IRONIE numéro 148 - Juillet/Août/Septembre 2010

À livre ouvert

Les séjours des Carrache à Venise

Lire aussi Le Buveur d'Annibale Carraci (Ironie n°131, octobre 2008), ainsi que
le supplément du n°90 d'Ironie et les n°84 et 86 concernant Les Lascives d'Agostino Carrache.

Annibale Carrache - La boucherie (Oxford)

Ill 1 : Annibale Carrache, La Boucherie, fin 1582 - début 1583
huile sur toile, 190 x 177 cm, Oxford, Christ Church

Les considérations que je me propose de développer concernant les séjours des frères Carrache à Venise trouvent leur origine dans l’étude d’un tableau : La Boucherie1 (ill.1) d’Annibale Carrache. Réalisé vers 1582 par le plus jeune des trois Carrache, il est interprété par la critique2 dès le XVIIIe siècle comme pouvant être un portrait de famille avec Annibale (1560–1609) lui-même, Agostino (1557–1602), son frère, et Ludovico (1550–1619), son cousin. Portrait collectif des membres d’une même famille ou, plutôt selon moi, portrait de gestes3 d’une profession qu’est la boucherie, ce tableau est surtout le manifeste des Carrache, une représentation de leur académie créée en 1582 – l’Accademia dei Desiderosi (Académie des Désireux, des Avides) qui s’appellera ensuite Accademia degli Incamminati (Académie de ceux qui cheminent ou qui s’acheminent). Un manifeste pictural, aussi, affirmant une nouvelle approche de l’art, de son enseignement et de ses thèmes par rapport à la génération précédente des maniéristes tardifs. Cette illustration du travail besogneux des bouchers est à mettre en lien avec l’idée que se faisaient les Carrache de l’activité picturale : une activité où l’artiste manipule et transforme la matière picturale comme le boucher le fait de la matière animale. C’est ce rapprochement entre l’art de la peinture et l’art de la matière que les Carrache proposeront dans leur nouvelle académie car, si la peinture est un art intellectuel – cosa mentale écrivait Léonard de Vinci4 – c’est aussi un art technique exploitant les possibilités qu’offre la matière. Cette approche s’oppose fortement à la conception qu’en avait les artistes maniéristes bolonais tels que Bartolomeo Passerotti, Samacchini ou Prospero Fontana.

La date d’exécution de ce tableau est supposée être contemporaine de la fondation de l’Accademia dei Carracci. Au sein de cette académie, à la fois atelier et institution culturelle, les trois artistes proposaient à leurs élèves de travailler en copiant les maîtres, en étudiant des moulages, des fruits et animaux vivants, donc, de travailler d’après la nature, de disegnar il naturale ou il vivo5 c’est-à-dire dessiner le naturel, dessiner le vivant, rendre la vie. Les élèves étaient ainsi entraînés dans les environs de Bologne pour « dessiner collines, campagnes, lacs et rivières », « de jour comme de nuit » et faisaient des « dessins de nu masculin et féminin »6, toujours sur le vif. Comme en témoigne l’un des premiers biographes des Carrache, Carlo Cesare Malvasia, dans son Felsina pittrice. Vite dei pittori bolognesi de 1678, quelques dissections anatomiques étaient effectuées au sein de l’académie mais elles étaient rares7 car c’est, avant tout, le vivant qui intéressait essentiellement les Carrache. Copier les maîtres, travailler d’après la nature et dessiner sur le vif – toutes ces pratiques d’apprentissage faisant la spécificité de l’académie – sont à mettre directement en lien avec les séjours vénitiens des trois artistes et les raisons qui les incitèrent à partir pour la cité des Doges. Ces spécificités d’enseignement des Carrache seront aussi les fondements de ce qu’on appellera plus tard la Réforme des Carrache.

Les Carrache voyageurs

La fondation à Bologne de l’Académie des Carrache en 1582 marque, c’est un fait, un tournant décisif dans la carrière des trois artistes ; elle signale aussi le retour définitif - ou pour une longue période - de chacun d’eux dans leur ville d’origine. Ludovico, le plus vieux, après avoir été à Venise, Florence, Parme et Mantoue s’installe définitivement à Bologne en 1578. Il fera bien quelques déplacements occasionnels mais uniquement pour répondre à des commandes. Annibale est documenté à Parme et Venise en 1580 mais est présent à Bologne en 1582 et cela jusqu’en 15958. 1582 est, enfin, pour Agostino une année clé puisqu’elle met un terme à deux ans d’activité à Venise. En 1582, il revient à Bologne où il restera jusqu’en 1597 même si Venise, nous le verrons, représente un lieu essentiel dans la vie personnelle de l’artiste. La concomitance de la fondation de l’académie et du retour de voyage des trois Carrache n’a pas échappé aux spécialistes des peintres bolonais. Charles Dempsey, dans un texte fameux intitulé « La Riforma pittorica dei Carracci » écrira : « l’Académie dans laquelle [ les ] nouvelles idées artistiques [ des Carrache ], rassemblées durant les voyages en Italie septentrionale et mûries à travers l’exercice de l’exécution de copies, purent être mises en pratique dans leur peinture et diffusées parmi les étudiants »9.

