(nouvelle inédite d'Hervé Rouxel)
Algérie, Afrique des
grands lacs, Kosovo, etc ...
"Ils sont si fréquents que nous y sommes devenus presque indifférents.
Les comptes-rendus qui nous parviennent nous affectent à peine plus
que ceux de spéculations boursières sur des valeurs dans lesquelles
nous n'avons pas investi. A force de les lire, nous nous sommes tellement
habitués aux descriptions d'horreurs qu'elles nous font maintenant
à peine frémir."
Le vocabulaire et les techniques
médicales, économiques, louchent de plus en plus vers nos espaces
quadrillés. Cobayes et prothèses en expansion, voici venu l'être
aux implants ! L'homme nouveau sera un puzzle, dissocié, résultat
d'étranges greffes technologiques et organiques sur son corps socialisé
jusqu'à l'esclavage.
Deux faits divers récents mettent en perspective les mutations futuristes de l'homme. Un chercheur anglais s'est greffé une puce domo(es)tique de son cru pour que ses machines "intelligentes" lui disent "bonjour" le matin et que les portes s'ouvrent à l'écoute de signaux inhumains émis du sein de son avant-bras : une dose d'électronique nichée dans des veines afin de parfaire l'ultime illusion d'être maître des microprocesseurs quand on est le pur produit de leur domination. L'autre expérience est une greffe de main. Demain nous promet des corps inédits, surprenants, patchwork de tissus, d'organes d'animaux et d'humains !
Cette évolution du corps va de pair avec son habillage technique, son environnement modèle. Nous portons, escargots modernes ayant oublié la lenteur, notre maison, notre vie privée sur la voie publique. Les portables (téléviseurs, ordinateurs, téléphones) sont les antennes d'une fausse mobilité, d'un nomadisme sécuritaire pour pallier les incidents du réel.
La télévision, reine de la stupidité, le cinéma qui a désormais renoncé à penser, les variétés dans ce qu'elles ont de plus uniforme, Internet avec son Fonds Multiple d'Informations comme le miroir ludique du vide communicationnel ne sont que des greffes de divertissement...
Si l'opération est réussie, alors amusez-vous bien, et riez de votre propre médiocrité à travers celles des autres. Nous sommes plutôt sensibles à la singularité, aux surprises, aux greffes amicales et amoureuses qui souffrent aujourd'hui d'un lourd rejet épidermique et d'un discrédit que nous espérons épisodique.
Pour décompresser, se trouver des cons pressés |
Adrien Pwatt |
Embêté par des
dettes, emmerdé par des traites, endetté avec des prêts,
enquiquiné par des emprunts, empêtré dans des échéances
? Aucune inquiétude, on va quand même vous prêter de l'argent
! Vous rembourserez plus tard... On trouvera une solution... Ce serait bête
de pas l'acheter, si c'est un coup de cur ! On n'est pas des chiens,
on va s'arranger. Tenez ! je vais vous chercher un formulaire... Médiatis,
Cofinoga, Sofinco, Cetelem, Crazy George... Voilà les noms des nouveaux
affameurs... "Facilité de paiement", "règlement
étalé sur dix mois", "carte de crédit"...
Que de vocabulaire alléchant, pour entuber l'ami de passage !
Un ouvrier qui gagne le SMIC, et qui aurait
Il y a des sociétés, cotées au premier compartiment,
dont le métier consiste à exploiter la crédulité
d'hommes et de femmes dont la seule faute est de rêver tout éveillé.
Les rabatteurs, à coup de slogans publicitaires exhortant à
consommer toujours davantage, entraînent le gibier vers un filet duquel
il ne s'échappera pas de sitôt.
Dans cette sombre chasse à courre, les plus chanceux bénéficieront
peut-être, après bien des années, de cette grâce
que l'on accorde avec parcimonie : "la faillite personnelle"...
Quelle expression terrifiante ! L'être humain n'est-il donc qu'une entreprise
comme les autres ? Devra-t-on bientôt parler de fusion-absorption pour
dire "mariage", d'entrée en bourse pour "baptême" ?
Malheur à ceux dont le passif dépassera l'actif ! Esclavage
insolite et sinistre que celui qui unit la mort à crédit et
la rente à vie : les négriers d'aujourd'hui ne distribuent plus
de coups de fouets, mais de l'argent !
"Je n'aime pas profuse en un château richesse tenir enfouie, mais des choses bien jouir et avoir le renom de combler mes amis. Car communes s'en vont les attentes des hommes recrus de peines."
"Si je lis avec plaisir cette phrase, cette histoire ou ce mot, c'est
qu'ils ont été écrits dans le plaisir (ce plaisir n'est
pas en contradiction avec les plaintes de l'écrivain). Mais le contraire
? Ecrire dans le plaisir m'assure-t-il - moi écrivain - du plaisir
de mon lecteur ? Nullement. Ce lecteur, il faut que je le cherche, (que je
le "drague"), sans savoir où il est. Un espace de la jouissance
est alors créé. Ce n'est pas la "personne" de l'autre
qui m'est nécessaire, c'est l'espace : la possibilité d'une
dialectique du désir, d'une imprévision de la jouissance : que
les jeux ne soient pas faits, qu'il y ait un jeu."
