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Lire aussi [Corps-Texte] 1, [Corps-Texte] 2, [Corps-Texte] 3 & 4 et [Corps-Texte] 6
J’ai croisé une ancienne amie, salope suprême et vieille fille sans vergogne, douce et maigre en ses habits de pleureuse – il arrive que les blessures s’enchaînent – alors qu’Henriette sur son lit dévêtue, un livre à la main, a toujours le rire en écharpe, et les souvenirs aux orties – elle est la volup/tueuse, la gourmande en amour.
Camden Lock : promenade le long du canal, à contre-courant vers un soleil capuccino – Savoy Hotel plus tard face à la Tamise soleil de printemps – les lords à côté lisent le Sunday Telegraph – le monde tourne et les lords le regardent tourner de cette terrasse comme ils regardent la grande roue des loisirs populaires, assis dans un palace tamisé à lire un journal insignifiant – avec Lydie, le jeu aime le luxe – Big Fishes eat little ones, signed and dated 1557, Peter van der Heyden (1530-1575), d’après Bruegel, la bouche du poisson comme une huître sauvage – au même instant, El Greco in London : superbe bois bombé vénitien – la robe rouge du Christ et le ciel iceberg – he has inserted portraits of Titian, Michelangelo and Raphaël – la danse du Christ, la flagellation purification à l’envers, le bleu métal de Marie – Madeleine en pénitence – pleurs de crânes, vase vide – variations autour du gris bleu – verbe sans blessure – déchirure orange le nom Jaune Citron (J.C.) et l’enfer évident dans la gueule du monstre – des lys et des pivoines surgissent, anges et Marie, Saint Esprit en émanation, parfums des fleurs au ciel avec contrebasse – musique éclair – Visitation bleu vert glacé du rêve maman – la caresse des époux – la dame à la fourrure avec le voile comme fard – et la beauté du frère, l’index dans la fente du Livre comme chez Bronzino – la pénétration au cœur du texte.
Corps-Texte enregistre les instants de vraie liberté et en contrepoint noir les terreurs appliquées de l’humanité chétive.
Pas besoin de salmigondis salsiffis bigoudis pour être un corps singulier de la langue – et pourtant par moment explosion baroque du texte – j’ai sur ma table du Lutèce : Le mérite des femmes de Moderata Fonte, les Propos de table de Coleridge et l’anonyme Cathéchisme libertin de 1791 – le code des textes en formation est une horde de clés secrètes ordalie lie des jours – le cœur de la langue.
Nuages sur les cités – rectangles blancs sur fond gris – ça se déverse humains en cascade – une foule houle brutale – pousse-toi, dare-dare, gare à toi – valises voyages piétinements successifs – dépêche-toi, cours, tu vas le rater – les aiguilleurs, les réseaux ne se préoccupent jamais de ton retard, de ta brouille hasardeuse avec le temps des machines – la masse est une armée inconsciente, perdue, déconstruite par le refus de la passion – en avant toujours les sacs en bandoulière, les provisions prêtes – une vacuité de l’espace ressentie comme hostile à une nouvelle disposition du plan – une proposition poétique du temps qui renverserait la crise du lieu vécu – dénicher déjà les décors favorables au déploiement illimité de passions inédites.
Projet de performance : l’histoire de l’art en 24 heures – conférence dépense – de l’enseignement comme l’un des beaux-arts.
La mort soude – petite morsure du temps qui raccorde les perdus – comme la souffrance, comme la douleur, comme la maladie, comme les accidents, les soudures s’opèrent de visu, même si au fond le reste est faux – la soudure instinctive de l’humain en danger – certains en jouent – plaintes à répétitions, pleurs au téléphone, petits bébés en souffrance de l’enfance – ils n’ont pas vu venir la jeunesse calfeutrée dans la dépression pour les câlins papa maman – tous occupés à culpabiliser l’entourage dans une emprise agressive sans borne. Autre temps – je suis dans un autre Paris – j’ai seize ans – la haie d’arbustes dissimule sur le quai Notre-Dame – la bouteille de Get 27 pour une partie de la nuit à lire près de l’eau, à converser hors temps du temps en train de se jouer, des textes en présence, de nos corps amoureux et ivres, prêt à glisser dans la Seine ouverte – parce que tout est jeu Montesquieu – déjà l’idée que le texte est en nous, qu’il ne quittera pas nos corps en révolte belle – mais un jour l’un de nous s’est noyé, très écorché, saint Sébastien aux hospices. Maintenant, là, un petit bateau fend les eaux du port de l’Arsenal – sa fumée est effet d’orgue – j’entends un air révolutionnaire.
Le monde est pris en otage – à nous de le révéler et de prouver l’inanité de ses ravisseurs à tête d’ogres.
Aujourd’hui les voyages forment la vieillesse – on joue à se faire peur – expédition safari – et, sur la saleté des autres lieux, les pauvretés étalées mises en scène on verse sa larme Versailles – surtout ne pas succomber, éviter les voleurs, les avides sur les chemins obscurs déterminés à dépouiller les riches de passage – on entend fort les animaux sauvages – la nuit est scorpion vipère tarentule et le réveil est Land-Rover camescope numérique – galerie marchande – nouvelle dérive de la consommation forcée – le plouc est roi, j’y reviendrai en détail, et son environnement s’appelle design écolo ou fashion bonbon – les grands magasins Haussmann dessinent les nouveaux espaces urbains – carte bleue du ciel cash – le fluo est la couleur monde marchand, le végétal lumière vivace. J’ai vu les accumulations d’autoportraits au XXe siècle, musée du Luxembourg – des malaises mêlés d’horreurs – peu de fulgurance à part peut-être les dessins de Giacometti, de Matisse – la réflexion au XXe siècle est laide et sérieuse – des « moi » peu sûrs, photomatons du sinistre en peinture excepté la signature chèque en blanc de Duchamp en 1964, exacte surprise de la dérision – le reste est grenier des particuliers, caves des musées, salle Drouot poussière, à vendre au plus offrant pour bourgeois collectionneur – Tout doit disparaître.
Cette nuit, des oiseaux dans les parkings – ivre vers la voiture, les haut-parleurs sur des pylônes perchés diffusent l’ambiance campagne en plein béton – ce spectacle est l’indice le plus parfait de nos sociétés téléguidées – les voitures rossignols du bitume chantent dans les sous-sols des villes.
