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(deuxième épisode, nouvelle inédite
de H. R.)
IRONIE
a besoin de timbres pour ses multiples déplacements...
Merci de nous en envoyer...
"Les secrets d'{Ironie} sont infinis, et infinies les choses qu'{elle} doit prendre en considération. C'est pourquoi il est téméraire de juger précipitamment ses actions, car bien souvent ce que tu crois qu'{elle} fait pour un motif, {elle} le fait pour un autre, et ce qui te semble fait au hasard ou imprudemment est fait à dessein et fort prudemment."
"Il me semble qu'on tend trop, depuis quelque temps, à forcer les limites de l'identification du poète avec la matière qu'il traite. Qu'il soit difficile de les voir nettes et précises, j'en conviens. Mais ce n'est pas les voir du tout, à mon avis, ou ne tirer que peu de clarté de la lumière du discours que, tout en reconnaissant - ainsi qu'il est juste de le faire - l'identité du poète et de son monde, on nie l'existence de l'ironie, soit qu'on l'exclue en grande partie ou qu'on lui accorde peu d'importance. Ces deux éléments ensemble - identification et ironie - ont besoin d'être reconnus, puisque c'est dans leur accord à première vue contradictoire - accord sinon toujours parfait, du moins presque toujours atteint - que réside, je le répète, le secret du style."
Devant l'adversité on rechigne. La peur au ventre, on n'ose contredire son supérieur sous peine de se faire remercier ou sermonner et tomber dans la fosse méphitique du chômage (relire les statistiques). Alors on baisse les yeux et se plie toujours plus, scoliose de l'asservissement (relire Marx). Courbé, seul, personne pour nous pousser, nous soutenir, un groupe, un syndicat, un copain de la boite, on capitule avant de guerroyer. Sûr de la défaite, on embrasse avec plus de force sa frustration devant l'injustice (relire Bourdieu). On trime en silence. Les divertissements existent pour qu'on éjecte sa haine dans un rire forcé lors de spectacles détente et la sueur hygiénique des salles de sport. Le cinéma et la télévision sont là pour alimenter nos conversations appauvries, aporie du discours (relire Debord).
On a froid en permanence : crainte du sud, de sa pulsion solaire, ses élans colorés embrasés d'essences diverses (relire Nietzsche). L'hiver retient sa nuit. La peur, jouet des culpabilités successives, nous tient au secret de nous-mêmes, enfouissant les lames du langage dans un arrière-pays du corps (relire Freud), oubliant l'aphrodisiaque issu de l'esprit critique, de la révolte (relire Artaud). Sur les bancs des universités, dans les couloirs des administrations et des entreprises, c'est la même acceptation basse de toute situation ordonnée (relire Foucault) et contrôlée (relire Deleuze). Il devient nécessaire de ciseler, voire d'affûter son esprit et recouvrer sa liberté, chercher son hédonisme (relire Onfray).
Dans les relations sociales, amicales ou amoureuses, même typologie de la sécurité, de l'intérêt (relire La Rochefoucault). Le Pacs, le mariage, le concubinage, le célibat accompagnent la frilosité de chacun. On retrouve la même peur de la porte à propos des écarts amoureux (relire Morand). Les liens s'établissent par intérêt tandis que la solitude règne et s'en amuse, un il derrière chaque coït (relire Bataille). Déjà seul avec les autres (relire Crevel), on a peur d'être seul. Tout cela parce que la jouissance nous manque, rare, et le désir nous tue, nous emmure dans un espoir sans plaisir (relire Barthes).
Honnêteté oblige, j'évite de répondre aux sollicitations de cette personne qui m'invite clairement à une escapade ludique ... Comme pour les entreprises, j'ai peur d'être viré du ménage que je tente de construire (relire Le Corbusier). Entre un appartement chaud avec tout le confort froid moderne et la rue glacée avec l'inconfort du risque brûlant qui salive au cur de nos sexes, le choix de la frilosité cadrée s'impose au détriment de la frivolité volatile jugée indécente et irrecevable (relire le Cardinal Paleotti).