La remarque est pertinente mais elle renvoie aussi à l’idée, un topos depuis Giorgio Vasari, que le voyage d’artiste est tenu pour l’un des éléments constitutifs de toute formation artistique ou stylistique. En général, les motivations et circonstances matérielles qui entourent le voyage artistique sont d’une extrême diversité mais, toujours capital, le voyage se révèle être invariablement une articulation essentielle dans une vie en général, et dans une vie artistique en particulier. Qu’il s’agisse de celui de Ludovico, d’Agostino ou d’Annibale, le voyage revêt des formes fort diverses.

À l’instar de nombre d’artistes de leur époque, les trois Bolonais réalisent à un moment donné de leur vie artistique, en l’occurrence au début de leur activité, des voyages vers plusieurs villes d’Italie septentrionale. Ludovico, vers 1575, va à Venise, Florence, Parme et Mantoue, et ira à Rome, quelques années plus tard. Il semble conseiller, nous le verrons, à ses cousins d’en faire tout autant. Agostino et Annibale séjourneront donc à leur tour dans diverses villes : Venise (de 1580 à 1582, en 1585 et de 1587 à 1589), Crémone (1582) et Florence (1589) pour Agostino ; Parme et Venise (1580) puis Crémone (1582) pour Annibale. Parmi toutes les villes énumérées, la seule qui fut visitée par les trois Carrache est Venise.

Le séjour vénitien de Ludovico, daté de 1578, est peu documenté. Il ne sera pas étudié ici mais il m’intéresse parce qu’il semble être à l’origine des séjours des deux autres Carrache10 ; celui que je vais vous présenter ici concerne Agostino. Il s’étale de 1580 à 1582 et je le mettrai en lien avec le voyage qu’Annibale exécute pour rejoindre son frère en 1580. Le premier séjour vénitien d’Agostino aura des conséquences dans sa vie personnelle puisque ce dernier est documenté à Venise, à nouveau fin 1582, en 1585 et de 1587 à 1589. De fait, il y a rencontré une certaine Isabella, une jeune vénitienne avec laquelle il a eu un fils, dont l’année de naissance est difficile à préciser mais qui ne doit pas être postérieure à 158311. Le détail est anecdotique mais il éclaire, d’une certaine manière, les réseaux tissés sur place par l’artiste bolonais.

Qu’il s’agisse du long séjour d’Agostino ou du bref passage d’Annibale, la décision d’un séjour quel qu’il soit suppose que soient réunies un ensemble de circonstances matérielles et d’intentions artistiques. L’objectif de cette intervention sera donc double : essayer d’établir les réseaux constitués sur place et les conditions de vie des deux frères tout en tentant d’évaluer le rôle que tenait Venise en tant que contrepoids à Rome, dans la démarche artistique des Carrache. Je tacherai, enfin, de montrer les enjeux artistiques et théoriques d’un séjour vénitien pour chacun des trois Carrache, et plus largement pour leur académie. De fait, en 1582-1583, les trois artistes exécuteront et signeront ensemble à Bologne, comme acte fondateur de leur réforme artistique, la décoration à fresque de deux salles du Palazzo Fava et d’un des salons du Palazzo Magnani où, nous le verrons, des motifs et thèmes empruntés à l’art vénitiens transparaissent.

Entre réseau d’amitié et réseau professionnel

Si Agostino Carrache est renommé pour sa peinture, il l’est aussi pour son activité de graveur. Il fut formé auprès du peintre et graveur bolonais Domenico Tibaldi qui l’initie à la gravure de Cornelis Cort connu en Italie sous le nom de Cornelio Fiammingo ou Cornelius Curtius. Un artiste flamand qui arrive à Venise en 1565 avec une technique très spécifique de gravure pour rendre matières ou effets picturaux. Ses thèmes favoris sont issus de la peinture vénitienne et de l’œuvre de Titien en particulier. Durant les années 1580, Agostino emploie des estampes de Cort comme modèles pour ses propres gravures et il est évident que les œuvres gravées de Cornelis Cort furent des vecteurs d’appropriation des motifs vénitiens chez Agostino. Vecteurs de connaissance de l’école vénitienne, ces œuvres gravées participèrent, aussi, de l’envie d’Agostino d’aller voir à Venise les originaux dont le flamand avait tiré ses gravures.

Agostino à Venise

Agostino Carrache - Les tentations de saint Antoine (Bologne)

Ill. 2 : Agostino Carrache, Les Tentations de saint Antoine, 1582
burin, 498 x 327 mm, Bologne, Pinacothèque Nationale