Sache qu’un jour nous redeviendrons amants – je n’ai pas perdu Molly – j’ai la mémoire qui tranche – qui peut dire avec précision ce qu’il a vécu ce jour pile il y a un an ? – qu’avez-vous fait le 16 avril 2003 ? – quelles sensations avez-vous en mémoire ? – qui peut le dire à votre place ? – et il y a deux ans ? – et plus loin encore dans le temps ? Sous un soleil plus chaud – après avoir flâné dans les îles éoliennes Lipari Vulcano Stromboli Salina – procession ludique de la Passion – nous sommes chez Angelo – nous nous baignons à Fontane Bianchi – le printemps à Syracuse – les citrons rugueux de Ragusa – et les théâtres grecs – je lisais Pindare.
Six heures du matin, Paris – chaque jour son lot d’agressions – rappel des douleurs alors même que la joie est là – faits vicieux des sorcières – tu verras plus tard, tu vas souffrir – vous êtes naïfs mes oiseaux de paradis – la vie est essentiellement douleur de vivre – peu de parole autre engage vraiment à la joie – pour cela lisez plutôt Spinoza – évitez les dires fielleux de votre entourage – soyez intransigeant – faites-leur sentir le noir sur leurs lèvres, la violence de leurs yeux – usez juste d’un sourire par delà parce ce vous êtes déjà trop loin d’eux – on a la vive impression que des paroles de joie leur arrachent le cœur – c’est les rancœurs à la place – harpies projetées qui veulent en fin de compte assombrir la joie, la détruire dans l’œuf – saletés amères – una cantata da camera de Vivaldi : singulière façon de l’instant à ramasser le néant pour mieux s’en débarrasser.
Sangs – urines – pleurs – son lot d’animal hôpital – hyènes et haines : chercher la faille sous l’écorce, faire saigner le marronnier – saisir la fragilité des autres, la mettre à nu avec un sadisme régulier – pour mieux jouir ensuite de sa force feinte, masque agressif des gros sabots psychiques, voie sans issue des morts vivants pour lesquels ce livre se doit d’être un poison définitif – l’écorce est ce qui préserve les fragilités indicibles, donc les richesses du secret – mais aujourd’hui, le temps est aux impudeurs placardées puritaines et morales donc à la mise à sac de l’intimité – et les attaques répétées de ces hordes hideuses sont le rappel évident de leur pauvreté existentielle, de leur néant interne – pour eux tout doit être montré pour y voir de l’humain, action perverse de la bonne conscience apparente – alors que tout doit être caché, encore plus de nos jours, le cortex étincelant à la barbe des envieux vampires – car là réside la richesse toute subtile des êtres – le temps d’amour est court – il faut être là – nous nous sommes embrassés cette nuit avec l’idée d’en finir avec les crapaux – ce baiser était une volupté rentrée de joies à venir – silence – grand silence bardé de cris – peintures de Bacon.
Leçons en enfer – les nuits roumaines à Paris aux abords du bois – des satyres, des ministres, des gens bien qu’ils disent – des véreux de la queue, des plastronnants au balcon des fantasmes, à la cave des pouvoirs.
Elle déboutonne son gilet – allume une cigarette – son sourire n’a rien d’une madone des cafés – rencontre de filles ce jour de soleil – rires cigarettes baisers – et elles se toisent les fringues – le plaisir de l’apparence et le jugement publicitaire de l’image sont tus – t’as minci chérie – t’as grossi ma belle – les seins se gonflent, se dégonflent – il faut souvent changer de fringues, fringales en consommation tissus – et les mocassins dans la vitrine pas loin – elles ne parlent que d’achats, d’argent, de prix – voix de crécelles têtes d’oiseau, cuicui juste prix – elles comparent les victimes les chemisiers – il faut penser aussi aux maris – les belles chemises repassées du week-end – l’esthétique décontractée – portées ouvertes lors des promenades châteaux Ile-de-France – elles n’ont pas vu venir le pire, la vacuicuité totale de leurs vies pré/occupées – elles font les dégoûtées faciles pur jus magazines people. Plus loin, dans un décor misère, j’entends la violence – un mec revendique la polygamie et expose ses idées à sa copine de Mac’do – bien sûr qu’il faut frapper les femmes – c’est sain – le prophète l’a dit l’a fait le prône – moi, si ma femme me trompe, elle aura la raclée de sa vie – tu sais jeune fille au moins à quoi t’attendre – elle le regarde – elle dit oui avec la tête – elle soutient terreur des banlieues son bourreau.
Nymphettes aux doigts d’encre, le jaune sur la toile, le trou dans la jupe – masse seins exposition oiseuse – culs en ronde bosse – femmes bouches bées en acceptations vicieuses.
Un anthropologue des média : « manifestations – rituels médiatiques des démonstrations publiques – écritures de l’événement chorégraphique de la ville – structure du ballet révolutionnaire – signes de danse – rhétoriques des grèves – langage dramaturgie des impulsions théâtrales de l’espace public – événements terroristes publics – analyser le langage des terreurs – la question de la cérémonie » – il parle d’événements expressifs – du conflit au consensus – la carte du dispositif – éviter la sidération mais se risquer à la traiter – la décrypter – il faut partir du texte – et les masses corps des réceptifs – le public acteur de l’événement qui entre en scène parfois dans la dramaturgie – l’audience – les acteurs anonymes de l’événement médiatique : « peut-on dissocier la voix des journalistes de celui du public – corps à deux voix de l’opinion filmée – peut-on démêler ces voix ? qui parle ? qui parle de qui ? – l’anthropologie du banal et l’exceptionnel en rituel communication – approche fonctionnelle, symbolique et approche compositionnelle du rituel – quel corps dans le rituel des images ? quelle grammaire du texte collectif des cérémonies – les rituels conflictuels deviennent souvent consensuels – le consensus est souvent une manifestation d’un conflit masqué – herméneutique du soupçon – attention à ne pas trop conflictualiser car les conflits fondamentaux nous échappent à cause d’une banalisation de la rhétorique du conflit – nous ne sommes plus dans la résolution des conflits – à cause du terrorisme, de la violence rituelle publique – qu’y a-t-il sur nos écrans ? – les manifestations aujourd’hui sont parfois des ordres – combats de coqs féroces – certains événements sont des discours, des mascarades, des carnavals, embrassades de tapis, le mauvais théâtre de la communication – l’ordre de la gesticulation peut-il être autre chose qu’un jeu superficiel ? qui décide ? qui valide ? – et les cerbères pointent leurs nez – événements profonds ou superficiels ? avons-nous à faire à des pseudo-événements ? – où a lieu l’événement ? – dans quelle sphère ? – Daniel Pearl meurt au Pakistan mais l’événement symbolique a lieu dans divers centres – à chacun son 11 septembre 2001 – tout événement symbolique est un pseudo-événement (degré zéro de l’événement) qui peut devenir véritable, authentique – mais attention aux événements validés et détournés au profit de manipulations » – Ce soir le discours est brechtien avec un désir déontologie idéale contre l’imposture avérée – reconstruire une déontologie sur les actes de parole – des textes en corps – une journaliste prend la parole jolie brune : « je suis terre à terre – agenda settings – je ne réfléchis pas autant aux événements, je les filme et les commente » – le pouvoir, c’est l’écriture de l’aléatoire – en quoi consiste la spontanéité ? un instrument du pouvoir en images montées – elle continue : « l’attentat nous tombe dessus – tout acte terroriste est un grand événement – toute rédaction ne croit pas aux pseudo-événements – tout acte sortant des horaires réguliers est un événement – c’est nos critères de sélection comme la viande certifiée conforme » – l’information, c’est le bon sens chez vous – les journaux télévisés sont des compositions d’affects, des composés d’irrégularités choisies.
