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> IRONIE numéro
41, Avril 1999
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Supplément
du numéro 41, Poésies de |
"Que tes oreilles écoutent ce qu'elles désirent. Que tes yeux voient ce qu'ils désirent. Que ton nez hume ce qu'il désire sentir. Que ta bouche exprime ce qu'elle aime dire. Que ton corps jouisse de ses aises. Que ta volonté réalise ce à quoi elle aspire. L'oreille désire entendre de la musique; si elle ne le peut, j'appelle cela entraves à l'ouïe. L'il aime à contempler le beau; s'il ne le peut, j'appelle cela entraves à la vue. Ce que le nez aspire à humer, ce sont les parfums; s'il ne le peut, j'appelle cela entraves à l'odorat. Ce que la bouche désire exprimer, c'est le oui ou le non; si on l'en empêche, j'appelle cela entraves à la sagesse. Ce dont le corps désire pouvoir jouir à l'aise, ce sont les belles choses et les mets délectables; s'il ne peut pas les obtenir facilement, j'appelle cela entraves à son bien-être. Ce que la volonté désire, c'est la liberté et les loisirs; si elle ne le peut, j'appelle cela entraves à toutes ses tendances. Toutes ces entraves sont de vrais tyrans. Eliminer ces tyrans et joyeusement attendre la mort, et cela un jour, un mois, un ou dix ans, c'est cela que j'appelle nourrir sa vitalité."
"L'adulte occupe sa vie avec des jouets. La technique est une wonderland où l'homme, comme un enfant dans un luna-park, veut tout expérimenter : il devient volatile, en mécanisant le vol aérien; il appuie sur un bouton et il voit ce qui se passe dans l'autre hémisphère, dans la lune ou, si cela l'amuse davantage, il téléguide un massacre; il transplante des organes; il transplante sa propre intelligence dans des robots électroniques. Le monde est son jouet. Il le manipule. Il le démonte, il essaie de le refaire. Il n'y arrive pas. Il manque un morceau du puzzle. Des complexes lui viennent. Il va chez le psychanalyste qui promet de le guérir dès l'instant où il se souviendra qu'il est un enfant."
La révolte s'assoupit, voire disparaît, dans la sécurité du confort digitalisé. De tout temps, il y a eu des rites de passage de l'enfance à l'âge adulte : le dépucelage, l'indépendance, la guerre, l'abandon ... Il est vrai que l'espérance de vie était courte, donc les âges étaient plus marqués. Les vies se coupaient en trois, comme dans la question du Sphinx à Oedipe : "Qu'est-ce qui, ayant une voix, devient à quatre pieds, à deux pieds, à trois pieds ?" : L'homme-quoi ? "That is the question". Comment résoudre le nud de l'être, le neu-neu intérieur, Ndipe adipeux de tout un chacun ?
Les carcans sont de moins en moins repérables; les rouages de la Dynamo avec pertinence et persistance nous happent, nous mâchent et nous réduisent à l'obéissance, seule piste offerte pour dénicher une légitimité sociale, un sourire du père. Le ton est donné, vendu par la logique imparable du droit chemin de la reconnaissance. Sans s'en rendre compte, doucement, l'enfant devient la référence, le réfèrent principal d'une société qui ne jure que par lui. On cherche même l'enfant qui perdure dans nos fibres émotives jusqu'au dernier râle. Il faut que les êtres restent enfants, sucent le pouce de la télévision ! La mère concentrée et le père diffus ont engendré l'enfant intégré. L'infantilisation, de ce fait, refoule et achève par sa norme la puissance imaginaire de l'enfance. La mire de l'économie est la politique du pire.
A peine sommes-nous sortis de la matrice que la nostalgie du ftus nous noue. L'enfant est fétichisé. Ftus à la sauce Jarry, jetés dans une piscine nous jubilons de bonheur; nous nageons dans des bocaux en attente de la date de péremption, de la poubelle. L'alcool nous tient en haleine. La drogue se prend comme du lait maternisé en poudre. L'amour nous soutient pour toucher le temps. Le rire et la souffrance sont des liquides amniotiques qui nous rassurent. La perte nous effraie. Le cordon tient bon le corps, le ventre est bouillant. Devant l'éthique de l'igloo, de la cellule, de la chambre chauffée qui évite tout courant d'air, toute dépense d'énergie pouvant perturber nos existences d'hémophiles, je propose une esthétique de la plaie dont l'Origine du monde serait l'icône.
