IRONIE numéro 68 (Octobre 2001)
IRONIE
Interrogation Critique et Ludique
Parution et mise à jour irrégulières
> IRONIE numéro 68, Octobre 2001

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Supplément du numéro 68, La Follia



« Eh, la guerre, n'est-ce pas ? »
Antonin Artaud,
Pour en finir avec le jugement de Dieu

 L'obscénité de la guerre

« Si j'insiste sur l'aspect obscène de la guerre moderne, ce n'est pas seulement parce que je suis contre la guerre mais parce qu'il y a quelque chose dans les émotions ambivalentes qu'elle suscite qui permet mieux de cerner la nature de l'obscène. Rien ne serait considéré comme obscène, j'en ai l'intuition, si les hommes allaient jusqu'au bout de leurs plus intimes désirs. Ce que l'homme craint le plus, c'est d'être confronté avec la manifestation, orale ou effective, de ce qu'il a étranglé ou étouffé, refoulé, comme nous disons aujourd'hui, dans son inconscient. »

Henry Miller - L'obscénité et la loi de réflexion - 1953

 Quand le vit chante...


« A vos volgra metre lo veit que'm pent
E mos colhons desobre'l cul assire
Eu non o dic mais per ferir sovent,
Car en fotre ai mes tot mon albire,
Que'l veit chanta, quant el ve lo con rire
E per paor que no'i venga'l gelos,
Li met mon veit e retenc los colhos.
A vous je voudrais mettre mon vit qui pend,
Et asseoir mes couilles au-dessus de votre cul ;
Et je ne dis cela que par désir de tirer des coups souvent,
Car à foutre j'ai mis toute ma pensée.
Le vit ne chante-t-il pas quand il voit le con rire ?
Et par crainte que ne vienne le jaloux,
Je lui mets mon vit et je retiens mes couilles. »

 

Cobla obscène (Anonyme) - XIIIème siècle


 Rouler le monde

« Chéri, quelles farces m'as-tu racontées hier ! – Je ne cesse de rire en y pensant. Quels heureux moments je passe avec toi ! Nous restons ensemble quatre heures sans une ombre d'ennui et je te quitte toujours à contre-cœur. Mon petit pigeon chéri, je vous aime beaucoup ; tu es beau, intelligent, amusant. J'oublie le monde entier lorsque je suis avec toi. Je n'ai jamais été aussi heureuse que maintenant. Je cherche souvent à cacher mes sentiments, mais mon cœur trahit ma passion. Evidemment, il est trop plein, il déborde. Je ne t'ai pas écrit plus tôt car je me suis levée tard et je sais que tu es de service aujourd'hui. Adieu, mon ami, conduis-toi bien devant les gens pour que personne ne puisse se douter de ce qui se passe entre nous. Cela m'amuse beaucoup de rouler le monde. »

Catherine II de Russie au Prince Potemkine - Correspondance (1774)

Lacan/Heidegger

« Ce qui fait événement, c'est qu'il y a autre chose que le rien, autre chose que le lieu. Dans le domaine de l'Ereignis, l'éclair de l'inconscient nous arrête sur notre propre limite, celle de l'instant comme «  je suis ta vérité ». Parions toutefois que si cette limite nous est donnée par la langue elle-même, elle est aussi la bordure d'un espace infini en son intérieur, celui de la rencontre et de l'accueil, car cette occasion, en son temps propre, roule indéfiniment. »

(Anonymus Bosch)

Lacan

« car la véritable formule de l'athéisme n'est pas «  Dieu est mort », [...] <mais> « Dieu est inconscient »
(Séminaire XI, p 58)

« Vous avez là un accès rapide à la formulation que j'ai mise au premier plan, d'un mouvement du sujet qui ne s'ouvre que pour se refermer, en une certaine pulsation temporelle... »
(Séminaire XI, p 115)

« ... l'inconscient est ce qui se referme dès que ça s'est ouvert, selon une pulsation temporelle [...], l'inconscient est quelque chose de réservé, de refermé à l'intérieur, où nous avons, nous, à pénétrer du dehors. »
(Séminaire XI, p 131)

« Mon épreuve ne touche à l'être qu'à le faire naître de la faille que produit l'étant de se dire. [...] c'est ainsi que l'inconscient s'articule de ce qui de l'être vient au dire »
(Autres Ecrits, Radiophonie, p 426)

« Là où c'était à l'instant même, là où c'était pour un peu, entre cette extinction qui luit encore et cette éclosion qui achoppe, je peux venir à l'être de disparaître de mon dit »
(Ecrits, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l'inconscient freudien », p 801)

« Être de non-étant, c'est ainsi qu'advient je comme sujet qui se conjugue de la double aporie d'une subsistance véritable qui s'abolit de son savoir et d'un discours où c'est la mort qui soutient l'existence  »
(Ibid., p 802)

« Il n'y a de maître que le signifiant »
(Préface à l'édition des Ecrits en livre de poche)

« Je suis donc pour vous l'énigme de celle qui se dérobe aussitôt qu'apparue, hommes qui tant vous entendez à me dissimuler sous les oripeaux de vos convenances. Je n'en admets pas moins que votre embarras soit sincère, car même quand vous vous faîtes mes hérauts, vous ne valez pas plus à porter mes couleurs que ces habits qui sont les vôtres et pareils à vous-mêmes, fantômes que vous êtes. Où vais-je donc passée en vous, où étais-je avant ce passage ? Peut-être un jour vous le dirai-je ? Mais pour que vous me trouviez où je suis, je vais vous apprendre à quel signe me reconnaître. Hommes, écoutez, je vous en donne le secret. Moi, la vérité, je parle. »
(Ecrits, « la chose freudienne », p 408-409)

