. Pas le temps de découvrir, de se cultiver, d'avoir du recul, de réfléchir ou de rayonner ... Seulement pas le temps d'en prendre. Le sens de notre existence nous est sans cesse dérobé, ainsi que l'énergie et le suc nécessaires à entreprendre de grands projets. Nos minutes, mortel folâtre, sont des gangues, que nous lâchons sans en extraire l'or... L'or, il est pour les juteux qui nous font marner. Z'essaient même de nous intéresser à la vie de l'entreprise, les vaches... Le boulot, ça nous passionne ! Faut se sentir con-cerné ! Participez ! Un piquet ! vous les gars ! Les heures supplémentaires, on les voit même pas passer, tellement que ça nous rend heureux de trimer ! Et puis l'avis privé, c'est "ferme ta gueule !" Trois millions et demi de plantés, c'est de la muselière efficace, ça ! De l'alimentaire ? Pas dire ça au boss, surtout... Comprendrait pas.
De sorte que quand on rentre chez soi le soir, la partie est déjà gagnée. Un gros casse-croûte dans le cartable, une merde à la télé-vie-de-con, un peu de bonheur sous les draps pourvu que popol ne soit pas déjà passé à l'ennemi, mes remerciements à Janine ..., et puis le marchand de sable vous en décoche un rude coup derrière les étagères à mégots. Demain, réveil à sept heures...
J'ouvre les yeux et j'aperçois ma fiole en peau de chagrin au milieu de la glace... J'allume la radio, et je monte le son... Expression directe : "les trente-cinq heures, c'est un leurre ! Face à la concurrence des pays asiatiques, il nous faudra au contraire travailler davantage..." Action directe... Je baise le con, et j'éteins la radio... Aller chier, coup de rasoir, se rincer la couenne, une allongée de sent-bon sous les bras, ma chemise blanche toute fraîche repassée, costard, cravate à fleurs, et ... café-cigarette : cinq minutes, pas plus ... Je reluque Janine qui dort encore, elle est bien belle quand elle dort comme ça... Merde ! Plus que deux minutes... Pas être à la bourre surtout, déjà qu'hier le boss m'a vu me pointer à la demie... Putain, j'ai cette saloperie de phrase qui me trotte dans le cigare depuis quelques jours : "traverser au milieu des clous"...
Flûte ! Encore envie de chier... Pas le temps... Ce soir faut pas que j'oublie de racheter du dentifrice... Et puis tiens ! Faut que je lise un livre, c'est vrai quoi, ça fait des semaines que j'ai rien lu... Finir par devenir illettré si ça continue ! Une gorgée, encore une bouffée... Eh non merde ! pas ce soir, c'est l'arrosage du chef de service, si j'y vais pas, va croire que j'le snobe... Serait capable de me saquer après un coup comme ça ... Ah, toujours la même chose : je dis "faire" et puis, je diffère... Quelle heure il est ? Ah ! Ça y est, je suis en retard ! Putain, tant pis, j'irai chier au boulot : de toute façon, entre chier et se faire chier, quelle différence ? Et dire qu'il doit y avoir tout un tas de connards qui merdouillent dans la même mistoufle ! Ils essaient de se raccrocher, mais ils finissent par glisser comme les autres... La pente est drôlement savonnée... Difficile de résister contre l'abrutissement par le travail, dur de lutter contre l'abêtissement par le temps perdu à faire des conneries...
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