Un temps frivole est possible aujourd'hui contre l'horloge nordique qui uniformise les désirs dans la retenue bourgeoise, altère à l'aide des télécommunications les relations et bloque la frivolité, la suavité des sucs sucrés salés du sud. L'ironie est une frivolité de l'esprit (relire Ironie).
Ma tendre bite a été élevée à la dure |
Adrien Pwatt |
* La vie est belle de
Roberto Benigni : "Bouleversant" Le Figaro |
* Alice et Martin d'André Téchiné : "Bouleversant" Le Monde |
Informations publicitaires tirées du Pariscope n°1590 |
"La critique n'est plus qu'une prostituée qui se vend ou qui se donne aux passants. Voyez ce qui se passe dans nos journaux. Nous avons toute une bande d'écrivains médiocres, que la critique couvre d'éloges. Il y a unanimité sur leur compte, on les déclare sympathiques, et dès lors qu'il est entendu qu'on encouragera leur petit commerce avec des sourires paternels. Cela s'explique très bien. Les médiocres, d'abord, ne gênent personne; on peut les pousser sans crainte d'être bousculé par eux. Puis, ce sont d'ordinaire d'aimables hommes, très souples, distribuant des poignées de main, ayant trop besoin de tout le monde pour courir le risque de se créer un seul ennemi. Il est donc fort naturel que la critique se montre tolérante pour des auteurs qui font métier d'être inoffensifs et de vivre en bons compagnons."
"Il semble que Jeff [Jean-François Martos] n'a guère plu en Espagne. Il manque de tact, pour un pays difficile. Il peut faire des progrès; mais il serait mieux, pour lui et pour tout le monde, qu'il s'exerce d'abord à Paris ou en Italie."
"Ces ornements qui échappent à toute définition
raisonnable, pourquoi sont-ils finalement si agréables ? "Variété
et étrangeté", dit Montaigne. Sont-ils si stimulants parce
qu'ils nous invitent constamment à faire un saut de la nature à
l'art, de la singularité de l'une à l'alacrité de l'autre
? A travers cette grille de signes, un rapport apparaît entre le génie
de la nature qui crée le caméléon, le singe ou le héron,
et celui du dessinateur qui faire sortir une sphinge d'une torsade ou greffe
un protomé de cheval sur un feuillage. La réalité insolite
et l'imaginaire libéré se réfléchissent l'un dans
l'autre. Les deux modes d'invention s'éclairent réciproquement
à travers ce réseau qui, conjuguant au surplus le géométrique
et l'organique, tend perpétuellement à inverser les termes.
On passe de l'élasticité au rigoureux dans un mode souple, désinvolte,
d'où naît une impression d'ironie. La grottesque apparaît
ainsi comme une "forme symbolique", une manifestation complète,
excitant la sensualité et taquinant l'intellect."
"Si l'"ornement sans nom", échappe à toute définition, c'est qu'il ouvre un accès indéniable à l'instance la plus délicate à saisir rétrospectivement : le comique. Peut-être son secret est-il finalement de jouer du sourire et du rire, tout en assumant sa fonction dans le décor des demeures et des objets. Non seulement la figure humaine y est pliée à des contorsions ridicules, mais un certain ton satirique peut y être de mise, et d'une manière générale les gestes indécents, les métamorphoses saugrenues y trouvent place. Si l'on ne restitue pas à l'époque où a fleuri ce décor un immense sens d'amusement à l'égard de l'existence, une ironie moqueuse envers le monde humain et une curiosité invincible, alerte, rieuse pour les fantaisies inépuisables du monde naturel, il sera difficile de traiter la grottesque autrement que comme une aberration, une sotte manipulation, un mauvais exercice d'imitatio antiquitas."