Les exactions se multiplient – les sadismes s’organisent en photo-maton de l’horreur – la pisse sur ta gueule d’arabe – tes couilles branchées à vif sur le jus de la caserne provisoire – c’est bien salauds ou les 120 journées de Saddam – show room must go on – à lire Guyotat Artaud Genet – et sur un autre registre Alleg, la question de la question – dans le même temps le virus « Sasser » Masoch distille ses déconnexions subites – écrans noirs de l’impuissance devant le ver néant d’un pirate du web – l’île de la Tortue est nulle part et les programmes pervers naissent d’un non-lieu crypté.
Les détours de l’amour – textes vivants – essence des verbes – les jambes blanches du bus – la mythologie de l’éclipse – la nuit du discernement.
L’affolement des gares – la panique des trains en attente bondés – la course du jour se fait de plus en plus trépidante – après une ivresse de soleil à La Ciotat, le scintillement au hasard des rayons – la mer comme une fiancée renouvelée, échevelée de logiques douces.
Les sybilles des cités sont des Judith – dans leurs yeux et leurs bijoux clinquants, le brillant de la lame, l’acier ciselé de l’épée – mais les breloques tombent très vite en chute épaisse sur coussins maman je t’adore et nounours peluche aussi – la lame est fausse aux amours tremblantes – le cœur s’abat en oraisons cinabre d’orient bouclé en baisers virils – les bouches des femmes invitent.
Ripostes en spirale – hommes frappés égorgés – les cagoules les vidéos les messages – les humiliations vers les décapités – les capitulations sanglantes de la terreur en image – le devenir snuff movie du monde – les spectateurs en otages permanents des crimes.
Jour de feu – femmes libres aux pieds des bureaux Bercy-Bibliothèque – des lèvres comme dans un film abrupt.
Toute la nuit dans la voiture, variations paradis – voix voyage vers le soleil.
Nous sommes parvenus à un monde de parvenus – venus par orgueil, venus par l’argent, pure surface narcissique de l’arrivisme mimétique – j’amasse, donc je suis – une caste à part venue de la méritocratie pécunière, d’un monde de faux-semblants où les objets – maison voiture cuisine piscine – ont été payés par un labeur d’esclave quotidien où tout est compté – leur monde est toujours propre, lessivé, insignifiant, plat, sans relief, l’anus nettoyé au karcher. « Tiens me revoilà là et là encore là et là et puis là bandes dessinées bulles zooms lueurs dans les cendres décidément j’en ai plein la tête de cette planète elle poursuit en moi ses canaux ses fêtes elle me vit sans moi partout malgré moi je vais vous dire pourquoi ils sont bouclés et bâclés pourquoi ils n’entendent pas n’écoutent pas ce qu’ils voient toute leur attention se concentre sur leur trou fécal ampoulé c’est la clé de leur vigilance leur centrale électricité peur et désir et peur et désir et peur et désir d’être pénétrés ils sont fixés là c’est noué et finalement ils ne pensent qu’à ça ne redoutent que ça n’attendent que ça terriblement assis sur la chose incontestablement indubitablement viscéralement politiquement gérants crispés inconsciemment sur trou-chose question vie-mort merde en chose passion rivée du rejet or en vérité cette surveillance leur demande beaucoup d’efforts toujours plus d’efforts encore un peu plus d’efforts mobilisation rétention appétit pulsant sa ration chasse aux papillons chefs rayons parachutes cloaques maisons avec par-devant en haut toujours la façade policé codé ou alors paillard égrillard braillard les dames par-ci les messieurs par-là et les dames poinçonnant l’effet monsieur sur monsieur et monsieur hanté par monsieur parlant d’autre chose ou du truc monsieur le tout circulant gentiment dans le démoniaque lequel n’est pas ce qu’on croit mais seulement l’anus mis en croix c’est-à-dire vraiment l’obsession foncière rond-de-cuir à nu battant des paupières le panneau anal pédiqué pinière la moelle de tous les combats en conséquence comment voulez-vous qu’ils montent jusqu’à leurs oreilles comment voulez-vous qu’ils veillent on n’a rien sans rien ici-bas et eux leur trafic c’est de haut en bas prélever sur l’air des tympans et descendre ouater le pan-pan dédouaner l’écoute et foncer sur proute se délecter choute et moumoute en soignant broutant l’enrobant leur angoisse est là les renflant poire d’ève symétrique pommée gorge adam comment leur demander d’entendre et encore plus de s’entendre c’est perdu d’avance c’est brutalisant ils tiennent à leur viol de base ils veulent mordicus et rectalitus leur cloison bourdon fessafond l’axe chaud rugueux suintant leurs rognons d’agnons bien cotons leur couchure musquée à carbure bref leur vie ce qu’ils appellent leur vie les ordures petit sourire con qui dit long tout ça pour répéter qu’ils sont enfournés au cadavre qu’ils y croient en fer au cadavre. »
La peur de la pénurie mène le monde du calcul – bientôt plus d’eau potable bientôt plus de pétrole bientôt plus d’uranium bientôt plus de forêt plus de bois de charbon – bientôt la fin des stocks, liquidation totale de la table de Mendeleïev – les matières premières fécales du fonctionnement rouages s’épuisent inévitablement – le monde a bien une fin, le soleil va mourir, nous martèlent certains scientifiques avertis par chiffres expertisés à l’appui – alors faut pas lâcher le morceau d’énergie le gisement guerre, les amis marionnettes des pays du sous-sol – les strates géologiques, les strates d’or, d’argent, de nickel, de cobalt, de manganèse, de fer, sont pillées continuellement et l’homme ne comprend pas qu’un jour il n’y en aura plus – il ne se résigne pas, il y croit dur comme fer, à l’éternité des biens sous-terre – la terre doit devenir un gruyère – il faut aller voler vers Mars, la Lune, investir d’autres lieux dans les cieux – il nous faut de l’énergie toujours plus d’énergie – on a peur de manquer, gaspilleur patenté, producteur de déchets cacas en grande quantité – le monde consommation infinie finira par boucher les chiottes et tout remontera à la surface – voyez déjà les océans et les décharges – le recyclage retour du caca dans la machine à faire consommer aura de beaux restes – même en art le belge Delvoye et sa machine à faire de la merdre, la belle Cloaca. Je suis à Bergamo, soleil de mai – hier le vin lombard, terrasse sur les Alpes.