Agostino part pour Venise en 1580 et y séjourne jusqu’en 1582. Carlo Cesare Malvasia rapporte qu’Agostino alla à Venise en réponse à une invitation des éditeurs Bertelli pour exécuter, à la fois, des gravures de reproduction d’œuvres vénitiennes et des gravures de création12. Agostino est un graveur prolixe ; certains historiens de l’art13 vont jusqu’à lui attribuer trois cent cinquante planches différentes. Il nous reste nombre de gravures exécutées par lui qui possèdent en marge le nom de Luca, Orazio ou Francesco Bertelli, citons : Les Tentations de saint Antoine14 (ill. 2), probablement la toute première gravure d’Agostino d’après une peinture de Tintoret15 exécutée pour Luca Bertelli et une Pietà16 appartenant à un ensemble de six gravures d’après Véronèse17 financée par Orazio Bertelli. D’autres gravures d’Agostino portent les monogrammes du même Orazio : une Crucifixion18, certainement exécutée en 1582 à partir d’une peinture de Véronèse19 ou La Vierge protégeant deux frères20, une gravure de création exécutée en 1582. Francesco Bertelli, un autre financeur d’Agostino, lui commandera une Vierge priant21 durant la même année. Tandis qu’à la fin du XVIe siècle et au début XVIIe siècle, Luca et Orazio travaillent quasi exclusivement à Venise, Francesco Bertelli imprime souvent des gravures tirées d’œuvres vénitiennes dans ses ateliers de Padoue et de Rome. La Vierge priant proposée par Agostino a pu tout autant être imprimée par la succursale de Venise, par celle de Padoue ou celle de Rome. Conservées par la famille Bertelli, les plaques gravées circulaient d’une succursale à l’autre.

Pour tous les exemples cités, la technique de gravure d’Agostino pour rendre les divers accents tonals des œuvres de Véronèse et de Tintoret s’inscrit dans la lignée de celle de Cornelis Cort. Par l’usage plus ou moins denses des hachures, par l’utilisation des traits plus ou moins bombés, plus ou moins secs, Agostino traduit les textures, la tonalité, la luminosité des tableaux vénitiens. D’art de divulgation, la gravure devient avec l’artiste bolonais instrument de lecture des œuvres originales et outil d’investigation des formes peintes. Les gravures de reproductions d’Agostino sont à appréhender au sein d’un processus programmatique mis en place par l’artiste et les deux autres Carrache22. L’œuvre gravée d’Agostino est, selon moi, une contribution fondamentale à une élaboration pratico-conceptuelle de cette notion de « dessin naturel » sur laquelle se base toute la peinture des Carrache. Si Agostino travaille la gravure dans une démarche artistico-théorique articulée sur le concept de dessin naturel, il n’en reste pas moins que sa maîtrise parfaite des techniques de la gravure fit sa renommée et que c’est celle-ci qui lui permit d’être invité par les Bertelli.

Le milieu des graveurs vénitiens

À Venise, Agostino semble travailler et vivre dans le cercle des graveurs et éditeurs vénitiens, autochtones et étrangers. De fait, outre la connaissance du travail des graveurs flamands installés à Venise, comme Cornelis Cort, il semble aussi côtoyer la communauté flamande spécialisée dans la reproduction d’œuvres vénitiennes et connaît leurs travaux23. Agostino connaît aussi les peintres flamands installés à Venise, je songe à Pauwels Franck dit Paolo Fiammingo et à Ludwjk Toeput dit Il Pozzoserrato. De fait, il existe quelques gravures d’Agostino Carrache directement issues de tableaux de Paolo Fiammingo attestant sa connaissance de cette production flamande à Venise. Deux œuvres de Paolo Fiammingo, L’amour réciproque et L’Age d’or24, seront à l’origine de deux gravures qu’Agostino Carrache réalisera en 159025 (ill. 3 & ill. 4).

Agostino Carrache - L'Amour réciproque

Ill. 3 : Agostino Carrache, L’Amour réciproque, 1590, burin

Agostino Carrache - L'Age d'or

Ill. 4 : Agostino Carrache, L’Age d’or, 1590, burin

Parmi les familles vénitiennes spécialisées dans l’édition et le commerce d’estampes, il y avait donc les Bertelli dont certains membres étaient aussi considérés comme des graveurs : peut être Luca Bertelli, plus certainement Christoforo Bertelli. Certains membres de la famille s’adonnaient à la gravure pour assurer une offre constante d’estampes mais la majorité de ces plaques était dû au talent d’habiles graveurs. On trouve à Venise, entre 1550 et 1600, une trentaine de personnes gérant des plaques de cuivre et des blocs de bois pouvant servir à imprimer des estampes. Après les Bertelli, les plus connus sont Giacomo Franco, Niccolo Nelli et les Sadeler. Agostino semble avoir passé un contrat d’exclusivité avec les Bertelli. Il connaissait les Sadeler mais n’a jamais travaillé pour eux durant son séjour vénitien. Qu’il s’agisse de Fernando Bertelli (actif entre 1556 et 1571), de Luca (actif entre 1550 et 1582), d’Orazio (actif entre 1562 et 1588), de Francesco ou Donato (actif entre 1558 et 1598), les Bertelli, parallèlement à l’édition et à la vente d’ouvrages, avaient entrepris la constitution d’une grande collection familiale de plaques de cuivre.

À Venise, au XVIe siècle, dans les grandes lignes, on peut classer en trois groupes les personnes qui se consacraient à la fabrication et à la diffusion d’œuvres graphiques : les intagliatori (les graveurs), les stampatori (imprimeurs) et les librari (commerçants en imprimés)26. Même si certains étaient à la fois librari et intagliatori, il s’agissait véritablement de deux métiers différents malgré un bon nombre de connexions et de points communs entre les deux groupes. Luca Bertelli et Orazio Bertelli, plus encore Francesco Bertelli, occupaient une position intermédiaire puisqu’ils étaient en contact avec tous les aspects du commerce des estampes. Il y avait des accords de coopération conclus régulièrement entre les librari et les intagliatori (certains allaient dans le sens du « co-publishing ») et ils mettaient en vente souvent les mêmes types d’estampes.