"Du côté des "dominés" il n'y a rien, aucune idéologie, sinon précisément - et c'est le dernier degré de l'aliénation - l'idéologie qu'ils sont obligés d'emprunter à la classe qui les domine."
Les manifestations lycéennes d'octobre dernier ont donné lieu
une nouvelle fois à des débordements de violence en plein centre
de Paris. De petits groupes mobiles, plus ou moins organisés, constitués
pour la plupart de jeunes venus des quartiers difficiles de la périphérie
ont parasité les manifestations en s'adonnant à des saccages
gratuits, à des agressions physiques. Deux jeunesses étaient
rassemblées sur les mêmes lieux mais pas pour les mêmes
raisons. L'une, inquiète de son avenir, du chômage et de son
insertion dans la société, revendiquait des moyens accrus pour
les lycées et de meilleures conditions matérielles pour préparer
des diplômes et "réussir dans la vie". L'autre ne réclamait
rien, n'avait aucun message à faire passer si ce n'est de crier sa
haine en cassant et pillant des boutiques pour s'approprier des objets que
la société de consommation lui refuse. Ces scènes ne
sont que les derniers avatars de la violence urbaine qui affecte l'ensemble
du corps urbain. Cette violence se manifeste de deux façons. Ce sont
tout d'abord les délits et les nombreuses incivilités commis
en centre ville, dans les lieux publics, dans les centres commerciaux, dans
les transports en commun par des jeunes se déplaçant souvent
en bandes. Ce sont également les explosions urbaines collectives anarchisantes
qui embrasent épisodiquement tout un quartier (dit "sensible")
en réponse émotionnelle à une injustice ayant frappé
l'un des habitants (en général une bavure policière).
Encore une fois les médias prenant le relais de l'opinion bien pensante ont parlé d'une seule voix pour condamner ces violences et se ranger du côté des lycéens dont les manifestations ont "été gâchées par la racaille de banlieue". On sentait à travers les propos des journalistes toute la haine de classe que peut ressentir le citoyen intégré et bien rangé à l'égard des nouveaux gueux des ghettos urbains. C'est le grand retour "des classes dangereuses" du 19ème siècle ! Au siècle dernier le bourgeois n'avait pas de mots assez forts pour vilipender les murs dépravés des prolétaires des faubourgs, leur alcoolisme chronique, la violence qui caractérisait leurs rapports sociaux et surtout les émeutes sporadiques qui touchaient les quartiers populaires. Dès lors qu'une société sécrète de la pauvreté, de l'exclusion, ce sont toujours les mêmes discours qui resurgissent. Tout le monde s'accorde pour s'apitoyer sur le SDF qui crève de froid solitaire dans la rue l'hiver, car lui se contente de mourir en silence. En revanche, personne ne soutient les jeunes de banlieues et leurs conduites déviantes et asociales. La jeunesse déshéritée non seulement refuse l'ostracisme mais le fait savoir ! Non, la pauvreté n'a jamais sécrété des enfants de chur. Une société aussi inégalitaire que la nôtre ne peut espérer récolter autre chose que de la violence. Ces jeunes n'ont aucun idéal si ce n'est celui de la réussite et du fric facile. Comment leur en vouloir ? La société n'a que le modèle libéral de la réussite individuelle et de la compétition à leur proposer. Dans ces conditions, il est normal que ces jeunes nous jettent à la gueule le modèle déformé que nous leur proposons à longueur de journée à la télé. Si réussir dans la vie, c'est posséder, alors il n'y a qu'à se servir et tant pis pour le boutiquier qui refuse de voir piller son magasin ! Les monstres ne sont pas ces jeunes mais ceux qui sont responsables de la misère intellectuelle et sociale dans laquelle ils sont confinés.
Dommage que toute cette énergie juvénile ait été gaspillée en vain. Demain peut-être, une force politique sera enfin capable d'organiser cette violence et de la canaliser là où ça fait réellement mal. Alors la racaille de banlieue réussira là où les prolétaires des faubourgs ont toujours échoué.