À nouveau dans les images poussières le monde torture chaque jour avec son lot infernal : « mon papa mettait son zizi dans ma bouche, dans mes fesses, il me faisait manger mon caca (…) Les femmes c’est différent. Elles faisaient comme ma mère. Elles utilisaient des tournevis, des marteaux. » – faucilles et marteaux, communisme du sexe – bricolage inceste, la mécanique pédophile en travaux – Sade, c’est vraiment toi – ça se sent, ça se sent que c’est Sade, ça se sent, et rien d’autre que toi ahah et rien d’autre que toi. Dans les eaux chaudes de Simeone sur le lac de Garde – soleil voilé sur les termes – temps en liberté nue sous les jets de soufre devant l’espace du lac arrêté – ce soir mon corps et mon texte en écoute du corps piazza dei Signori à Vicenza – les aboiements des chiens résonnent théâtre – seul le décor.
Vicenza – une jeune fille lit à l’étage – le soleil est été bleu et le marché aux fripes autour des monuments – les femmes fouillent les monceaux de vêtements frénésie coton – plaisirs des couleurs et du toucher – cappuccino sur nappe blanche – « À l’une des tables, Est, après l’As de Trèfle, contre-attaqua Carreau. Sud mit l’As puis joua la Dame de Cœur (qu’Est a laissé passer) et continua Cœur. » – elle est absente – noces froides de la pluie.
Padoue, Venise pas loin – ici l’amante à la croisée de la via Dante et de la via San Fermo : « Da questa torre Galileo molta via cieli svelo à la Porta di Ponte Molino » – le train file vers la lagune – un train toutes les trente minutes – Santa Lucia retrouve ses yeux d’amoureuse – sensations de noces à Venise – Prières à San Simeone e Profeta – Santa Maria Madre de Dio – foi libre du désir – dehors les cris photos des scouts du monde – dedans silence des cierges en éveil – le voyage et la fête de la foi – les colonnes sont habillées de soie rouge damassée de fleurs – la Cène du Tintoret reste dans l’ombre à gauche de l’entrée comme une bénédiction – son secret est d’être encore là cachée comme cette Cène à Paris toujours dans la sacristie de l’église Saint François-Xavier – et en sortant, je retrouve mes pas dans ce quartier peu visité de la cité entre la gare et le marché aux poissons – nuages et lumières campo San Cassiano – au retour, le soleil se couche sur Padoue – que lit-on dans le monde ? une mystérieuse secte se réunit à Paris près du Jardin du Luxembourg avec le philosophe Michel Onfray : « L’Union des Athées » – l’union déjà est religion et les athées proclament le radical avènement du rien.
Elle dort d’un sommeil panthère sur les bords de la Brenta – hier lune et étoiles dans le ciel orient de Padoue sul il Palazzo della Ragione – les étudiants finissent l’année un verre de prosecco à la main – jeu des baisers – viens l’été.
Crémone ferveur Pentecôte – veille et danse renaissance, applaudissements prières et le cadran du temps lunaire aux signes étoilés du zodiaque – souffles amoureux – remercions le ciel de cette journée, de ce matin lumière.
Paris – le voyage n’est jamais mis en parenthèse – il est sans ponctuation, libre de possibilités – l’Italie, dès que possible j’y retourne en amoureux, par goût.
La philosophie entretient un étrange commerce avec Mallarmé – aujourd’hui jour soleil à Paris – vélo vers la Seine – echos of mirrors – je me souviens l’été ce matelas sous la charpente de la Sainte Chapelle – les amours guidées sous les carillons – et respirer ensuite dos aux gargouilles l’air des hauteurs les torses nus sur la flèche – girouettes érotiques.
La planète Vénus passe entre le soleil et la terre – un grain de beauté au soleil.
Jeunesse délicatesse tresses fesses – promesses ivresses liesses – les exemples seront saupoudrés avec tact – caresser un livre : polir un joyau de la main.
Le Mistral est un café béni des dieux – jeunes filles alertes – allez-y – aux bords des quais ville ouverte vers la pointe de la Cité et la miss Eiffel en hic – les théâtres opéra danse et le ballet mécanique incessant de Paris – le corps s’écrit en texte inattendu – laissez venir à moi les petits cris de joie glissades des mains – rendre au monde son énigme par la simplicité d’un geste.
Hier soir, champagne à trois – vins sourires des deux filles – plaisirs des conversations ludiques en yeux rapides de plaire – l’imprévu au cœur du texte – le XVIIIe siècle redeviendra à la mode – les femmes seront prêtes à jouer le jeu des séductions historiettes – le temps est trop court pour laisser filer les occasions de jouir – les espaces hors culpabilité régression lait tendresse seront devenus bosquets à nouveau, toujours en secret des jalousies idiotes – les femmes mèneront la danse car elles en meurent d’envie et il faudra être là royal au rendez-vous, joueur – les lettres ne resteront plus lettres mortes de l’idéal – le phallus sera au pied du mur mûr – et continuer de rire avec elles.
« Le tâtonnement-œuvre par excellence de la main » – « trop de tentations malgré moi me caressent ».
Lionel Dax
Arthur Cravan : ce nom est plus apte que tout autre à nous restituer la lumière propre aux années 1910 à 1915 en France, en Espagne, en Amérique, telle qu’elle fuse à la pointe de l’avant-garde artistique. C’est l’époque héroïque des luttes autour du cubisme et du futurisme, de l’orphisme, des conceptions les plus aventureuses de l’art et de la vie. Apollinaire, Picasso, Duchamp, Picabia, Cravan tiennent la scène. Ce dernier, d’ailleurs en conflit permanent avec les précédents, se montre d’une intransigeance particulière. En lui s’accomplit sans compromis la volonté de Rimbaud : « Il faut être absolument moderne. » Cette volonté trouve son expression quintessenciée dans la petite revue Maintenant – aujourd’hui introuvable – dont Cravan est le seul rédacteur. Son action, durant ces quelques années, se développe dans une atmosphère d’absolue irrévérence, de provocation et de scandale, qui annonce « Dada ». Cravan meurt assassiné en 1918 au Mexique. Nous devons à Mme Mina Loy la communication des très importantes NOTES inédites dont nous commençons ici la publication. Indépendamment du grand intérêt historique qu’elles présentent, les connaisseurs respireront dans ces pages le climat du pur génie, du génie à l’état brut. Longtemps, les poètes reviendront y boire comme à une source.