Les sergents recruteurs d'aujourd'hui
ont des méthodes qui ressemblent à de la pure torture. Outre
l'exemple outrancier des agents de Berlusconi qui plaquent une lampe forte
sur le visage apeuré des candidats afin de tester leur résistance
à la sueur (un cadre stressé qui sue, c'est sale, une mauvaise
vitrine de l'entreprise), une nouvelle forme de recrutement pousse plus loin
l'expérience : l'assessment, la mise en situation.
Les grandes entreprises ne veulent plus d'"erreur économique"
dans leurs staffs voués depuis longtemps à une productivité
aveugle. Les tests se durcissent, varient, durent, véritable théâtre
de la cruauté mentale.
Pas d'alcool, d'aléatoire, de dérive riche en rencontre au gré
des pensées, de rire libre, les néo-situationnistes sont au
service des multinationales pour éradiquer les mauvaises surprises
de la graphologie, de l'horoscope et des tests psychologiques. Place au sitcom
afin de décrocher un job :
"Le couple postule pour
la gérance d'un hôtel
Enfermé dans un bureau, le couple a donc découvert la situation
de départ : il remplace au pied levé le gérant d'une
agence de voyages. Quelques minutes pour lire un dossier d'informations
sur l'activité de l'agence et le téléphone sonne. C'est
un client exigeant, du genre très énervant, qui veut un rabais
sur les prix et une multitude de renseignements. Au même moment, entre
dans la pièce le directeur régional qui vient faire le point
sur les résultats de l'agence. Puis le banquier téléphone,
très pressant, pour s'assurer du recouvrement d'un impayé
... La totalité de l'épreuve se déroule sous la surveillance
d'une caméra vidéo. (...) "Ça ressemble à
un jeu, mais pour nous c'est un enjeu capital. Cette journée va déterminer
notre vie future. Les situations sont faites pour nous pousser à
bout. Toute la difficulté, c'est de prendre les bonnes décisions,
de gérer les problèmes en même temps. Ça demande
200% de concentration.""
Ces néo-situationnistes pervertissent le jeu en le menant vers les
alcôves du travail par des scènes extrêmes visant le réflexe
conditionné des acteurs. Tout ceci va à l'encontre des plaisirs
gratuits où la pensée vagabonde de corps à corps dans
une improvisation qui n'a d'autre but que la recherche de sensations, entre
autres celle de l'écoulement du temps. Proxénètes des
grands groupes comme Accor, Banques populaires, Danone, Marks et Spencer,
Rank Xerox, Carrefour, La Redoute, Bouygues Télécom etc ...,
ces situationnistes marchands font se courber plus profondément, jusqu'à
l'humiliation, jusqu'au stress, les demandeurs d'emploi au nom de la Sacro-Sainte
performance économique. On imagine assez aisément le ricanement
et le mépris des décideurs derrière les glaces sans tain
ou les moniteurs vidéo filmant la situation en direct. Contre la mécanique
des réflexes usons de la dynamique de la réflexion.
"L'histoire enseigne que les dictateurs ne finissent jamais bien" |
Général Augusto Pinochet |
"Qu'est-ce que l'humorisme ? Si nous voulions tenir compte de toutes les réponses que cette question a suscitées, de toutes les définitions qu'auteurs et critiques ont essayé de formuler, ce sont des pages et des pages qu'il nous faudrait remplir pour probablement, à la fin, perdus que nous serions parmi tant d'avis contraires, n'en arriver qu'à répéter :
Nous avons déjà
dit que tous ceux qui, incidemment ou de la manière la plus sérieuse,
en ont parlé, s'accordent sur le seul point qu'il est on ne peut plus
difficile d'énoncer de quoi il s'agit, car l'humorisme présente
des variétés si infinies et un si grand nombre de caractéristiques
qu'à vouloir le décrire sous son aspect général
on risque toujours d'oublier quelque chose.
Cela est vrai. Mais il est non moins exact qu'on aurait dû depuis longtemps
avoir compris que partir de ces caractéristiques n'était pas
la voie la meilleure pour arriver à bien saisir l'essence réelle
de l'humorisme, puisqu'on aboutit toujours à tenir pour fondamentale
celle entre elles qu'on a reconnue être commune aux uvres et aux
écrivains qu'on aura étudiés avec le plus de prédilection;
d'où il s'ensuit qu'on se trouve avoir en conclusion autant de définitions
de l'humorisme qu'on aura découvert de caractéristiques, lesquelles,
naturellement, possèdent toutes une part de vérité en
même temps qu'aucune n'est la vraie.
Certes, la somme de toutes ces caractéristiques variées et des
définitions qui en découlent nous rend capables de comprendre,
sur un plan très général, ce qu'est l'humorisme. Mais
on n'en aura jamais qu'une connaissance sommaire et extérieure, pour
la raison précisément que sont sommaires et extérieures
les déterminations sur lesquelles elle repose."
La danseuse orientale qui ondule en postures
perverses, depuis ses premiers ongles tendres,
je l'admire, non de mettre en tout la passion, ni d'étendre
mignonnement des bras mignons, comme-ci et comme-ça,
mais parce que, danser autour d'un clou mangé d'usure,
elle sait ... et qu'elle ne fuit pas devant les rides antiques.
Bisous, chatouilles, enlacements ... et si elle lance - hop-là ! -
la jambe, de l'Hadès elle fait revenir la trique !
"L'ironie du poète est comme une très fine scie armée de tellement de dents - parmi lesquelles la satire - qu'elle mord un peu tout le monde, tout doucement, subrepticement"