IRONIE numéro 34 (Septembre 1998)
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières

> IRONIE numéro 34, Septembre 1998
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Job dit : "C'est dans ma chair que je contemplerai Dieu."


Job, XIX, 26.

Lors de l'accouplement corporel n'est en état d'engendrer que celui qui use avec joie et désir d'un membre vif; de même lors de l'accouplement spirituel, qui consiste à dire l'enseignement et la prière : celui qui le pratique avec un membre vif, dans la joie et les délices, celui-là engendre.

Baal-Shem-Tov, Vivre en bonne entente avec Dieu
Paroles recueillies par Martin Buber

 

CORS DE JOY

"Bel ami, si avenant, si beau,
quand vous tiendrai-je en mon pouvoir,
couchée avec vous un soir,
pour vous donner un baiser d'amour.
Sachez que mon grand désir
est de vous prendre au lieu de mon mari,
dans la mesure où vous ferez la promesse
de tout faire selon ma volonté."

La comtesse de Die, XIIème siècle

"L'amour veut un amant cavalier,
doué aux armes et pour un autre service !
Beau parleur et généreux,
qui sache faire et dire
dehors, chez lui,
selon son pouvoir,
et qui soit de plaisante compagnie, courtois, agréable.
La dame qui avec un tel amant couche
est purifiée de tous ses péchés !"

Bertran de Born, XIIème siècle

"-Puisque vous êtes savant à ce propos
je veux que vous me disiez si elle doit se placer à égalité,
la dame, avec son amant quand elle le désire franchement;
autant qu'il le fait avec elle, selon l'amour
qui inspire leurs droits aux amants. (...)

- Je réponds à la dame, brièvement,
qu'envers son amant, la dame doit se comporter
comme lui envers elle, sans égards pour son rang.
Entre deux amis, il ne doit pas y en avoir un qui domine."
Maria de Ventadorn - XIIè s.
"Je me sais frivole,
mais la beauté, née de l'amour intense,
l'accueil précieux, les signes d'attention,
et la merveille qui dépasse toute autre,
m'on mis sur cette voie
dont je sais bien qu'elle est folie;
mais la folie des amants
est leur bon sens. Le bon sens est pour eux folie."

Raimon de Miraval, XIIIème siècle

"Cela me comblerait si vous pensiez
que je puisse en un lieu venir
et vous baiser et vous étreindre.
Ainsi peut revenir à la vie
mon corps, qui vous désire
et a pour vous tous les élans.
Ami, ne me laissez pas mourir !"

Na Castelosa, XIIIème siècle

 

LES SOUFFLES D'EROS

"Puisque chaque consonne peut être considérée comme une partie infime du balbutiement primitif homogène de l'Eros, nous devons aussi bien admettre que chaque lettre de l'alphabet renferme une certaine énergie sexuelle correspondant à une compression donnée du souffle. Il va de soi qu'en plus de ces divers degrés de compression sexuelle d'autres éléments de la vie sexuelle interviennent suivan leur ressemblance avec certains bruits ou suivant leur point d'articulation et leur mode de prononciation par l'organisme. Mais la diversité des degrés d'énergie nécessaire pour réaliser des consonnes, aisément ou difficilement prononçables, présuppose obligatoirement des compressions érotiques du souffle."

Georg Langer - "L'érotisme dans l'écriture et dans le langage" in L'Erotique de la Kabbale

 

PLANS SUGGESTIFS

* "L'impression architectonique, loin d'être quelque chose comme une "affaire de l'œil", se manifeste essentiellement dans un sentiment corporel direct."
* "Tandis que des vagues de rythmes nous pénétrent, nous agrippent, nous impliquent dans la beauté du mouvement, tout ce qu'est dépourvu de forme se dissout, et pour un instant nous jouissons du bonheur d'être libérés de la pesanteur matérielle."

* "Le centre est occupé par un membre porteur"
* "La colonne est déchargée et l'impression de plus grande liberté est essentiellement ressentie par le fait qu'on se débarrasse, dans les volutes, d'une force superflue"

Heinrich Wölfflin, Psychologie de l'architecture (1886)

 

INSUFFISANCE À JOUIR

"Insuffisance (Pathologie) : Etat dans lequel se trouve un tissu ou un organe incapable de remplir l'intégralité de ses fonctions : insuffisance valvuvaire, insuffisance hépatique."