Nous l’avons vu, la famille Bertelli possédait des succursales à Padoue, Rome et Venise. Le commerce d’estampes se déroulait de façon similaire dans chacune de ces villes. A Venise, le classement des estampes destinées à la vente se faisait apparemment selon des méthodes assez fixes et proches de celles présentes à Rome. Selon Gert Jan van der Sman27, le classement du matériel disponible dans les ateliers vénitiens était analogue à celui proposé par le grand éditeur romain Antonio Lafréry. Y étaient distingués les « tavole moderne di geografie della maggior parte del mondo » des « effigie diverse ». Le terme « istorie » était utilisé pour indiquer des représentations narratives tant religieuses que profanes. En revanche, la production d’estampes à Venise possédait quelques spécificités par rapport à Rome. Dans la lignée des travaux de Michael Bury28, trois points sont à souligner. Tout d’abord, les accords de coopération entre éditeurs et graveurs étaient généralement moins durables à Venise qu’à Rome. Ce qui expliquerait l’activité d’Agostino dans la cité des Doges sur seulement deux années. Pour les éditeurs vénitiens de cette époque se lier à des graveurs d’estampes ne constituait pas une priorité. Ils utilisaient plus volontiers, mais toujours sur la base d’une collaboration temporaire, les services de graveurs résidant momentanément à Venise comme Agostino Carrache.

En second lieu, les librari et intagliatori vénitiens avaient des liens moins directs et moins contraignants avec l’héritage classique. Comparée à Rome, Venise mettait davantage l’accent sur l’actualité et moins sur l’antiquité. Plus qu’à Rome, l’estampe vénitienne était surtout utilisée pour la diffusion de nouvelles ou de curiosités d’ordre géographique et historique. Les évènements contemporains, par exemple, étaient très régulièrement transposés en estampe. Enfin, Venise avait une plus grande propension à choisir des sujets « non officiels ». On y réalisait un certain nombre de gravures souvent désignées par le terme d’estampes « populaires ». Je vous renvoie aux gravures datées de 1590 qu’Agostino tire des œuvres peintes de Paolo Fiammingo et à l’origine des Lascives (ndlr : voir le supplément du n°90 d'Ironie, ainsi que les n°84 et 86), estampes érotiques, qu’il fera circuler autour des années 1590-159529. Ce matériel était, bien sûr, aussi commercialisé dans d’autres régions d’Italie ou d’autres villes, comme Rome, mais les estampes les plus originales et les plus caractéristiques de ce genre naissaient à Venise et dans les ateliers d’artistes attachés à la famille Bertelli.

Agostino estimé pour son activité de graveur faisait partie de ces habiles graveurs séjournant momentanément à Venise en contrat avec l’une des familles les plus réputées d’éditeurs de gravures. Le jeune bolonais – il a entre vingt trois et vingt cinq ans – semble avoir vécu au sein de ce petit milieu d’éditeurs d’estampes, libraires et graveurs vénitiens. Il était proche aussi des imprimeurs et graveurs flamands qui importèrent certaines innovations techniques dans le travail de la gravure et qui s’intéressaient particulièrement aux motifs et artistes vénitiens.

Annibale à Venise

C’est dans ce contexte qu’Annibale rejoint donc Agostino à Venise à la fin de l’année 1580. Nous possédons deux lettres assez exceptionnelles, datée du 18 et du 28 avril 1580, publiées par Carlo Cesare Malvasia, attestant ce voyage. Elles sont écrites par Annibale depuis Parme à son cousin Ludovico resté à Bologne. Dans ces lettres Annibale montre son enthousiasme pour l’œuvre de Corrège et explique combien il espère qu’Agostino va le rejoindre à Parme pour étudier le style du maître local. Je ne vous en cite qu’une : la lettre d’Annibale à Ludovico, de Parme, datée du 28 avril 1580.

« Magnifique et très respectable cousin.

Lorsque Agostino viendra, il sera le bienvenu, et nous serons en paix, et nous nous appliquerons à étudier ces belles choses [les œuvres de Corrège], mais pour l’amour de Dieu, sans désaccord entre nous et sans autant de subtilités et discours, mettons toute notre attention à nous approprier le mieux possible cette belle manière [celle de Corrège], c’est notre affaire principale, pour pouvoir un jour mortifier toute cette canaille à bonnet qui est toujours sur nos dos comme si nous étions des assassins. [...] Et Titien, celui-là sera toujours mon plus cher, et jusqu’à ce que j’aille à Venise pour voir ses œuvres, je ne mourrai pas content. Qu’on dise ce que l’on voudra, ce sont là de véritables peintures ; je le reconnais à présent, et dis que vous avez grandement raison [...] »30.

Cette lettre est suivie par un fragment que l’on suppose être d’Agostino, datée de la fin des années 1580, et envoyée depuis Venise à Ludovico, toujours à Bologne, disant qu’Annibale l’a rejoint et expose l’enthousiasme de son frère pour Véronèse qui, selon les deux frères, surpasse Corrège.