L'infantilisation protège de la peur, de la mort, du temps. Dépendance et culpabilité sont ses mamelles. Par dessus le marché, le caprice de la société de consommation les gonfle, les renforce. D'une famille l'autre, on se balance d'un cordon l'autre comme Tarzan se servant des lianes pour traverser la jungle. De la famille à l'entreprise, de l'entreprise au chômage, toujours tenu par un cordon invisible.
On nous donne tout, et pourtant ce n'est rien. La procuration nourrit nos appétits incompris : mise sous tutelle de la pensée et du rêve de chacun. Le papa-Religion, la maman-Etat et la putain-Libéralisme nous regardent marcher fébriles, à la recherche du sein gras, d'un peu d'argent, d'une raison de vivre. La société du spectacle opère une infantilisation du monde. Les dictatures et les guerres qui en sont les engrais, sont des mères porteuses de monstres. Le sevrage n'est pas fini, chiens rampez, à genoux, quémandez, sollicitez, sucez l'asphalte que l'on vous sert, vautrez-vous dans la satisfaction du pouvoir d'achat, dans l'industrie du cirque. Jeux, drogues, voyages : débiles mentaux en partance vers des univers rembourrés, cotonneux, afin que l'on évite de se faire mal en tombant lorsque le cordon cédera.
Le trou rose de l'expérience reste la seule perspective ludique d'un cur libre, le rire de la fente qui pleure blanc.
Les marchands de connerie ont mis la main sur la poule aux ufs dor : nostalgie ! On sémeut en revoyant les anciennes émissions télévisées avec les Enfants de la télé ; on vibre en écoutant les chansons dhier avec les Années tubes ! Comme cest chou de revoir Danièle Gilbert présentant Paris Première Comme cest bon de karaoker Le Blues du Business Man par tube cathodique interposé Invité spécial : Plastic Bertrand, bedaine en plus, pour qui ça plane toujours, oseille en rabe ! Sur lautre chaîne, on vide les placards : Zitrone, Simone Garnier, Garcimore, Patrick Sabatier, Roger Gicquel, Denise Fabre, tout y passe Gros Casimir est de retour Super ! Nicolas et Pimprenelle Ouais ! Chapi, Chapo, tibidi Chapo, Chapi, tabada
On revoit avec émotion Gainsbourg déchirer son Pascal, Coluche avouer des relations homosexuelles au Jeu de la Vérité, Isabelle Adjani sexpliquer sur une rumeur au vingt heures Bref, on revit les moments forts du petit écran ! Dun seul coup, on banana split avec Lio, puis on se présente, on sappelle Henri avec Balavoine, et même, on est malade avec Serge Lama ! Daniel Guichard vient nous débiter Mon Vieux Et ça y est ça y est : on a la larme à lil ! Est-on full sentimental, tout de même Audimat assuré, compilation gagnante Laffaire est juteuse ! Le passé ? Cest lavenir
"L'aliénation
des hommes se révèle précisément à ce qu'on ne ménage plus aucune distance." |
Adorno |
Il Satirino Le jeune Satyre"Pazzi quei, ch'in Amor credono ? "Ils sont fous ceux qui croient à l'Amour ?
Sono pazzi tutti gl'huomini. Tous les hommes sont fous.
Pazzo è il Mondo, che l'illecito Fou, le monde où le souci
Suo gioir segue sollecito, Succède aux plaisirs interdits.
Ne vi è cor, che non le nomini Il n'est point de cur qui ne l'invoque,
Pazzi sono tutti gl'huomini. Tous les hommes sont fous.
Pazzi quei, ch'in Amor credono ? Ils sont fous
Pazze son tutte le femine Ceux qui croient en l'Amour ?
Che con piante ancora tenere Toutes les femmes sont folles,
Lo ricevono con Venere Qui dans leur tendre jeunesse
Ne le luci, ò stelle gemine. L'accueillent au nom de Vénus.
Pazze son tutte le femine." Toutes les femmes sont folles."Giovanni Faustini, Livret de La Calisto de Francesco Cavalli"O learn to read what silent love hath writ !
To hear with eyes belongs to love's fin wit.""Apprends à lire ce que l'amour silencieux a écrit !
Ecouter avec les yeux appartient à l'esprit fin de l'amour."William Shakespeare, Sonnets