André Breton
Car si j’avais su le latin à dix-huit ans je serais empereur – Quel
est le plus néfaste : le climat du Congo ou le génie ? – les
plants de (carottes) en forme de tombeau – la pensée sort
du feu – étoiles, désespoir du poète et du
mathématicien – le plus vierge et plus furieux – à un
homme discipliné ne suffit-il pas, comme changement dans sa vie, de
s’asseoir une fois par mois à l’autre bout de sa table
d’étude ? – j’ai pensé un instant à signer
Arthur I – Je me lève avec les laitiers – dans
mes tours de verdure – chair des chiens – gelée
blanche, frimas, givre – ô mon cœur ! ô mon
front ! (ô mes veines) ! celui de nous deux qui a le plus
vif argent dans les veines (vérole) – j’ai passé ma
langue sur leurs yeux2
(les femmes) – la
lune buvait, la mer était… la
lune dorée – je mangerais ma merde – la Tour
Eiffel plus douce qu’une fougère – on sent bien que
l’instrument est là (en parlant du cœur) – forêt
et scierie – énergie – et de la poussière
d’empereurs3 j’en ai eu dans
les yeux – je ne tolère
pas qu’on marche sur l’ongle de mon orteil – l’air
porte déjà nos membres (aviation) – si je pouvais
aller l’amble – l’heure sérieuse (le soir) – la
mer aux cheveux bleus – la gloire du diamant est au-dessus… – flotte
mon bleu veston (bleu) – le mouvement des brumes – j’ai
rêvé d’être assez grand pour fonder et former à moi
seul une république – j’ai rêvé d’un
lit qui flotterait sur l’eau et plus vulgairement de dormir sur des
tigres – je fréquente les sentiers – je suivais
le mouvement des brumes sur le théâtre des plaines et des vallées
où les plants en rectangle de raves et de choux formaient comme de
vastes tombeaux – électrosémaphore – je
regardais la mer de vingt mètres de hauteur – les
4 secouer leur torpeur – mon âme… stationne
sur les trottoirs – au
romanesque aussi du caractère anglais – les télégrammes – l’eau
bleue de la pluie, l’averse – les coccinelles poudreuses
des musées – il neige sur les bancs vides – les
plus grands monuments font le plus de poussière – tous
ces fruits promis à l’automne – tout ce qui brille
au printemps est promis à l’hiver – le soleil d’argent
de l’hiver – Canada, je sais que tu es vert – et
faire un tour dans les bois ! – le vent soulève la
poussière des Césars – que suis-je, où sont… et
mes livres d’amour ? le navire universel – renouvelle
les roses – (à propos de la guerre) j’aurais eu honte
de me laisser entraîner par l’Europe – qu’elle
meure, je n’ai pas le temps – loin de mes frères
et loin des ballons – j’aime, sa manière d’aujourd’hui
est pleine de génie, quant à sa manière d’hier
je la trouve visionnaire, quant à celle d’avant-hier… – j’aime
en moi… j’ai vingt pays dans ma mémoire et je traîne
en mon âme les couleurs de cent villes – le rossignol persan
qui siffle pour sa rose – sur les vaisseaux d’Asie et les
doux éléphants – ma plume palpite et frémit – je
suis toujours ému – il y a danger pour le corps à lire
mes livres – soupireront la majorité des femmes – cerveau
gras, esprit qui raie le verre – mes pensées comme des
boas – nous, les modernes, ce que nous avons dans le cœur
ferait sauter un fort – le soleil rougit la Russie – la
lampe sublime du soleil – régions pétrolifères – et
toutes les étoiles tournent et roulent sans bruit de transmission – que
je vole aussi loin en suivant vos vestiges – suis-je quelque part – retiré sous
(au) dans mes tours de verdure – les astres roulant chantent comme
une limousine – je me retire dans les fougères – au
pied des pins – que ne suis-je aux champs ! – … et
je viens à toi sur un beau transatlantique – Jusques à quand ?
Jusqu'à quand tarderai-je à… ? – les
fantômes des gares – embouchure – loin des ballons,
viril5 – colon – l’esprit d’indépendance – compte
courant – enthousiasme – adieu chaleur de mes vingt
ans ! pendant la belle saison – nickel –
L’ennui – dédore mes cellules – Les folies
de la lune excentrique d’avril – Grand garçon – mes
cheveux blonds, colon, loin de ballons – établi
sous les planches – Dans le blond Maryland et loin des ballons à mon
auriculaire – je respire à outrance également (aussi) étoffe – mon
cœur, prenons un galop – je sens nager les vers dans mon
cerveau mouillé – je suis ruiné, la fantaisie, la
folie a perdu son danseur – chenapan – tempérament – Honnête
je sais l’être et voleur je le suis – Mon cœur,
prenons un galop, je serai millionnaire – Je me lève londonien
et me couche asiatique – londonien, monocle – fureur
et furie – ô, vous qui m’avez connu suivez-moi dans
la vie – Le vent me stimule – je suis un nerveux – J’ai
remis6 ma ceinture de scrupuleux, je me destine à la
vie, je suis musclé – renflements – salons
aristocratiques – les vases et les médailles – le
grec – principalement – prétuberculeux – j’ai été aussi
le poète des destins – arcs voltaïques – l’espace
interdigital – rosiers multiflores – échantillons – quantité7 – chambre,
vase de l’air, de l’atmosphère, de l’oxygène
enivrant – riche et pauvre, l’argent m’a fait goûter
l’ennui rare et le frais désir – je traîne
en mon âme des amas de locomotives, de colonnes brisées, de
ferrailles – pseudo-Lloyd, plume d’or – soi-disant – les
yeux en coulisse – le blé vide lève la tête,
Napoléon baisse la sienne – voici l’enfant, l’homme
et la femme en… – heureux d’être né – heureux
par nécessité biologique – Victor Hugo, la plus
grande machine à faire des vers du XIXe siècle – jeté sur
la côte du Japon – l’éphémère
en moi a des racines profondes – le maigre et le gras se
disputent en moi – Seigneur, la chasteté nous use – haleine
du printemps, je te respire comme une baleine – quand je vois
quelqu’un de mieux habillé que moi je suis scandalisé – apprenez-moi
où vous dormez que je vole aussi loin en suivant vos vestiges – les
reines de l’aquarium (poissons) – que la neige est belle,
le bon Dieu ne s’est pas moqué de nous – double-cœur,
quadruple cerveau, colosse rose et miroir du monde et machine à faire