« [...] Quant à Annibale, rien ne pouvait lui faire une plus belle sensation, que de passer immédiatement de Parme à Venise, parce que la vue des immenses machines de tant d’hommes de talent le plongea dans la stupéfaction et l’étourdissement, en disant qu’il croyait bien qu’il y avait de grandes choses dans cette ville, mais qu’il n’en aurait jamais imaginé autant, et dit que face à elles il n’est qu’un maladroit et qu’il ne sait rien. Il avoue, de plus, que Paolo [Véronèse] lui paraît être le premier homme du monde, que Vôtre Seigneurie avait bien eut raison en lui recommandant ; qu’il est vrai qu’il surpasse le Corrège par de nombreux aspects, parce qu’il a plus de vie, et plus d’invention [...] »31.

Ces lettres nous renseignent sur de nombreux points ; en voici quelques-uns : alors qu’il est à Parme pour étudier les œuvres de Corrège, Annibale exprime non seulement son souhait que son frère le rejoigne pour partager cette expérience mais aussi son désir d’aller un jour à Venise pour voir les œuvres de Titien comme lui a conseillé, semble-t-il, Ludovico. Quelques mois plus tard, comme en témoigne la lettre d’Agostino à Ludovico, Annibale est à Venise. Venu étudier tout l’œuvre peint de Titien, il est stupéfait et étourdi par tant de grandeur et découvre aussi la production d’autres peintres : Paolo Véronèse et Tintoret. Deux artistes encore vivants en 1580 et qui sont présentés à Annibale par Agostino lui-même.

Dans la lignée d’un Titien qui gérait, au sein même de son atelier, la reproduction et la diffusion de ses œuvres peintes, par le biais de la gravure, Véronèse et Tintoret, selon moi, s’intéressaient eux aussi de près aux estampes tirées de leurs réalisations picturales. Agostino a dû faire la connaissance des deux Vénitiens à cette occasion. Annibale profitera de cette relation professionnelle ou d’amitié pour rencontrer à son tour ces deux personnalités qui faisaient l’école vénitienne.

Un fragment de lettre d’Annibale écrit depuis Venise, fin 1580, adressée à Ludovico documente une de ces rencontres : « [...] j’ai vu le Tintoret, à présent, égal à Titien, et celui-ci maintenant moins grand que Tintoret [...] »32.

Pour Annibale, comme pour Agostino d’ailleurs, Venise est donc un lieu reconnu comme un musée ouvert aux artistes, un lieu destiné à l’étude de chef-d’œuvres de l’école vénitienne. Son désir premier était d’y aller pour y voir les toiles de Titien ; il y découvre une école spécifique de peinture33. Grâce à son frère, il y rencontre des artistes contemporains : Véronèse, Tintoret, Jacopo Bassano. La présence d’apostille en marge de son exemplaire des Vite de Giorgio Vasari atteste d’ailleurs sa visite de l’atelier de Bassano. Annibale vient donc à Venise pour une autre raison qu’Agostino, une raison qui n’est pas directement professionnelle mais qui relève plutôt de l’instruction artistique et de l’étude stylistique. Venise c’est aussi la ville où la rencontre avec des maîtres contemporains reconnus est possible. Les ateliers d’artistes ouvrent fréquemment leurs portes à ceux qui veulent étudier la manière vénitienne. L’héritage classique, si présent à Rome, est remplacé à Venise par la rencontre avec des références artistiques vivantes. En allant à Venise, Annibale ne recherchait pas les ruines et les maîtres de l’Antiquité mais la rencontre et l’échange avec les maîtres de l’école vénitienne.

Notons enfin que malgré une pratique de la gravure, qu’il a apprise d’ailleurs auprès d’Agostino, Annibale ne produira pas de gravure à Venise. Ses premières gravures connues sont datées de 1581 : une Crucifixion, gravure d’invention, publiée à Bologne et deux gravures de reproductions d’après des estampes contemporaines d’Agostino issues de tableaux du peintre Federico Barocci. Les intentions artistiques d’Annibale à Venise n’étaient décidément pas les mêmes que celles de son frère Agostino.

Arrivé durant l’été ou l’automne 1580, Annibale semble repartir pour Bologne à la fin de la même année tandis qu’Agostino restera à Venise jusqu’en 1582. Ainsi autant Annibale est véritablement en train de voyager entre Bologne, Parme, Venise, Crémone puis Bologne, allant de ville en ville pour parfaire son éducation artistique, autant Agostino séjourne à Venise en contact avec peintres et graveurs vénitiens en exerçant une activité rémunératrice sur place. Une différence est donc à faire entre la situation du plus jeune des frères venu étudier les œuvres de Titien et visiter les ateliers de Tintoret ou de Bassano et celle d’Agostino qui étudie, certes aussi, mais copie et grave d’après les maîtres vénitiens. Alors qu’Annibale ne retourna à Venise qu’en 1587, Agostino y sera de nouveau dès 1583, puis en 1585 et de 1587 à 1589.