Larousse du XXème siècle

Nous vivons dans la sphère de la servitude ordinaire. Cadran, cercle, orbite. Nous évoluons en majorité dans le temps du cadre, cadré, figé, de l'endurance physique et psychique. Le temps du cadre, dont toutes les couches sociales s'accommodent, est un temps qui hèle les pilules, une cure épisodique pour dissimuler le rythme sensuel du corps. Tiens, plus je travaille, moins je bande, moins je mouille, moins l'autre m'attire (sauf le ça me dit), plus je me masturbe car l'hygiène du plaisir s'intègre dans le temps du cadre. Le Viagra (ce mets dit qui ment), la pilule qui fait se lever les slips mous, et bientôt celle qui ouvrira les valves des vulves sèches, insatisfaites, le Vulgra, sont des falsifications de jouissances, le point final du XXème siècle qui aura tué jusqu'au désir incontrôlé des spasmes naturels du corps.

Plus de fiasco devant qui-con-queue n'a plus tout son temps pour jouir. Rentabilité du plaisir. Ne plus perdre son temps à essayer de bander alors que l'on est troublé par un corps féminin qui nous enchante. Besogner comme on travaille. Sus à l'érotisme, le temps pornographique, raide, nous montre la voie, sans détour, ni malice : droit au but, Goal, j'ai la gaule ... Vulgarité des rapports nets, mathématiques (A+B+ n = X), où le cœur fluctuant, flou, jamais sûr, se tait. Le cœur a besoin du temps et le temps nourrit le cœur. Ouïr son cœur et danser selon sa musique évite la culpabilité marchande des faillites d'un corps dénué d'amour.

Le temps du cadre développe et masque l'insuffisance à jouir, notable aujourd'hui dans la dégénérescence des conversations, l'effeuillage impudique des relations et le dépôt de bilan du charme : ère du strip-tease intégral sans distinction de sexe, le rêve naturiste uniformisé d'un Eden virtuel où la nudité provoque la confiance. Tous pareils. Les codes doivent être clairs. Le temps du cadre, rapide et insipide, qui triche, qui gomme le sale et le salé du jeu érotique, signe la mort du cœur dans l'exposition outrancière et artificielle du corps. Tout concourt à nous faire oublier le pouvoir de l'écorce.

Il n'est pas étonnant, ceci semble ironique, que ceux qui souffrent de cette inaptitude, cette impuissance à jouir, à force de forcer, de doper le corps sans mettre du cœur à l'ouvrage, meurent d'une crise cardiaque ! Le cœur, n'étant plus de la partie, lâche le corps dans un rire imprévu et divin : "On ne m'écoute plus, alors je me tais, définitivement" !

Le corps du cadre n'est plus qu'un corps de supermarché. Il tente de contrôler, à l'aide des laboratoires pharmaceutiques et des centres de recherche pour le traitement des maladies cardio-vasculaires, les pulsations imprévisibles du désir, les tremblements. Ils travaillent à un cœur médicalement assisté, réglé selon le train de vie de chacun, modulable, jusqu'à souhaiter un cœur totalement faux déjà testé pour que l'homme soit un peu plus machine dans le temps du cadre.

La pensée et le temps de la jouissance sont les failles de l'idéologie cadrée. L'amour est à réinsuffler...

"La puissance humaine n'est qu'une impuissance déguisée" Fénelon

Lionel Dax

 

AMUSEMENTS SEYANTS ET SAILLANTS

* "Je suis persuadé que le bon comique s'accorde parfaitement avec le sérieux; j'avance même que le comique est si naturel aux hommes les plus graves, que ceux à qui la nature a refusé les grâces de la plaisanterie ne sauraient s'empêcher d'être mauvais plaisants. J'avancerai même que l'éloquence sublime est presque inséparable de la plaisanterie."

* "Ces propositions paraîtrons un peu hardies à certains auteurs sérieux qui se croient distingués des comiques, comme les nobles le sont des bourgeois. Cependant la plupart des orateurs sont pleins de figures et d'expressions figurées qui tirent leur origine de la raillerie, de l'ironie et d'autres sources de plaisanterie."

* "Tout est amusement dans la vie; la vie même n'est qu'un amusement, en attendant la mort. Voilà du sérieux, j'en ai promis; mais passons vite au comique."

Dufresny, Amusements sérieux et comiques (1699)

 

MON CON ET TA QUEUE

Dans mon trou béant tout aqueux était ta queue

Adrienne Pwatt


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