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IRONIE numéro 56, Septembre 2000 |
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Supplément
du numéro 56, IRONIE : TÉLÉVOLUTION. |
"Quand tu cherches la merde, tu la trouves toujours" |
Stomy Bugsy |
Subject : complex'tri
Date : 31/07/2000
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To :
Ironie, je me permets de vous contacter pour vous dire que je vais mettre dans la revue complex'tri un des numéros de votre parution. Je vous présente ici le texte d'introduction, auquel vous pouvez réagir. (...)
Ironie est une parution mensuelle, dont le siège est à Paris. Elle est distribuée de manière aléatoire, à qui en a entendu parler, a rencontré des individus qui le lisent ou découvert son site sur Internet. A son actif, un peu plus d'une cinquantaine de numéros. Précisément, Ironie est une feuille A4, pliée et envoyée. C'est ainsi que la diffusion de ce feuillet peut se faire pratiquement sans moyens, facilement distribuable et de manière anonyme ou presque...
S'accumule au fil des numéros des extraits succins, très courts, des phrases et des mots d'auteurs qui ont marqué la littérature et ont apporté pour la plupart des critiques salées et pointues de notre société. Ironie peut se lire comme un rappel des uvres à lire absolument; elle donne le go÷t des auteurs, donne rapidement leur ton et leur saveur. A nous de continuer le travail.
Ironie, c'est aussi la volonté de présenter un espace critique en assemblant des morceaux de textes, et en y ajoutant des textes de leur production, souvent liés à l'actualité sociale. L'ensemble est, manifestement, une manière de revendiquer une certaine façon de vivre, de juger et d'apprécier, tout en profitant des plaisirs que la vie offre et qui sonne comme une insouciance à prendre.
Quelques critiques cependant : Ironie est, sans s'en cacher, sous l'influence des réflexions de Guy Debord, Baudrillard, et d'autres auteurs qui ont abondamment critiqué la société de consommation. Mais les choses semblent aujourd'hui avoir évolué, non pas dans le sens où ces auteurs souhaitaient voir le monde s'épanouir ; notre société s'est depuis énormément complexifiée, les informations, les comportements, les individus se sont enchevêtrés de manière à nous laisser un monde pratiquement illisible dans sa globalité, et dans lequel chacun des individus appartenant à celle-ci est devenu une parole, une sphère possible de la réalité. Dans cette logique, la publicité, la création, l'apprentissage, la communication ne sont pas seulement des notions, mais plutôt une infinité de comportements tous différents. Il me semble que faire des généralités à propos d'un "peuple", d'une "masse" est tout simplement une idée, une manière de faire révolue, une fausse manuvre évidente, puisque le peuple explose en milliers d'individus farouchement différents (subsiste seulement l'appartenance à des groupes, il en existe des milliers; qui se ressemblent ou s'opposent...). Et lorsque l'on parle de l'autre, il s'agit d'un individu aussi intelligent que nous. Alors, le mouvement critique change la donne, nos réflexes critiques, je pense, doivent changer ! Comment, à nous de l'inventer. La critique doit être attentive à ces changements et se complexifier avec eux.
Subject : ironie
Date : 10/09/2000
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Ironie n'ignore pas que le monde est complexe, formé d'une multitude d'êtres différents qu'il ne faut sous aucun prétexte perturber ni provoquer. Nous acceptons la société de consommation comme le décor de nos vies... Notre critique est un sourire impuissant devant l'indestructible société consumériste... C'est pour cela que les mouvements sociaux, collectifs, nous semblent dérisoires... Utiles pour la conscience générale, ils construisent des remparts idéologiques contre le monde de l'argent omniprésent jusque dans les relations intimes. Ce que Godard analysait dès les années 60 se trouve vérifié à plus d'un titre. La prostitution a gagné toutes les couches de la société... Mais peut-être sommes-nous en train de globaliser ?
Votre critique d'Ironie porte le germe de la fin de la critique... A trop remarquer les différences souvent superficielles, les particularismes, l'esprit critique est alors réduit au silence, ou à des attaques ciblées de personnes. Ironie n'a jamais été un lieu de règlement de compte mesquin comme il en existe dans le milieu littéraire. L'idée de critiquer des groupes ou des êtres en particulier ressemble trop aux pratiques staliniennes de dénonciation. La transparence est une arme politique que nous trouvons dangereuse et facile... Les ennemis sont nommés, chacun reste sur ses positions. Tout le monde retrouve sa paroisse. Le dialogue est coupé...
La globalisation est un jeu de la critique, une provocation de l'esprit pour pousser à penser. C'est tout... Bien s÷r, tout le monde est différent. C'est un fait avéré. Et à cause de cela, nous devrions nous taire de peur de froisser une ˙me parmi la "masse"... Cette vue de l'esprit, dictée un temps soit peu par le politically correct (tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil), revient à l'aveu d'une défaite. Il faut mettre des pincettes à chaque mot, le travestir pour qu'il paraisse moins agressif :
Voyons, ne soyons pas sérieux... Jonglons avec les mots... La société, si complexe soit-elle, est si plate en fait, si insipide... Laissons la critique s'amuser, tricoter des généralités qu'elle juge néanmoins pertinentes... Au risque de vous décevoir, Ironie est plus complexe qu'un nid de globalités assénées contre la société de consommation... Notre utopie est celle de jouir au maximum des ressources de notre époque. Si pour cela, nous devons nager dans la masse et jouer à la bourse, nous n'y trouvons aucun désagrément... Le plaisir justifie les préliminaires !