Des enjeux artistiques et théoriques

D’une importance considérable pour Agostino, ce voyage à Venise le sera tout autant pour son frère Annibale, comme il le fut pour Ludovico, quelques années auparavant. Les trois Carrache fascinés par les exemples vénitiens orienterons dès 1582 leur regard vers les modèles de la peinture vénitienne et se détourneront définitivement des maîtres maniéristes bolonais. Les trois artistes qui exécutent et signent ensemble vers 1582-1583, dans une logique de communauté artistique, la décoration de deux salles du Palazzo Fava et d’un salon du Palazzo Magnani, à Bologne, montrent leur intérêt pour l’héritage vénitien. Dans le Palazzo Fava, l’Enlèvement d’Europe34 s’apparente clairement au tableau que Paolo Véronèse propose du même thème35. Les détails du paysage à l’arrière plan de la scène peinte à fresque sont directement inspirés de paysages vénitiens proches de ceux de Giorgione ou Bassano. La vue est composée de longues inclinaisons de collines et montagnes ménageant de petits espaces où se répartissent de petites figures, gardiens de troupeaux ou vaches. Quelques arbres gracieux dont le feuillage est traité en un effet de dentelle alternent avec les figures à l’arrière-plan. Le même constat peut être fait pour les fresques du Palazzo Magnani où le traitement du paysage des épisodes de l’Histoire de Rome36 reprend celui proposé par Giorgione dans sa Vénus endormie37 et celui de Titien dans Orphée et Eurydice38.

Venise marque la production des Carrache dès 1582-1583 avec la présence de paysages vénitiens à l’arrière plan des épisodes peints à fresque dans les deux palais bolonais. S’il ne faut pas négliger la circulation, à Bologne, d’estampes tirées d’œuvres vénitiennes et la présence de peintures vénitiennes au sein de collections privées bolonaises, les trois artistes exploitent les modèles vénitiens seulement à partir de 1582, au lendemain de leur retour de la cité des Doges. Cet intérêt pour l’art vénitien ne se démentira pas durant les années qui suivront.

Agostino Carrache - Vénus, un satire et deux putti (Florence)

Ill. 5 : Annibale Carrache, Vénus, un satire et deux putti, vers 1589
huile sur toile, 112 x 142 cm, Florence, Galerie des Offices

Cet intérêt généra chez les trois Carrache et leurs élèves, au sein de l’Accademia dei Carracci, des innovations plastiques et stylistiques. Dans le cas d’Annibale, les liens plastiques entre certaines de ses œuvres picturales et celles de Tintoret exploités par le biais des gravures d’Agostino sont relativement simples à déceler. Citons en pendant des deux tableaux d’Annibale, Venus et Adonis39 (ill. 5) et Vénus, un satire et deux putti40, les deux gravures d’Agostino exécutées en 1589 d’après deux œuvres de Tintoret : Minerve écartant Mars41 (ill. 6) et Mercure et les Grâces42 réalisées en 1578. À la suite de Tintoret, Annibale révèle un intérêt artistique certain pour les corps féminins et leurs torsions. On retrouve chez les deux artistes, les mêmes effets de sensualité créés par le contraste entre le décor et les corps, la même richesse des effets de matière dans les accessoires.

Agostino Carrache - Minerve écartant Mars (Bologne)

Ill. 6 : Agostino Carrache, Minerve écartant Mars, 1589
burin, 215 x 252 mm, Bologne, Pinacothèque Nationale

Une affirmation des fondements de l’Académie

Nous savons qu’Annibale retournera à Venise en 1587 et Agostino y sera dès 1583, puis en 1585, et de 1587 à 1589. Annibale y dessinera d’après les maîtres vénitiens et Agostino continuera son activité de graveur. Les plaques de cuivre gravées par ce dernier restèrent, semble-t-il, en possession de la famille Bertelli ; en revanche, les estampes issues de ce travail enrichiront le fonds de l’Académie des Carrache. Ce fonds regroupait des dessins, des cartons et ces fameuses gravures exécutées à partir des œuvres vénitiennes et qui constituait, selon moi, la matière même des fondements de la doctrine de l’Académie des Carrache.

Avec Agostino, la gravure, nous l’avons vu, devient instrument de lecture et outil d’investigation des formes. Elle possède un caractère didactique et pédagogique qui est à mettre directement en lien avec le projet de création d’un lieu d’enseignement artistique. Ainsi, en travaillant pour les Bertelli, Agostino constituait, dans un même temps, un répertoire thématique et iconographique pour sa future académie. En copiant les maîtres vénitiens, il affirmait aussi un fondement essentiel de la doctrine de l’Académie : la copie des maîtres doit être celle des maîtres contemporains et non pas des maîtres de l’Antiquité. Par ce travail de gravure, Agostino revendiquait aussi l’importance du dessin et de ses possibilités plastiques, et rappelait – la gravure étant un art éminemment technique – l’importance de la technique dans la formation de tout artiste.

L’excessif idéalisme des maniéristes bolonais incapables de convaincre le spectateur sera mis à mal par la nouvelle peinture des Carrache et de leurs élèves qui s’inspireront directement de ces travaux dessinés et gravés. Dans cette optique, les annotations portées par Annibale sur son exemplaire des Vite de Giorgio Vasari – édition de 1568 – sont parlantes. Ces apostiles datées entre 1580 et 1587 sont d’une extrême valeur car elles nous permettent de mettre en parallèle les idées sur l’art d’Annibale et celles du biographe. Dans le chapitre dédié à la Vie de Giorgione, Annibale écrit en marge du texte de Vasari : « Le seigneur Vasari ne se rend pas compte que les bons maîtres anciens ont tiré leur invention du vivant, et veut plutôt que soit bon artiste celui qui tire ses inventions de l’antique, alors que les choses premières et principales sont les vivantes, lesquelles on doit toujours imiter [...] »43. Une façon, selon moi, de dénoncer l’approche théorique de Giorgio Vasari en rejetant son idéal florentin et romain tout en affirmant que d’autres références artistiques sont possibles, celles inhérentes au naturalisme véhiculé par la peinture vénitienne.