des vers – mes jours de nageur – les cubistes en peignant
ne risquent pas de mettre le feu à leurs toiles – assis
comme un joueur de guitare – je suis brute à me donner
un coup de poing dans les dents et subtil jusqu’à la neurasthénie – homme,
vieillard, jeune fille, enfant et bébé – abstrait
et polisson – je parie qu’il ne saurait se présenter
un Chilien ou un Obokien qui puisse me dire : « Grâce à la
couleur de ma peau et à ma taille j’ai senti une fois quelque
chose que vous n’avez pas senti » – Qu’il
vienne celui qui se dit semblable à moi que je lui crache à la
gueule – mon art qui est le plus difficile puisque je l’adore
et que je lui chie dessus – yeux de femme, cou de taureau – grand
déferré – vipère et chou – ses
dents réparées brillaient dans sa bouche comme des statues
d’or – Les lions sont morts… – et quand
bien même je te donnerais des ascenseurs d’or – rhinocéros,
grosses chaudières, mes frères en épaisseur – quand
le soleil meurt dans les bois – C’est moi le fou des fous – et
je te regarde tous ces spécialistes – mon Dieu ! quand
je pense que j’ai trente ans je deviens sauvage – j’aime
le lit car c’est le seul endroit où comme le chat je puis faire
le mort en respirant tout en étant vivant – quand j’ai
fait la noce j’entends la voix des dictionnaires… – si
toutes les locomotives du monde se mettaient à siffler ensemble elles
ne pourraient pas exprimer ma détresse – je suis peut-être
le roi des ratés, car je suis sûrement le roi de quelque chose – le
même et changeant – je passe de… aux sphères… – mélancolie
athlétique –
Supporter la pensée – en songeant à Saturne – j’aspire
déjà à d’autres lecteurs – je me fous
de l’art et pourtant si j’avais connu Balzac j’aurais essayé de
lui voler un baiser – le cœur découvre et la tête
invente –
Seins8, éléphant de douceur – merde,
vache, charogne de Dieu ! – Mon cœur9 en sa passion
embrasse l’âge
de pierre – Nature, je suis ton serviteur – Néron
du parterre – Il est temps de chanter du fond de mon cœur – torrents
de souvenirs – cœur des cœurs – allez-vous-en,
petits spécialistes – je fais avec fureur… – chimères
du printemps – et changer de chemise – ma jeunesse
hennissante – les mortes de couleur – dans l’air
assaini par les volcans – colosse blond, géant blond – un
pou naît sur un aigle et un crétin dans un palais – et
jusqu’aux biens paraphernaux d’une femme – Philadelphie – ligne,
service – J’ai connu le bonheur de…
Adieu fougère souveraine de la Tour Eiffel… amour, avril, perché sur
les échelles – derrière les fabriques – chaudière
des locomotives – Vénus dans les jardins – bombe10 les drapeaux – poumons – Réellement des électro-sémaphores !
les cyclistes, les bielles – trafic des cuirs – intense – externe – épiderme – … brillait
sur la face des gares – jouer dans le Maryland – … jusqu’à,
dans la racine des yeux – fumée, je vois vos joyeux tourbillons – on
n’a jamais trouvé un artiste pendu devant une rose – oxygène,
je sens que je suis rose – les veilles… des fabriques – lancer
des cailloux – vers portés neuf ans comme l’éléphant – personne
entendez-vous, personne… – barbouillé de soleil – pourquoi
les acteurs ne récitaient-ils pas des vers grecs et latins ?
les pâturages de la lune – quand l’aurore changeant
la robe des glaciers – le vert adopté, adoptif – dans
les fermes –
Dans la sombre beauté d’un ténébreux
nuage
La lune qui rêvait comme un cœur d’éléphant
Le Saint-Laurent sous le joug des ponts – je remarquais la chasteté de
M. Gide qui était servi par des domestiques femmes – vers
portés neuf ans comme l’éléphant11 et
teints sept fois dans les flots du cœur – cheminées,
fumez, fumez, mes belles échevelées ! – ma
morte de couleur, images funèbres, vos parures, dans le royaume
des morts, les taupes vous fournissent, ma sœur, encore12 des fourrures – … tes
eaux territoriales –
Ah, nom de Dieu ! quel temps et quel printemps ! … des palmiers
et des tours – manufacture – … comme un beau
charbonnier – … et j’aime tes présidents – je
regrette les chefs-d’œuvre – je viens avec fraîcheur
admirer tes maisons – C’est moi, ton Cravan
Vent
Je sens que je suis rose et viens avec fraîcheur
Admirer l’Amérique aux nouveaux vélodromes
Ma grande nature – à bicyclette – Et qu’as-tu
bien mon cœur, ogre mélancolique ? D’où te
vient cette ombre, d’un œil de femme comme un beau charbonnier – je
ne veux plus de ces plaisirs sombres –
Et toi soleil d’hiver13 que j’aime à la
fureur
Tu habites un enfant
Et surpris au passage,
Dans la sombre beauté d’un ténébreux
nuage,
La Lune qui rêvait comme un cœur d’éléphant !
Depuis cinq ans tu n’es plus le même, je ne veux pas vieillir – fournisseur
des cours – ma carte d’électeur – … je
te jure – poète-bûcheron – honneur – avec
extravagance – le génie qui me mange un kilo de chair par
semaine – hebdomadaire – obésité du cœur,
embonpoint – 200 frs environ, mon compte présente un disponible,
banque – la totalité – littéralement
fou – … espérer beaucoup – Tu places
les lacs sous le joug des ponts – Je regarde la mort à travers
mes hublots – Réverbères décolorés – esprit
naval – réitérer –
Je suis homme de cœur, et suis sûr d’être
tel ;
Et pourtant (hôtels)
Le passé a mugi comme un bœuf – l’air dans
mes bronches – … fait bruire ses hélices – … comme
une auto blanche… – jeune haltérophile – Malédiction à ma
Muse – l’amour sur son échafaudage – le
colporteur14 – température – en résumé – hop ! – franco-britannique – chèque
postal –
Glorification du scandale (New York, ta municipalité) – éternel
Avril (ténor) perché sur son échafaudage et que tout
ce qu’on en dit est froid par comparaison ! – L’esprit
a des facettes et l’âme (le cœur) a des versants – mes
passeports – vulgarité – démoralisé – à l’heure
où s’éclairent les bureaux – les lampes allument
leurs étoiles terrassées – Porto-Rico – et
rendort l’olivier – prophète éléphant – mon
jeu de jambe –
Fougère souveraine15 de la Tour Eiffel.