« Ce que l'expérience analytique nous permet d'énoncer, c'est bien plutôt la fonction limitée du désir. Le désir, plus que tout autre point de l'empan humain, rencontre quelque part sa limite.  »
(Séminaire XI, p 32)

« Or, si vous considérez le vase dans la perspective que j'ai promue d'abord, comme un objet fait pour représenter l'existence du vide au centre du réel qui s'appelle la chose, ce vide, tel qu'il se représente dans la représentation, se présente bien comme nihil, comme rien.  »
(Séminaire VII, p 146)

« Si vous voulez bien relire ce texte <la chose freudienne>, vous vous apercevrez que c'est essentiellement de la chose que je parle. J'en parle d'une façon qui est évidemment à la source du malaise incontestable que ce texte a produit alors, à savoir que c'est la chose que je fais parler. »
(Séminaire VII, p 158)

Heidegger

« Mais ce qui tout d'abord étonne, c'est toujours ceci : que l'être se dispense à nous en même temps qu'il nous dérobe son essence et que par ce retrait il la rende invisible »
(Le principe de raison, p 151)

« L'émergence comme telle, en toute circonstance, incline déjà à se fermer. C'est dans cette fermeture d'elle-même qu'elle demeure à l'abri [...]. C'est le se-cacher qui garantit son être au se-dévoiler. »
(Essais et conférences, Alèthéia, p 328)

« L'être s'évanouit dans l'Ereignis [...]. Temps et être advenus à eux-mêmes dans l'appropriement »
(Question III, Temps et être, p 222)

« Ainsi, le temps véritable fait-il son apparition comme le « il » que nous nommons en disant : « il y a l'être »
(Ibid., p 216)

« Par là, nous faisons déjà halte auprès de cette autre chose à laquelle il faut bien veiller, dès que l'alèthéia vient au langage comme désabritement. Ce que cette parole nomme n'est pas le grossier passe-partout qui ouvrirait toute énigme de la pensée, mais l'alèthéia est l'énigme même, l'affaire de la pensée. »
(Question I, Hegel et les Grecs, p 368)

« Les mortels sont les hommes. On les appelle mortels parce qu'ils peuvent mourir »
(Essais et conférences, Bâtir, habiter, penser, p 177)

« L'homme se comporte comme s'il était le maître du langage alors que c'est celui-ci qui le régente »

« Nous devons nous rappeler que l'alèthéia [...] se déploie évidemment pour l'homme, mais que l'homme reste déterminé par le logos »
(Question I, Hegel et les Grecs, p 371)

« L'être humain parle. Nous parlons en rêve. Nous parlons sans cesse, même quand nous ne proférons aucune parole, et que nous ne faisons qu'écouter ou lire ; nous parlons même si, n'écoutant plus vraiment, ni ne lisant, nous nous adonnons à un travail, ou bien nous abandonnons à ne rien faire. Constamment nous parlons, d'une manière ou d'une autre. »
(Acheminement vers la parole, la parole, p 13)

« « L'être pur et le Néant sont donc identiques ». Cette thèse de Hegel reste vraie. Être et Néant se composent réciproquement, non point parce que tous deux – envisagés par le concept hégélien de la pensée – concordent dans leur indétermination et leur immédiateté, mais parce que l'Être lui-mÁme est fini dans son essence et ne se révèle que dans la transcendance du Dasein qui, dans le néant, émerge hors de l'existant »
(Question I, Qu'est-ce que la métaphysique ?, p 69)

« Le Néant se dévoile dans l'angoisse »
(Ibid., p 60)

« Quand nous laissons la chose être en rassemblant, à partir du monde qui joue le jeu de miroir, nous pensons à la chose comme chose. Pensant à elle de cette manière, nous nous laissons approcher par l'être de la chose : par son être qui joue le jeu du monde. Pensant ainsi, nous sommes appelés par la chose en tant que chose. »
(Essais et conférences, La chose, p 216)


Savoir faire effondrer et Effrayer

« En toute chose il y a effondrement : la maison s'effondre, le corps s'effondre et un adversaire s'effondre. (...) Effrayer existe en toutes choses et signifie provoquer une frayeur par surprise.
Dans la tactique de masse effrayer des ennemis ne consiste pas uniquement à le faire visuellement car on peut effrayer des ennemis par un bruit, ou bien en leur faisant croire que le petit nombre de combattants dont on dispose est plus important qu'il n'est en réalité, ou bien en les effrayant par une attaque surprise de côté. (...) Sachez saisir le rythme de la frayeur de vos ennemis et parvenez à la victoire grâce à cet avantage. »

Miyamoto Musashi - Traité des cinq roues - XVIIème siècle

Détour

« Foule invisible sanglots rumeurs
Nous assistons à la lutte de la lance et de l'étincelle
Qu'est-ce qui brûle ici dans les écroulements de murailles
Romans interrompus Commerces
Les ombres et le feu raturent les raisons sociales (...)
Est-ce que tout sera toujours un spectacle
Et seulement un spectacle
Un spectacle O témoins aveugles une histoire à raconter plus tard
Quand depuis longtemps les ruines seront abattues la maison reconstruite »

Louis Aragon

In God « We » Trust

Photo D.R.

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