Valérie Boudier

Notes de lecture

1 Tableau daté de la fin 1582 - début 1583, huile sur toile, 190 x 177 cm, Oxford, Christ Church.

2 Au moment de l’entrée du tableau dans la collection du collège anglais d’Oxford en 1765, il sera décrit comme une œuvre où « l’artiste ici s’est lui-même représenté avec les autres Carrache comme une famille de bouchers » in General Guise J., A Catalogue of the Collection of Pictures in the Library at Christ Church, Oxford, (1765) 1776, s. p. En 1800, le tableau est encore présenté par James Dalaway comme une figuration de « portraits de sa famille dans une boucherie, occupée à vendre de la viande » in Dallaway J., Anecdotes of the Arts in England, Londres, T. Bensley, 1800, p. 489. La traduction proposée sont personnelles.

3 La grande composition ne regroupe pas tant des portraits des Carrache que des gestes si techniques, si précis et si détaillés qu’ils paraissent en être des « portraits ».

4 Cf. le Traité de la peinture de Leonardo da Vinci présenté et traduit par André Chastel, Paris, Berger-Levrault, 1987, p. 87.

5 À la Renaissance, « naturale » et « vivo » sont des éloges banals, souvent interchangeables chez les théoriciens de l’art et biographes tels que Giorgio Vasari (1550) ou Giovan Paolo Lomazzo (1584). Le bon peintre doit savoir rendre le naturel ou le vivant en art.

6 Malvasia C. C., Felsina pittrice. Vite dei pittori bolognesi, intr. et présentation M. Brascaglia, Bologne, Alfa, (1678) 1971, p. 245.

7 Annibale rejette les dissections. Dans une des annotations des Vite des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes de Vasari, il écrit : « Il est curieux que de nombreux peintres, je ne sais si je dois dire qu’ils entendent peu de chose à cet art, passent et gaspillent tant de temps à cette anatomie qu’il est certes bon de connaître mais dans laquelle il ne vaut pas la peine de se plonger comme font les médecins », cité par Zapperi R., Annibale Carracci. Portrait de l’artiste en jeune homme, Aix-en-Provence, Alinea, (1989) 1990, p. 47.

8 1595 est l’année où Annibale part définitivement pour Rome à la demande d’Odoardo Farnèse.

9 Dempsey C., « La Riforma pittorica dei Carracci » in Nell’età di correggio e dei carracci, cat. expo., Milan, SCR Associati, 1986, p. 240.

10 Cf. Malvasia C. C., op. cit., p. 236.

11 Zapperi R., op. cit., p. 117.

12 Malvasia C. C., op. cit., (1648) 1841, vol. 1, p. 270.

13 Babette Bohn reconnaît deux cent vingt gravures attribuées avec certitudes et vingt-cinq dont l’attribution est discutable, in Bohn B., The Illustrated Bartsch, Italian Masters of the Sixteenth Century, 39, New York, Abaris books, 1980, p. 4.

14 1582, burin, 498 x 327 mm, Bologne, Pinacothèque Nationale. On lit, à droite, en bas : Lucae Berteli For. Anno MDLXXXII, à gauche : Iacobi Tintoreti pictoris Veneti prestantissimi inventum et dans le milieu de la marge inférieure : Antonius cum Daemones et Domino confortantur.

15 1577, huile sur toile, 282 x 165 cm, toujours conservée à l’église San Trovaso de Venise.

16 1582, burin, 407 x 286 mm, Bologne, Pinacothèque Nationale. On lit, à gauche en bas : Agu. Car. fe., et à côté : Paolo Calliari Veronese inve. Oratio Bertelli for. 1582.

17 Vers 1581, huile sur toile, 147 x 111 cm, conservée aujourd’hui au musée de l’Hermitage, Saint Petersbourg.

18 Sans date, burin, 303 x 220 mm, Bologne, Pinacothèque Nationale. On lit à gauche en bas : Carrazzi fe. Hora Ber. for., et à droite en bas : Pao. Ver. in.

19 Vers 1565-1575, huile sur toile, toujours conservée dans l’église de San Sebastiano à Venise.

20 Sans date, burin, 299 x 216 mm, Rome, Cabinet National des Estampes. Les vers qui se lisent dans la marge inférieure : Color che uniti in charita perfetta, / Menan qua giu vivendo. I giorni’el’ hore, / Fratelli in Christo, dalla sua diletta, / Madre, raccolti son con santo amore ; / Ella gli custodisce ella gli accetta / Come suoi figli, et mette in como honore ; / Ella del mondo a’lor dona vittoria, / E in Ciel gli tira a la beata gloria, sont d’Agostino. Présence en bas à droite de l’inscription : Horatio Bertelli for.

21 Sans date, burin, 213 x 162 mm, Vienne, Kunsthistorisches Museum. Gravure non signée et non datée mais datable de 1582. Sur le second état de cette gravure, l’adresse de l’éditeur est présente : fran.co bertelli.