Je suis tout et tout inondation – après avoir pleuré pouvoir
déchirer mes larmes – J’ai besoin d’une grande
débauche – je suis l’enfant de mon époque – organisme –
Je suis ce que je suis : le bébé d’une époque.
Mon cœur secoué comme une bouteille – passer avec
plus de rapidité de l’enthousiasme à la démoralisation
la plus complète –
Je suis la belle Flora, Laurent de Médicis
Je suis doux de pensée – créature – en
tuer la pensée – le savant, l’odeur du vent – fureur
et furie – papa des papillons – j’aime les yeux :
le tennis, le … le football, billard des prairies – Mon
ventre allume un salon, délices des voleurs –
Quand je songe à … le sang des vainqueurs me monte à la
tête –
Qu’ai-je à voir avec vos petites contradictions ? – Le
printemps dans les branches… – Atlas syphilitique – Seigneur,
Seigneur ai-je décliné ? et mes jours de nageur – hier à ton
souvenir j’ai rêvé faiblement – le corset des
roses – carcasses, diamants, pierres aux attraits sexuels – tabac
de feuilles – Charente, tes branches et tes mousses – astre
de l’Equateur – le passé à l’œil
noir – adolescent et adulte – l’ornithologie
descriptive – organes, larves lumineuses – mon tronc – passé à l’œil
noir, avenir au plumage doré – hélas et hourrah ! – pétrifications – je
roule le souvenir de chaudières ruinées – ma panse
de cheval – rappelle-toi de partir – or ou taureau – je
t’écraserai, fatalité – mais où est
le monument de mes vols, farces ? – l’art, la peinture
m’a trahi – organes délicats de la femme – je
repose mes jambes sur la mousse – Quel temps te faut-il peinture,
et que réclames-tu ? Désirs, vous m’avez
laissé à moitié mort
sur une chaise – possession – La paresse redoutable – je
folâtre sur le gazon – reçois l’insulte d’un élu – le
cristal de la lune – romance des lutteurs – le fruit
d’une négresse – mes pieds resplendissants, leur
splendeur – Modèle d’injustice – esprit
de la ruse – trésor des cambrioleurs, des mondains – mille
et un – pilier de la folie –
Parmi l’amas
des années
Je roule le souvenir de chaudières ruinées – charmants
polypodes – je charge les murs de ma présence – les
vers de Rimbaud passent en sifflant – Je vais voir Woolworth qui
est si grand que l’on ne sait jamais en circulant dans les rues du
bas de Broadway si l’on tourne autour de lui ou si c’est lui
qui tourne autour de nous – terre de quand je dormirai dans ton
manteau – les lois de l’art demeurent16, les règles
passent – Mon cœur de jardinier – L’homme
le plus vil ou le plus ivre, une fois assis sur un banc, devient juge – Vous
ne pouvez pas comprendre, je suis Musset, Beethoven, celui qui a fait le
coup dans la ruelle des Reculettes – le prosateur au pas mesuré,
le poète au pas d’ours –
Sur les bancs des squares
Parmi d’étranges
victimes
Le poète vient s’asseoir pareil aux amputés –
Atlas sans monde, surchargé
Ne parlez plus d’influence, je me suis toujours demandé comment
je pouvais avoir une figure – La mort du plus grand des hommes
ne peut même pas arrêter un train – Souvenez-vous
que mon poids m’a souvent désespéré – turbulent – la
lune me sert d’entourage – mes devoirs – je ne
suis pas un cochon – avec mon génie brûlant je fus
ponctuel – ma Renée, quand tu seras mourante – par
bateau pour Baltimore – chimères du printemps, fantômes
de l’été – Quel monde de tristesse a le calme
de mon cœur ? – dans le ciel, porteurs des vents – étouffant, éléphant – Que
ne puis-je bondir dans l’herbe du printemps – La seule critique
que l’on puisse faire de ces tableaux c’est qu’on n’a
pas envie de sauter au cou d’aucun des artistes – les bijouteries – assassin
frénétique – la création – au
fond je suis… Le soleil assombri encore chaud sur la mer – Manucure,
rends-moi mes jours d’autocrate ma morale et mon goût – … des
spectacles inférieurs – Que de fois ai-je fait sensation – je
chargeais les murs de ma présence comme un corps d’amour – Qu’est-ce !
le torrent chante, le tigre hurle et le sapin bruit ? – les
cœurs géants – si je parle en dément du Christ
et de Wagner –
Parmi le matériel démoli des années
Je roule le souvenir de chaudières ruinées
– mes mille cœurs sont à toi – parallélogrammes – un
sourire inanimé – … et la dent de lion – morne
et lapidé – les choux maternels – dans mes rêves
les autos s’avancent par colonnes – souvent quand vient le soir
le voleur se réveille – Ah ! si grand que l’on soit
tant de gens vous ignorent – le rêveur comme le masturbé – je
gouverne mes yeux pareils à des royaumes – l’amour plus
rapide que la poste – Mon pauvre Gorve – Pourquoi m’appelles-tu
pauvre ? – Parce que tu es au monde – la vie ne vaut
pas la peine d’être vécue, mais je vaux la peine de vivre – et
ce n’est pas pour des prunes que j’ai de pareilles prunelles – peu
de gens comprennent qu’il faut être un maçon ou un prince
russe pour manger un bifteck avec les doigts et une minorité se rend compte
de ce qu’il faut être pour vouloir être vulgaire – Mon
bonheur n’est pas dans mon cerveau, il est dans ma jeunesse – Dieu
tyrannique – Chacun a secrètement l’idée de Dieu,
comme chacun a un cabinet – le mathématicien secoué par
les gaz – il y a danger pour le corps à rêver trop longtemps – si
j’ai du génie c’est exclusivement drôle et j’ai
sûrement du génie, et dire que l’on voit souvent le génie
(la plus haute des facultés à laquelle l’homme puisse atteindre,
selon le dictionnaire) qui ne se conçoit pas ! – Dieu,
quel con ! –
Églises vos chastes musiques
Subissent les lois de la physique
Forcer les secrétaires – déménagements je… – Pourquoi
m’aimez-vous ? – Par fonction – Je désirerais
furieusement qu’il plût. – Et pourquoi s.v.p. ? – Afin
de pouvoir vous le faire remarquer et ranimer de la sorte les jeux languissants
de la conversation – Vos yeux me frappent comme une agate sertie
dans la griffe d’or des cils (O, contre-finesses de la déliquescence !)
Broum, broum, broum, broum ! ! ! Quels
sens donnez-vous à ces
broum, broum, broum ? – Ma chère Mademoiselle, ma
chère celui d’un état d’esprit si inclassifiable
qu’on ne saurait lui trouver d’expression dans le langage articulé.