Les bijoux soyeux hèlent des bisous joyeux |
Adrien Pwatt |
"La société Endemol Développement, qui avait racheté il y a un mois la société de production de Vincent Lagaf' (Le Bigdil sur TF1), vient de prendre 50% de celle de Karl Zéro, animateur du Vrai journal sur Canal+. Le capital de la Société du spectacle (la boîte de Karl Zéro porte en effet le nom du livre de Guy Debord, auteur culte de la chaîne cryptée) se répartit désormais entre Endemol Développement (50%), Karl Zéro (32,5%) et Michel Malaussena, producteur du Vrai journal (17,5%). Pour Axel Duroux, président d'Endemol Développment, "Cette association montre l'intérêt que le groupe porte à la production sous toutes ses formes et non pas seulement au domaine des variétés et du divertissement". Cette opération intervient alors que les grands groupes audiovisuels ratissent la France à la recherche de sociétés de producteurs. Endemol Développement est une filiale du néerlandais Endemol Entertainments, (contrôlé par l'espagnol Telefonica) qui possède de nombreuses sociétés de production et qui est à l'origine du show voyeuriste Big Brother." (voir le supplément IRONIE : TÉLÉVOLUTION)
Libération, 13/07/2000
"Du sourire
on passe au rire, mais seulement à partir de ce dernier au sourire ironique." "Tout passe en un clin d'il. Ironique." |
Stanislaw Jerzy Lee, Nouvelles pensées échevelées |
"Quel
banquet nous avons eu ! (Pourquoi, en effet, ne pas exciter tes regrets ?)
Que de plaisirs ! Chants, quolibets, beuveries jusqu'au chant des coqs, parfums,
couronnes, friandises. Nous étions allongées à l'ombre
des lauriers. Rien ne nous a manqué, excepté ta présence.
Nous avons déjà fait la fête souvent, mais rarement de
manière si plaisante. Ce qui nous a le plus amusées, c'est une
terrible compétition qui opposa Thryallis et Myrrhinè, à
propos de leurs fesses, pour savoir laquelle des deux pourrait montrer les
plus belles et les plus douces. Myrrhinè, d'abord, délia sa
ceinture (elle avait une petite tunique en soie); elle se trémoussa
sous la tunique et fit onduler ses hanches qui ballottaient comme du flan
au miel; elle se retournait pour regarder le mouvement de ses fesses et soupirait
doucement comme si elle était en train de faire l'amour - et moi, par
Aphrodite, j'étais toute troublée. Mais Thryallis ne s'avoua
pas vaincue; elle la surpassa même en indécence. "Je ne vais
pas lutter derrière un voile, dit-elle, ni faire la prude. Ce sera
comme au gymnase; la compétition ne souffre pas les feintes." Elle
quitta sa petite tunique et, creusant légèrement les reins :
"Regarde la couleur de ma peau, Myrrhinè, comme elle est fraîche,
pure, limpide ! et cette nuance rosée des hanches ! et la courbe des
cuisses, ni trop grasse, ni trop maigre ! et ces fossettes, au sommet !" Elle
ajouta, avec un petit sourire : "Et ça ne tremble pas comme celles
de Myrrhinè !" Elle remua les fesses en un déhanchement si ample,
les faisant tournoyer au dessus des reins, comme si elle ondulait, que nous
applaudîmes toutes et déclar˙mes que la victoire allait à
Thryallis. Il y eut aussi des comparaisons de hanches et des concours de seins
mais aucune de nous n'osa confronter son ventre à celui de Philouménè
: elle n'a pas eu d'enfant et elle est dans toute sa fraîcheur.
Nous avons donc veillé toute la nuit. Nous avons dit du mal de nos
amants, nous avons prié les dieux de nous en donner d'autres - un nouvel
amour est toujours plus agréable. Nous étions ivres quand nous
sommes parties."
Alciphron, Lettres de pêcheurs, de paysans, de parasites et d'hétaïres
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"Telle femme est belle, mais elle ne me plaît pas, est une phrase de tous les pays, dont l'usage fréquent montre assez qu'on n'est pas d'accord sur l'idée de la beauté; car qu'est-ce que la beauté qui ne plaît pas ? D'où viennent ces nombreuses contradictions, sinon du défaut de s'entendre ? Il suffit, pour les faire évanouir, de réduire l'expression de la beauté à ses plus simples termes. La beauté n'est selon nous que la manière d'être qui fait espérer la jouissance la plus délicieuse. C'est dans ce sens que la femme naturelle a de la beauté; c'est dans ce sens qu'on peut dire que toute femme fraîche, grande et forte est une belle femme." Choderlos de Laclos - Des femmes et de leur éducation
Les
publicitaires n'ont peur de rien, ce qui leur permettent de développer
des associations douteuses, une ironie de la communication qui sent le vinaigre.
Que propose Courbet avec cette femme riche en chair, néanmoins coquette
? Hors du bain frais, elle s'avance dans le décor vert, le bras en
proue, prenant une posture pudique devant les yeux de la forêt. A peine
suggérés, un sein discret mais ferme, et une perle à
l'oreille, indice précis d'une séduction heureuse, les bijoux
du jeu.
A côté, l'image vantée de la femme contemporaine, plaquée
sur du papier glacé. Le peintre PAO, maître anonyme du numérique,
a lissé le corps d'une même couleur fade. L'ombre courbe retouchée
gomme le moindre petit écart de la peau... Les seins se sont volatilisés,
jetés dans la poubelle de l'ordinateur.
D'un côté, nous avons le relief, la beauté en acte, la
perspective d'un instant volé; de l'autre, le corps figé d'une
beauté en logiciel, la platitude calculée des sensations.
Cette publicité qui mêle l'art à la technique pharmaceutique
vante les effets d'une crème contre la cellulite...
Li. D