22 Malvasia C.C., op. cit., p. 244.

23 Je songe à la famille des Sadeler, Jan (Bruxelles 1550 - Venise, 1600) et ses fils qui gravent beaucoup à partir des œuvres des Bassano, par exemple. Une belle gravure de Jan Sadeler d’après Jacopo Bassano, L’appel d’Abraham, est conservée dans la Collection Giusti

24 Vers 1585-1589 , huile sur toile, 160 x 260 cm chacune, Vienne, Kunsthistorisches Museum.

25 1590, burin, 225 x 304 mm chacune, Vienne, Graphische Sammlung Albertina.

26 A l’époque, on n’utilisait jamais le terme editore.

27 Cf. van der Sman G. J. , Le siècle de Titien, Gravures vénitiennes de la Renaissance, 2003, Bruges et Zwolles, Waanders Uitgevers.

28 Cf. Bury M., The print in Italy 1550-1620, Londres, The British museum Press, 2001.

29 Cf. Dax L. & De Butler A., Les Lascives, Paris, l’Amateur, 2003.
(ndlr : voir le supplément du n°90 d'Ironie, ainsi que les n°84 et 86)

30 « Magnifico Signor Cugino Osservandissimo. Quando Agostino venirà, sarà il ben venuto, e staremo in pace, e attenderemo a studiare queste belle cose, ma per l’amor di Dio, senza contrasti fra noi, e senza tante sottigliezze e discorsi, attendiamo ad impossessarci bene di questo bel mondo, che questo ha da essere il nostro negozio, per potere un giorno mortificare tutta questa canaglia berettina, che tutta ci è adosso, come se avessimo assassinato. [...] E Titiano, e sin che non vado a vedere ancora l’opre di quello a Venetia, non moro contento. Queste son le vere, dica pur chi vuole, adesso lo conosco, e dico c’havete molto ben ragione [...]. » in Malvasia C. C., op. cit., p. 237.

31 « Quanto ad Annibale, non si poteva fare il più bel colpo quanto è stato questo di farlo immediatamente da Parma passare qua a Venezia, perché, vedute le immense machine da tanti valentuomini, è rimasto attonito e stordito, con dire che credeva bene di cotesto paese gran cose, ma non si sarebbe imaginato mai tanto, e dice che adesso si conosco ch’egli anche è un goffo e non sa nulla. Di Paolo poi adesso confessa esser il primo uomo del mondo, che V.S. aveva molto ben ragione, se tanto glielo comendava ; che è vero che supera anche il Coreggio in molte cose, perché è più animoso e più inventore [...]. » in Malvasia C. C., op. cit., p. 237.

32 « [...] Ho veduto il Tintoretto ora eguale a Tiziano, e dora minore del Tintoretto [...]. » in Perini G., Gli scritti dei Carracci, Bologne, Nuova Alfa Editoriale, 1990, p. 154.

33 Affirmation personnelle s’opposant à Donald Posner qui, dans son ouvrage Annibale Carracci. A Study in the Reform of Italian Painting around 1590, Londres, Phaidon press,1971, p. 44, explique que l’art vénitien aurait fait peu d’impression sur le jeune Annibale.

34 Fresque réalisée vers 1583.

35 L’enlèvement d’Europe, vers 1578, huile sur toile, 240 x 303 cm, Venise, Palazzo Duccale.

36 Fresque réalisée vers 1583.

37 Vénus endormie, vers 1510, huile sur toile, 108 x 175 cm, Dresde, Gemäldegalerie.

38 Orphée et Eurydice, vers 1508, huile sur toile, 39 x 53 cm, Bergame, Accademia Carrara.

39 Vénus et Adonis, vers 1589, huile sur toile, 212 x 268 cm, Madrid, Museé du Prado.

40 Vénus, un satire et deux putti, vers 1589, huile sur toile, 112 x 142 cm, Florence, Galerie des Offices.

41 1589, burin, 200 x 250 mm, Florence, Cabinet des Dessins et des Estampes des Offices. En bas : Sapienta Martem depellente Pax et Aundantia cogaudent. À gauche : Jacobus Tinctoretus pixit. À droite : A.C. Le tableau de Tintoret intitulé Minerve chassant Mars afin qu’il ne dérange pas la Paix et l’Abondance - 1576, huile sur toile, 146 x 155 cm - se trouve encore au Palais ducal de Venise.

42 1589, burin, 215 x 252 mm, Bologne, Pinacothèque Nationale. On lit à droite en bas : A.C. et dessus : Jacopus Tinctoretus pixit, dans la marge inférieure : Spectator si scire cupis quid picta tabella est, Et Iovis et Maiae filius et Charites. Le tableau de Tintoret - 1576, huile sur toile, 148 x 168 cm - se trouve encore actuellement au Palais ducal de Venise.

43 « Il signor Vasari non s’accorge che l’antichi buoni maestri hanno cavate le cose loro dal vivo, e vuol piutosto che sia buon artista dalle seconde cose che sono l’antiche, che da le prime e principalissime, che son le vive, le quali si debbono sempre imitare [...] », in Bodmer, H., « Le note marginali di Agostino Carracci nell’edizione dell’Vasari del 1568 », in Il Vasari, Rivista d’arte e di studi vasariani, X, 1939, p. 128. 

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