Au reste il est de suprême importance de ne pas les confondre avec
les boudi boum bada boum – Que vous êtes drôle – J’étais
sérieux, mais par perversion… tout ce que vous voulez. Au fait
dites-moi d’où vous venez, où vous allez, votre âge,
votre poids, combien on vous donne d’argent de poche et votre importance
sociale – quand les bigorneaux ouvriront leurs ailes – Je
ne serai jamais grand-chose, mes parents ont oublié de me donner une éducation
religieuse – Pourquoi n’êtes-vous pas venu quand je
vous ai appelé ? – L’idée pure n’est
pas motrice – L’attitude est morte – je me comprends
mieux depuis que je vois tout le monde – je sens que les murs
arrivent à leur maturité – Si l’on donnait
la direction de l’univers à Goethe les étoiles commettraient
vite des excentricités – les charmes dans les murs – j’ai
de la stature – je suis fort par inspiration et je chante presque
par vocation subite – et je parcours la gamme des poids, mes amis
vous le diront, ma figure grasse se creuse en quelques heures – quand
le jardinier et l’homme du monde s’affirment en même temps
comme je n’ai qu’une bouche je fais une espèce de grimace – Parfois
quand 2 ou 3 individus veulent s’exprimer à la même seconde
je ris tout simplement et je vous ferai mieux comprendre en m’étendant :
par exemple un jeune homme me montrant les vers d’une fille qu’il
aimait réveillant en moi le sceptique et l’amoureux me força
de rire, façon qu’il me reprocha, m’obligeant à rire
plus fort à cause de l’apparition du voyou et enfin à tomber
dans les convulsions du rire à l’entrée en scène
du voyou supérieur – Je le méprise, il n’a
pas changé de poids depuis dix ans – je crains fort que
ses pieds n’aient pas d’antipodes – je suis rouge
de plaisir – l’homme spirituel : celui qui sait combattre
en chemise de nuit – le cerveau musclé comme un bœuf – l’encombrement
des étoiles – (j’aime) je m’asseois avec… – je
me sens renaître à la vie du mensonge – mettre mon
corps en musique – bourrer mes gants de boxe avec des boucles
de femmes – Dieu aboie, il faut qu’on lui ouvre – je
marchais parmi les abrutis – locomotive, Vénus des forêts
dort près des graminées (cheminée) – Bonne,
Vénus, lys du vestibule – Seigneur, ma barbe est comme
de l’herbe sauvage et mes pieds puent – plus… plus
fort que le départ – adieu New York, je ne fais que passer
_ L’ossature des pays forme la topographie des os – en ennui
je suis herbivore et carnivore – pour baser mon système
du monde prendrai-je le brin d’herbe ou la cuisse du lutteur ? – New
York… des millions d’exaltés – Je viens m’abandonner
dans Santiago – Et téléphone-moi – Quand
les rayons des machines auront tant influencé mon crâne que
le soleil – j’avais honte d’être blanc :
un blanc n’est même pas le cadavre d’un nègre – je
vais à Buenos Aires pour être malheureux – le souvenir
dilaté par la bière – ce maquereaucéphale – je
songe à l’évolution des estomacs à New York – je
suis un fou caressant – dans ma prunelle de voleur le chat fait
briller sa griffe – et la brique au vieux ton – le
peintre qui emploie toujours des couleurs pures est comme le littérateur
qui dit toujours merde – machine à rêver – je
suivais la lune et je la voyais devenir américaine – le
temps passe comme un géant – l’action du soleil – danser
bouteilles et tonneaux – il n’est personne qui puisse me
comprendre car il serait moi – et comment es-tu après chaque
pluie ? (la morte) – les germes de la musique – je
ne dors plus – dans ce hameau où l’on ne pourrait
rien voler – Ses joues ne réfléchissent rien – ce
jeune homme a l’air responsable – ces jeunes gens qui retardent – ma
haine du travail – intoxication de l’amour semblable à celle
du tabac – être assimilé à une cigarette – si
on me voyait en ange de la couture, quand je raccommode un bas – par
moments, je voudrais voir les mères laisser tomber leurs bébés – j’ai
enfin des préjugés ! – j’apporte ma tête
et ma vie – homme complet – Seigneur, je suis votre égal – trésors
de brutalité – votre géant blond – un
père et une mère, quelle tache ! – j’ai
fait de tels progrès que dans la rue j’ai toujours peur de me
faire écraser – j’inspire confiance – je
serai grossier pour me reposer de l’idéal – il faut
que je change ma tête en écoutant beaucoup de musique – je
m’amuse follement – j’incarne les meubles et les joueurs – Dites-moi
quelque chose d’intéressant – Madame (choses extraordinairement
profondes mêlées à choses d’une légèreté parisienne
et à ma blague personnelle) – Scène des lignes de
la main – je me baigne dans l’or de ma montre – comme
une perle je sais me donner de l’orient : j’entre dans un
musée d’histoire naturelle ou je vais voir les moulages du Parthénon – Cravan,
Golpeador – donnez-moi votre nez – Si vous me refusez
je me ferai écraser par le char de la lune – elle respire
comme un chou – chez les peintres la peinture est une sécrétion – parmi
les gens instruits il n’y a guère que des riches pauvres – j’ai
un accent personnel en parlant les langues : je suis né blond
clair et je suis devenu graduellement brun – ce livre a certainement
sa place dans la surproduction contemporaine – il faut remettre,
un fois par an, son avenir en jeu – je regardais en souriant cet
homme qui depuis des ans n’avait pas varié d’un kilo – il
ne me reste qu’à vendre mon squelette17 à un naturaliste
ou mon âme à un psychologue –
Langueur des éléphants, romance des
lutteurs.
Arthur Cravan – 1917-1918
1 « Notes » parut
pour la première fois, à New
York, dans le numéro 1 (juin 1942) et dans le numéro 2/3 (mars
1943) de VVV, précédé de quelques lignes d’André Breton
qui ont, entre autres, l’intérêt de préciser l’origine
de ce manuscrit, vraisemblablement le dernier que Cravan ait eu le temps d’écrire.
Les indications en bas de page figurent dans l’édition originale.
2 En surcharge : cils.
3 En surcharge : de Césars.
4 Mot illisible, peut-être : porcs.
5 Rayé : jeune.
6 Rayé : perdu, quitté.
7 Rayé : de lettres s’égarent en ce moment.
8 En surcharge : Nichons (souligné).
9 En surcharge : âme.
10 Au-dessous : aveuglant.
11 En surchage : un pachyderme.
12 En surcharge : irisations.
13 En surcharge : vent glacial.
14 En surcharge, rayé : le vent.
15 En surcharge, rayé : arborescente.
16 Rayé : sont éternelles.
17 Rayé : corps.